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Marcel Proust considère le romancier comme pouvant être pour nous le faiseur d'une vie nouvelle, et nous transporter de notre...

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« Marcel Proust considère le romancier comme pouvant être pour nous le faiseur d'une vie nouvelle, et nous transporter de notre existence quelconque, aussi bien mouvementée, pleine de dangers ou de succès, que banale et du premier homme venu.

Le roman est et doit être un moyen d'oublier momentanément ou notre joie ou nos soucis.

Enfin, ajoutet-il, un roman bien composé, à la fois bien écrit et bien mené, un beau roman, a le pouvoir de nous rendre heureux pendant un moment, qu'il soit triste et émouvant ou déborde de joie. Le pouvoir du romancier sur les imaginations s'est constaté dès l'apparition du genre.

Les cœurs ont palpité, à la lecture des aventures de L'Astrée, les gens se sont vus, eux aussi, aimant comme Julie et Saint-Preux, d'un amour idéal et pur : particulièrement les femmes à l'âme sensible.

Puis certains romans ont déchaîné des élans d'enthousiasme, comme le Werther de Goethe introduit en France par Mme de Staël : les écrivains, à la vue de ce succès, ont persévéré dans cette voie.

Alors se sont propagés d'un pays à l'autre de nombreux romans.

On y a trouvé le moyen soit d'exprimer des idées personnelles ou philosophiques, soit de raconter simplement pour toucher.

Le désir de liberté de l'époque a pu se contenter dans cette matière assez vaste.

Ce fut la découverte de grands noms : Balzac, puis Flaubert, puis Zola, plus tard Stendhal.

Le roman est donc un genre récent : cette rapide revue montre la prépondérance de plus en plus grande qu'il a prise jusqu'à notre siècle où il se développe maintenant avec une floraison étonnante et prouve l'influence qu'il a exercée par le nombre croissant de ses lecteurs. Mais si la cause de ce pouvoir est complexe et tient aussi bien des qualités du romancier que du lecteur lui-même, ses effets sont analysables ; ils ont donné naissance à un immense suives dû au fait que le roman fait vivre au lecteur une autre vie que la sienne, dont il est las : ce changement à lui seul le rend heureux.

Le bourgeois parisien a pu ainsi assister à la débâcle de l'armée française et à son encerclement dans Sedan, grâce à Zola ; de même le soldat, plus tard, a pu participer à la vie de la noblesse et de la bourgeoisie dans les salons de Nancy et de Paris avec Lucien Leuwen, comme s'il s'y était trouvé. Pris par le feu de l'action, vivant les exploits de chacun, le bourgeois pourra subir les événements dans la personne de Maurice Levasseur, simple soldat perdu dans les flots humains, ou bien assister à la longue marche de l'armée, dans celle d'un général ; il pourra voir, avec les yeux de Delaherche, les grandes lignes de la bataille ou ses petits détails atroces par ceux du Major Bauroche.

Bref, il peut vivre l'histoire, non en spectateur, mais en homme qui l'a vécue.

Et puis, au cours de sa lecture, son imagination lui fera voir tous les exploits qu'il accomplit, ou les souffrances qu'il endure, et bien d'autres choses encore qu'il inventera sans même que l'auteur le lui suggère. Mais ce n'est là qu'un aspect de l'attraction du roman : le lecteur va aussi pouvoir vivre hors de sa condition dans celle qu'il choisira.

Il pourra être le docteur Pascal probe, honnête, amoureux de la science, ou bien chercher à se faire une nouvelle vie dans les personnes de Pierre Rougon et de sa femme.

Il pourra être le simple campagnard et vivre une vie tranquille avec Bouvard ou Pécuchet, ou même le gentilhomme campagnard, comme le suggère Proust : il vivra alors la vie de Dominique de Bray, grâce à Eugène Fromentin.

Il pourra être le paysan Jean Macquart, même s'il se considère plus intelligent que lui, simplement par le seul fait qu'il vivra une autre vie, qu'il y aura un changement à la sienne.

S'il veut connaître le jeu, il fera appel à Dostoïevski.

Ainsi le roman est presque, peut-on dire, un moyen de s'aérer, de se reposer de son état.

Le noble peut être l'ouvrier, et l'ouvrier le.... »

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