Lucien leva les yeux ... Lucien Leuwen, jeune sous-lieutenant, vient d'être affecté à un régiment qui va tenir garnison à...
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Lucien leva les yeux ...
Lucien Leuwen, jeune sous-lieutenant, vient d'être affecté à un régiment qui va
tenir garnison à Nancy.
Le jour où le régiment défile en ville, Lucien, sur un
cheval d'emprunt, s'abandonne à quelques réflexions désabusées.
L'histoire se
passe sous la Monarchie de juillet, vers 1834 -1835.
Lucien leva les yeux et vit une grande maison, moins mesquine que celles devant lesquelles le régiment avait passé jusquelà; au milieu d'un grand mur blanc, il y avait une persienne
peinte en vert perroquet.
"Quel choix de couleurs voyantes ont ces
5 marauds de provinciaux ! "
Lucien se complaisait dans cette idée peu polie lorsqu'il vit la
persienne vert perroquet s'entrouvrir un peu; c'était une jeune
femme blonde qui avait des cheveux magnifiques et l'air dédaigneux : elle venait voir défiler le régiment.
Toutes les idées tristes de
10 Lucien s'envolèrent à l'aspect de cette jolie figure; son âme en fut
ranimée.
Les murs 'écorchés et sales des maisons de Nancy, la boue
noire, l'esprit envieux et jaloux de ses camarades, les duels nécessaires, le méchant pavé s_ur lequel glissait la rosse qu'on lui avait
donnée, peut-être exprès, tout disparut.
Un embarras sous une
15 voûte, au bout de la rue avait forcé le régiment à s'arrêter.
La jeune
femme ferma sa croisée et regarda, à demi cachée par le rideau de
mousseline brodée de sa fenêtre.
Elle pouvait avoir vingt-quatre
ou vingt cinq ans.
Lucien trouva dans ses yeux une expression
singulière; était-ce de l'ironie, de la haine, ou tout simplement
20 de la jeunesse et une certaine disposition à s'amuser de tout?
Le second escadron, dont Lucien faisait partie, se remit en
mouvement tout à coup; Lucien, les yeux fixés sur la fenêtre vert
perroquet, donna un coup d'éperon à son cheval, qui glissa, tomba et le jeta par terre.
In Lucien Leuwen, Publication posthume, 1894, chap.N.
------QUESTIONS-----1 - Relevez un exemple de monologue intérieur.
On trouve un exemple de monologue intérieur lignes 4 et 5 lorsque
nous est livrée en direct et entre guillemets cette appréciation du héros :
"Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de provinciaux !"
2 - Quel est le point de vue (ou focalisation) essentiellement adopté
ici par Stendhal?
Stendhal adopte essentiellement ici le point de vue de son personnage; il s'agit donc d'un point de vue (ou focalisation) interne.
C'est en
effet à travers les yeux de Lucien que l'on regarde Nancy ("Lucien leva
les yeux et vit.
..
" "...il vit la pérsienne ...
s'entr'ouvrir").
De la même
façon, nous partageons ses incertitudes et ignorances ("était-ce de l'ironie, de la haine, ou tout simplement de la jeunesse...
") face à l'apparition de la jeune femme à la fenêtre.
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction
- Présentation
du texte
' - Annonce du
plan
Le roman classique comporte des épisodes riches
en émotion, quasiment obligatoires, et attendus par le
public, au nombre desquels figurent en bonne place
les premières rencontres amoureuses.,Dans son roman,
Lucien Leuwen, dont l'intrigue se déroule sous la
Monarchie de juillet, Stendhal a traité le premier contact
de son héros, Lucien, avec "une jeune femme blonde",
de façon tout à fait originale.
Adoptant en effet le point de vue de son personnage juché sur un cheval et défilant avec son régiment, il
épouse étroitement l'expérience vécue de Lucien.
Mais
il ne s'en tient pas là car la_ narration s'enrichit d'une
dimension supplémentaire constituée par le commentaire souvent ironique de l'auteur sur son personnage.
Il y a donc à la fois fusion et distance, deux aspects du
texte aisément perceptibles à l'analyse.
I - Fusion narraIl est évident tout d'abord que la plus grande partie
twr-personnage du texte s'apparente à la technique qu'on désigne,
depuis Gérard Genette, par le terme de "focalisation
interne", correspondant au cas où l'auteur en sait autant mais pas plus que son personnage.
A cet égard, le
début de notre passage précise nettement la règle du
1 - Adoption du jeu : "Lucien leva les yeux et vit ...
" Adoptant ce point
point de vue de vue, Stendhal place dans une certaine mesure son
de Lucien
lecteur dans une situation privilégiée : il faut être en
effet sur un cheval pour apercevoir "un embarras sous
une voûte au bout de la rue", et, à plus forte raison,
pour pouvoir distinguer le détail de "la mousseline
brodée" du rideau ou encore lire dans les yeux d'une
- situation
inconnue "une expression singulière" surtout quand
privilégiée...
ll
d
h
d
c
on sait qu'e e est "à emi-cac ée" errière une 1enêtre
refermée.
Seuls l'arrêt de la colonne et la hauteur de la
monture permettent ce point de vue.
Mais, en adoptant le regard de Lucien, l'auteur restreint aussi notre expérience car l'apparition de la jeune
beauté reste empreinte de tout son mystère ; nous ne
- information
savons
qui elle est, nous ne faisons que l'entrevoir, et
limitée ...
nous en sommes réduits, avec le narrateur et le témoin,
à des conjectures : "elle pouvait avoir vingt-quatre ou
vingt-cinq ans", "était-ce de l'ironie, de la haine ...
?"
Cette dernière indication nous entraîne un peu plus
loin: non seulement nous voyons ce que voit le per-monologue
sonnage mais nous suivons au plus près les fluctuations
intérieur
de sa pensée.
En témoigne nettement le fragment de
monologue intérieur qui clôt le premier paragraphe :
"Quel choix de couleurs voyantes ont ces marauds de
provinciaux ! ".
S'apparente à la même technique l'interrogation
déjà citée de la fin du deuxième paragraphe où sont
énumérées des hypothèses suscitées par l' "expression
singulière" des yeux de la femme.
Ces ruminations que
nous recevons "en direct" semblent d'ailleurs, bénéficier de l'adhésion de l'auteur qui, manifestement,
-une touche
s'accorde avec son héros pour décrier "la province".
de complicité Une mention comme "cette idée peu polie" trahit une
évidente complicité entre Stendhal....
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