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Louis GUlLLOUX (1899-1981) LeSangnoir, 1935 Merlin, surnommé Cri.pure, est professeur de philosophie au lycée de Saint-Brieuc pendant la «grande guerre»....

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« Louis GUlLLOUX (1899-1981) LeSangnoir, 1935 Merlin, surnommé Cri.pure, est professeur de philosophie au lycée de Saint-Brieuc pendant la «grande guerre».

Hanté par le souvenir de sa femme Toinette qui l'a quitté pour un bel offi­ cier, il ouvre une lettre qu'il avait laissé traîner dans sa poche pendant deux mois ... [ ...

] Il tendit le bras, prit la lettre : écriture inconnue, cachet illisible.

li déchira l'enveloppe, déplia la feuille... Un simple regard, le «Ah!» de qui reçoit un coup mortel, et son bras retomba sur le divan, mou et lourd.

La lettre lui échappa.

Il la reprit, comme si le contact de ses doigts au papier eût été un gage que tous les liens n'étaient pas brisés, qu'il y avait encore un recours. Certes, tout n'était pas grandeur dans l'homme, il avait sou­ vent joué à se représenter Toinette vieillie et laide, devenue une bourgeoise toute en noir avec autour du cou un ruban de velours blanc pour soutenir les chairs croulantes, une de ces dames en mie de pain, gantées de laine, qui n'ont même plus la force d'applaudir au Théâtre Municipal le conférencier des Annales en tournée.

Dans ses heures les plus noires où l'esprit de vengeance le dominait, il avait joué à se la représenter morte.

Mais qu'il y avait loin de ces essayages au coup de la l réaité ! Il n'y aurait plus de passé, plus d'avenir hors de cette douleur qui lui sembla n'avoir jamais eu de commencement bien qu'elle ne fît que d'ouvrir en lui ses ruisseaux. SUJETS ET PISTES D'ETUDE Quelque chose se noua dans sa gorge.

Il voulut dégrafer le col de sa chemise : ses doigts engourdis ne purent saisir le bouton.

Il ne lutta pas.

Il laissa encore une fois retomber sa main.

Sa bouche s'entrouvrit.

« Ça va passer ...

Il faut seulement ...

» Il fallait seulement se faire tout petit, céder, lâcher de la corde : fuir.

Mais sa gorge se serra encore.

Ses mains, ses bras, son corps tout entier se mit à trembler.

« Ce n'est rien.

Il faut fuir.

Passer en dessous.

» Tout en lui voulait que se courbât cette tête.

« J'ai fui toute ma vie.

» Mais soudain larmes. il ne s'y attendait pas - survinrent des COMMENTAIRE LITTERAIRE Première partie : 4 points 1.

Relevez en les distinguant, deux formes d'ellipse, dans les premières lignes de ce récit.

(2 points) 2.

Observez les principaux temps verbaux utilisés : quel est l'ordre de la narration dans ce texte? (2 points) Deuxième partie : 16 points Vous ferez un commentaire composé de ce texte. ETUDE LITTERAIRE Première partie: 8 points 1.

Par quels moyens la narration instruit-elle le lecteur du contenu de la lettre? (4 points) 2.

Etablissez le champ lexical du théâtre dans le troisième paragraphe, en justifiant votre relevé.

(2 points) 3.

En vous appuyant sur le lexique, vous direz quelle est l'image implicite contenue dans le quatrième paragraphe.

(4 points) Deux ième partie : 12 points 1.

Vous étudierez la progression des sentiments de Cripure. Comment le narrateur les dévoile-t-il? (6 points) 2.

Vous analyserez les jeux sur le signifiant du mot« coup». Quelle dimension de l'écriture révèlent-ils? (6 points) 45 SUJETS ET PISTES D'ETUDE • Commentaire littéraire \ Première partie 1 ) Ellipses Le début de ce texte se caractérise par un style elliptique, tant au niveau de la phrase que du choix narratif.

On distinguera deux formes d'ellipses: a l La phrase elliptique 1 L' ellipse consiste en une suppression de mots, qui modifie le rythme et le style de la phrase, mais n'empêche pas la compréhension du sens. Dans la première phrase du texte, les deux-points remplacent l'expression du rapport logique et chronologique qui unit les deux parties de la phrase.

La deuxième partie de la phrase exprime en effet la suite et la conséquence de la première.

La nominalisation fait l'économie du verbe.

De même, dans « un simple regard, le "Ah !" de qui reçoit un coup mortel...

», la phrase juxtapose un syntagme descriptif et un discours rapporté avec ellipse du verbe déclaratif (« il poussa un Ah ! » , par exemple) . Cette tournure elliptique, aussi appelée parataxe, dépend d'un choix d'auteur qui devra être interprété dans le commentaire composé.

Il contribue notamment à accélérer le rythme de la narration et à traduire syntaxiquement le choc produit par la nouvelle sur le personnage. 1 La parataxe se caractérise par l'effacement des mots (prépositions, conjonction, verbe copule ...

) indiquant le rapport qui unit les syntagmes entre eux et plus largement par toute forme d'effacement, morphologique ou lexical. b l L'ellipse narrative 1 L' ellipse narrative concerne le déroulement de la narration : l'auteur choisit de ne pas raconter tel ou tel épisode de l'histoire qu'il passe sous silence (ellipse implicite) ou dont il signale l'absence (ellipse explicite). 46 SUJETS ET PISTES D'ETUDE Dans le texte, bien que l'ellipse narrative ne soit pas explicitement désignée, elle se signale par l'usage des points de suspension à la fin du premier paragraphe.

Le narrateur omet d'accompagner la lecture de son personnage et de nous livrer le contenu de la lettre.

Cette ellipse permet de raconter la nouvelle de la mort de Toinette du point de vue de son retentissement sur Cripure.

C'est pourquoi le paragraphe suivant enchaîne directement avec la réaction de Cripure, qui donne au lecteur des indices sur la nature de la lettre. 2 J L'ordre de la narration L'ensemble du texte est un récit au passé simple : « il tendit le bras », « la lettre lui échappa » , « iJ la reprit » , « quelque chose se noua dans sa gorge », « survinrent les larmes » ...

Le récit est entrecoupé de quelques phrases de discours direct (entre guillemets, au présent d'énonciation ou au passé composé) rapportant les pensées de Cripure. L' ordre de la narration suit l'ordre chronologique de l'histoire, sauf dans le troisième paragraphe où le plus-que-parfait ( « il avait souvent joué », « il avait joué ») évoque une époque antérieure au moment où se situe l'action. Ce retour en arrière, ou anaJepse : • permet au narrateur (et au lecteur) d'établir un parallèle entre la mort de Toinette telle que Cri pure avait pu l'imaginer et telle qu'il la vit dans la réalité; • opère une digression dans le déroulement de l'histoire et permet ainsi de ralentir le rythme de la narration afin de mieux mettre en valeur le temps qui s'écoule entre le choc de la nouvelle et la réaction douloureuse. Deuxième partie voir p.

51 47 SUJETS • Etude littéraire ET PISTES D'ETUDE 1 Première partie 1 ) Les procédés narratifs On reprendra les éléments de réponses à la question 1 du commentaire littéraire(« Ellipses ») , afin de mettre en évidence le caractère elliptique de la narration. Mais.... »

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