Maroc (1983-1984) Turbulences Après une période de calme relatif, de 1974 à 1981, le Maroc est rentré dans une époque...
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Maroc (1983-1984)
Turbulences
Après une période de calme relatif, de 1974 à 1981, le Maroc est rentré dans une
époque de turbulence, dont 1983 et le début de 1984 ont marqué à la fois
l'accélération et la dramatisation: celles d'une crise à tiroirs qui, partie
d'un endettement écrasant, passe par la mise sous tutelle par le FMI, et
débouche sur une situation sociale et politique explosive capable, à terme, de
destabiliser la région.
En effet, les choix du régime, depuis l'Indépendance en 1956, montrent
aujourd'hui leurs limites, et leurs contradictions.
Les limites sont celles du
libéralisme appliqué à un pays du tiers monde, dont la production se réduit à
celle de produits agricoles et de matières premières.
La mauvaise gestion et le
gaspillage d'un État qui contrôle 30% du PIB, ont atteint un seuil critique.
La
crise mondiale a diminué les exportations, plus particulièrement celles dirigées
vers la CEE: les ventes de produits textiles et de produits agricoles, tomates
et agrumes en particulier, ont chuté de façon spectaculaire (170 000 tonnes de
tomates en 1980, 65 000 en 1982).
Les rentrées de devises des immigrés (6
milliards de dirhams), frappés par le chômage et contraints au retour, ont
commencé à baisser.
Quant au prix des phosphates, le principal produit
d'exportation, il a diminué de 30% en 1983.
La sécheresse de ces dernières années a accru l'exode rural et la misère urbaine
; la dépendance alimentaire et son coût ont été multipliés par l'essor
démographique.
Le déficit de la balance commerciale reste important (1,6
milliard de dollars en 1983) et la dette extérieure a atteint 13 milliards de
dollars à la fin de 1983.
Les prêteurs se sont donc montrés plus durs: les pays
du Golfe, l'Arabie saoudite surtout, atteints par la baisse de la demande du
pétrole, sont devenus moins généreux, les États-Unis et la France ont fini par
demander le paiement de leur matériel militaire.
Le FMI, enfin, s'est montré
sévère et exigeant en 1983.
Certes, il n'a pas dénoncé une gestion où le
gaspillage, les dépenses somptuaires, la spéculation l'emportent sur les
investissements productifs ; mais il a demandé le retour à la "vérité des prix",
la dévaluation du dirham, la réduction des dépenses, afin de "rétablir en trois
ans les équilibres perturbés".
A ces conditions, le rééchelonnement de la dette
a été accepté ; un prêt de 300 millions de dollars, suspendu en 1983, était
accordé en janvier 1984, mais réduit de moitié.
Les contradictions apparaissent dans le choix de remèdes, qui risquent
d'entraîner la mort du malade: en effet, un plan d'austérité a été mis en place
; en août 1983, on apprenait la promulgation d'un premier train de mesures, et
en décembre, un discours royal en annonçait un second.
La politique de vérité
des prix a entraîné des hausses insupportables sur les produits de base, et
provoqué la colère populaire.
On l'avait vu à Casablanca en juin 1981, on l'a
constaté à nouveau en janvier 1984: à Marrakech, dans les villes du Rif (Nader,
El Hoceima, Tetouan), jeunes et habitants des quartiers populaires sont
descendus dans la rue avec une telle violence qu'il a fallu le tir brutal de
l'armée et des dizaines de morts pour rétablir un calme précaire.
Dans ce contexte, le coût de la guerre du Sahara, qui est rentrée dans sa
neuvième année en 1984, apparaît exhorbitant: 5,8% du PNB d'après la Banque
mondiale (contre 2,7% pour les dépenses militaires en 1975) et ...
40% du budget
de l'État! Mettre fin à la guerre et à ses dépenses, rétablir les relations
bilatérales avec l'Algérie, et peut-être celles à cinq du "grand Maghreb",
paraît la meilleure des solutions ; mais elle risque de mécontenter l'armée et
de réveiller les tentatives de putsch.
Autour du problème du Sahara, l'année 1983 a été riche en coups de théâtre.
Le
25 janvier, veille de la visite du président Mitterrand, le général Dlimi était
tué dans un "accident de voiture", qui était manifestement un assassinat mal
déguisé ; plusieurs observateurs étrangers n'hésitaient pas à en attribuer la
responsabilité à l'entourage royal, voire au roi lui-même.
Quoiqu'il en soit, le
coup a été dur pour le régime: le général était l'homme de la reprise en main de
l'armée, ébranlée et décapitée par les coups d'État de 1971 et 1972, et le
maître d'oeuvre du "mur" qui protège au Sahara le "triangle utile" El Aïoun,
Smara, Boujdour.
Le 25 février, on apprenait soudain la rencontre, dans le village algérien de
Akid Loutfi, du président Chadli et du roi Hassan II ; ce dernier, selon des
sources algériennes, se serait déclaré prêt à tout négocier, sauf le timbre et
le drapeau ; la libre circulation....
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