Maroc (1984-1985) Coups de théâtre L'année 1984 a commencé dans le sang au Maroc: la politique de vérité des prix,...
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Maroc (1984-1985)
Coups de théâtre
L'année 1984 a commencé dans le sang au Maroc: la politique de vérité des prix,
avec ses hausses brutales, a déclenché de violentes manifestations populaires
dans l'ensemble du pays, particulièrement le 9 janvier à Marrakech et le 19,
dans les villes du Rif (Tétouan, Al-Hoceima, Nador).
Durement réprimé par
l'armée (le bilan officiel faisait état de vingt-neuf morts, l'opposition et les
témoignages de presse mentionnaient plusieurs centaines de victimes), ce
soulèvement populaire a provoqué la colère du roi ; le 22 janvier, à la
télévision, il montrait des tracts et désignait les coupables: les intégristes
et les marxistes.
Les manifestations ont été suivies d'une vague de répression
et, en mars 1985, les procédures d'appel n'étaient toujours pas terminées.
Si le roi a indiqué les coupables, la police est allée bien au-delà: intégristes
et marxistes, mais aussi militants syndicaux et politiques de l'Union socialiste
des forces populaires (USFP), du Parti du progrès et du socialisme (PPS), et
même les membres des familles de détenus politiques, en prison depuis des
années, ont été arrêtés.
Puis les tribunaux sont entrés en action: le 16 mars
1984, une mission de la Fédération internationale des droits de l'homme donnait
le chiffre de 1 500 personnes en instance de jugement.
En mai, trente-sept
jeunes, pour la plupart étudiants et lycéens, étaient condamnés, dix-neuf
d'entre eux à des peines allant de huit à quinze ans de prison.
En juillet 1984,
à Casablanca, six jeunes islamistes étaient condamnés à mort, et vingt et un à
la prison perpétuelle.
La peur s'est installée, la chape de silence est à
nouveau retombée.
L'image que voulait se donner le Maroc a été ternie ; de
nombreux journalistes, venus en janvier 1984 pour le sommet islamique de
Casablanca ont été témoins des violences de la répression et empêchés de faire
leur travail.
Des missions discrètes ou officielles ont remis des rapports sans
ambiguïté.
Il a donc fallu rassurer les amis du Maroc, les bailleurs de fonds, et en
premier lieu le Fonds monétaire international (FMI) dont les exigences,
formulées en 1983, étaient difficiles à mettre en oeuvre.
L'ampleur de la
réaction populaire avait prouvé que "la vérité des prix" ne pouvait qu'être
ajournée, puis progressivement réintroduite ; la politique agricole
d'autosuffisance alimentaire venait à contre-courant de tout ce qui avait été
fait depuis l'indépendance, et heurtait de gros intérêts proches du pouvoir ;
seule la politique de privatisation était possible et pouvait même être source
de profits.
Les décisions dans ce sens se sont succédé: le ministère des PTT a
été remplacé par un office, la pêche et la conserverie sont passées de l'Office
de commercialisation à l'exportation (OCE) au secteur privé, bientôt suivies par
les transports urbains.
Dès février 1984, la Banque mondiale, qui avait suspendu en 1983 son prêt de 300
millions de dollars accordé en 1982, est revenue sur sa décision, et en a
accordé la moitié, soit 150 millions de dollars.
Mais, au début de 1985,
l'horizon restait très sombre avec la perspective, pour 1986, des remboursements
maximaux de la dette et de l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la
Communauté économique européenne (CEE).
On craignait que cet élargissement ne
frappe de plein fouet l'économie du pays: en 1985, le Maroc importe en effet la
moitié de ses besoins en céréales, en sucre, en lait, et les quatre-cinquièmes
de ses besoins en oléagineux, alors qu'il vend à l'Europe des fruits et des
légumes, comme l'Espagne.
Or Paris est à quarante-huit heures de Casablanca,
avec de coûteux transbordements, et à dix-huit heures seulement de Valence: les
Espagnols ne seront guère pressés de relier un concurrent au continent par un
pont à travers le détroit, comme le souhaite le roi.
L'échéance de 1986 semble
d'autant plus périlleuse que déjà le revenu annuel par tête est le plus faible
du Maghreb, avec 900 dollars par personne et par an (soit 20 francs par jour),
contre 1 500 en Tunisie et 2 200 en Algérie, et que la population augmente de
700 000 habitants par an.
Sur le plan politique, il a fallu effacer la répression sanglante de janvier
1984 par une remise en marche des institutions démocratiques: le 27 avril, la
date des élections législatives, remises périodiquement depuis plusieurs années,
a été fixée au 14 septembre.
Ce jour-là, les Marocains ont élu leurs députés, à
l'issue d'une campagne sans éclat ; les conservateurs l'ont emporté, avec en
tête de leur groupe l'Union constitutionnelle de Maati Bouabid (56 sièges au
suffrage direct).
Dans l'opposition, où l'Organisation de l'action démocratique
et populaire (OADP) a remporté pour la première fois un siège et le PPS deux,
l'USFP a enregistré une très forte progression avec trente-quatre sièges.
Le
lendemain même, coupant court à tout commentaire, les élections ont été
éclipsées par un événement d'un autre ordre et d'une autre importance: le
mariage de la fille aînée du roi, Lalla Myriem, célébré comme le veut la coutume
avec deux cent cinquante autres couples, dans un luxe inouï et très
monarchique...
Sur le plan international enfin, l'année 1984 a été riche en événements.
La
situation militaire au Sahara occidental s'est verrouillée: le deuxième mur de
défense saharien a été achevé en mai, le troisième en juin, suivi par un
quatrième et un....
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