Louis- Ferdinand Céline passe au crible, dans Voyage au bout de la nuit, les laideurs du monde de son temps...
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Louis- Ferdinand Céline passe au crible, dans Voyage au bout de la nuit, les laideurs du
monde de son temps et de l'espèce humaine en général.
Ce roman s'ouvre sur la
première guerre mondiale, premier sujet de critique.
La condamnation de la guerre n'est
pas un thème nouveau en littérature; Céline s'inscrit dans une tradition, derrière le récit
de Voltaire, Candide, ou alors, sur un mode plus gratuitement ironique, celui de Stendhal
au début de la Chartreuse de Parme.
Pourtant le Voyage, par la violence de sa critique et
de son ironie, par son désespoir et par son écriture totalement nouvelle, a comme
ambition de s'inscrire en rupture avec la littérature du passé, et de manière générale
avec les valeurs admises de son temps.
Comment, dans cette variation sur un thème littéraire admis, se définit sa position, entre
tradition et rupture?
I La condamnation de la guerre faite par un moraliste
_ la condamnation de la guerre : variation sur ce thème littéraire.
Echos dans ce texte de
la satire voltairienne, telle qu'on la reconnaît dans le conte Candide : Céline reprend
plusieurs procédés classiques : Fernand est un avatar de Candide, plongé dans un conflit
qu'il ne comprend pas : il pose sur cette guerre un regard extérieur qui met à jour
l'absurdité de ce phénomène : la guerre est ramenée à ses phénomènes le plus primitifs
: "se tirer dessus", "ça brûlait", "le charbon".
L'immoralité de la guerre est exprimée de
manière volontairement simpliste :"cela faisait partie des choses qu'on peut faire sans
mériter une bonne engueulade".
Cette apparente simplfication rend plus percutante et
plus concrète la condamnation.
_ cette condamnation débouche sur un regard critique sur l'espèce humaine, teintée du
pessimisme des moralistes tels que Pascal ou la Rochefoucauld, qui dans ses Maximes
dénonce la noirceur du coeur humain : Céline fait dire à Ferdinand : "C'est que je ne
connaissais pas encore les hommes".
Cette réflexion est une variation sur l'idée que l'être
humain est contradictoire, mystérieux, et que ses noirceurs sont insondables (voir le
poème de Baudelaire "L'homme et la mer" dans Les Fleurs du Mal : "...tu contemples ton
âme/ dans le déroulement infini de sa lame/ et ton esprit n'est pas un gouffre moins
amer").
_ réflexion sur la valeur des biens terrestres et des honneurs : cette réflexion est
perceptible derrière la phrase : "on y passerait tous, le colonel comme les autres".
La
réduction de ce colonel à un bout de viande, la "carne", et la réduction de la mort à
l'image d'une viande "rôti[e]" rappelle la démarche des stoïciens, exposée dans les écrits
de Marc-Aurèle : réduire ce qu'on considère comme digne de valeur à ses manifestations
les plus prosaïques ou les plus laides (Marc-Aurèle définit ainsi l'amour comme le
frottement de deux bas-ventre l'un contre l'autre) ce qui permet de s'affranchir de la
fascination qu'exercent habituellement ces biens.
II Une critique violente et subversive, contre la morale bien-pensante
_ critique de l'autorité : La bourgeoisie qui a orchestré cette guerre : elle est désignée
derrière les "tirage au sort, fiancailles, chasse à courre" et de manière très ironique
derrière l'appellation : "les gens sérieux".
L'armée est aussi tournée....
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