Devoir de Philosophie

Maupassant romancier Il est aisé de découvrir, à travers Pierre et Jean, les caractéris­ tiques de l'écriture romanesque de Maupassant....

Extrait du document

« Maupassant romancier Il est aisé de découvrir, à travers Pierre et Jean, les caractéris­ tiques de l'écriture romanesque de Maupassant. UN ROMAN RÉALISTE ? Des êtres ordinaires, des lieux qui existent vraiment, un temps proche de celui de l'auteur, des détails tirés de la vie quotidienne.•. Au cours de notre étude, nous avons remarqué que l'auteur de Pier­ re et Jean faisait constamment référence à la réalité.

De plus, à la manière de certains rc,manciers réalistes (notamment Balzac), Mau­ passant a bâti son récit à partir d'un événement réel.

Pierre et Jean est donc, selon tout� évidence, une œuvre réaliste qui nous présen­ te le monde tel qu'il est.

Maupassant dit en effet dans « Le roman » que l'école« réaliste ou naturaliste » prétend « montrer la vérité, rien que la vérité et toute la vérité » (p.

48). Mais l'auteur nous prévient aussitôt que le réalisme restitue non la réalité mais l'illusion de la réalité.

Les notations concrètes qui abon­ dent dans Pierre et Jean ne doivent pas nous faire oublier que !'écri­ vain n'est jamais un observateur neutre.

Il possède son originalité d'artiste et sa vision personnelle du monde.

Et, s'il se réfère au réel, c'est souvent pour nous faire entrer plus facilement dans son univers intérieur. Loin de nous livrer simplement « la photographie banale de la vie » (p.

51), l'auteur nous dit dans Pierre et Jean ce qu'il pense de l'être humain.

En évoquant ses personnages, il fait à la fois œuvre d'écrivain et de peintre.

li pose également un regard critique et désabusé sur le monde.

Tous ces traits, si caractéristiques de l'écriture romanesque de Maupassant, nous invitent à relativiser la notion de réalisme. L'objet de ce chapitre est de montrer de quelle manière l'auteur nous transmet sa propre vision de la réalité UN ROMAN D'ANALYSE .

Maupassant fait de l'analyse psychologique des héros l'un des ressorts essentiels du récit.

Dans ce domaine souvent abordé par d'autres romanciers, l'auteur de Pierre et Jean se distingue cependant par la manière dont il présente ses personnages. 1La peinture des états d'âme ... En effet, si Maupassant s'intéresse comme d'autres romanciers aux caractères, il porte une attention particulière aux états d'âme, aux sensations fugitives, aux humeurs passagères.

Il décrit les [ \ contrariétés légères, qui semblent inexplicables.

C'est ainsi que le narrateur s'attarde, au second chapitre, sur les sentiments mélangés de Pierre: Aucune pensée précise ne l'affligeait et il n'aurait su dire tout d'abord d'où lui venait cette pesanteur de l'âme et cet engourdissement du corps.

Il avait mal quelque part sans savoir où ; il portait en lui un petit point douloureux, une de ces presque insensibles meurtrissures dont on ne trouve pas la place, mais qui gênent, fatiguent, attristent, irritent (p.

85). Pierre passe bientôt de l'abattement à la satisfaction que procure la lucidité.

Heureux d'avoir vu clair en lui-même (il s'est rendu comp te qu'il était jaloux), il se sent mieux.

Mais cette lucidité est ellemême illusoire, car Pierre n'a pas du tout chassé sa jalousie, qui se manifeste à nouveau dans les chapitres suivants (chap.

111 à vn).

Le romancier excelle à montrer comment le personnage qui croit saisir ses sentiments se trompe toujours.

Jean, dans ce domaine, n'est pas plus clairvoyant que son frère.

Il manque de lucidité quand il se croit capable de renoncer à l'héritage de Maréchal (chap.

vm). 1...

et de la mobilité des sentiments L'auteur aime également décrire les sautes d'humeur, les instants de mélancolie ou les curieux moments de répit que connaissent ses ' PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES· 8 5 personnages.

Il montre qu'au milieu d'une crise intérieure, Pierre peut soudain redevenir insouciant et joyeux (chap.

1v).

Certains romanciers - comme Balzac ou Zola - peignent des personnages dominés par leur position sociale ou leur hérédité : les héros sont alors invariablement mesquins ou généreux, soumis ou ambitieux. Maupassant s'intéresse au contraire à la mobilité des sentiments et des humeurs, et à leur fragilité.

C'est pourquoi il évite d'enfermer a priori un personnage dans un seul trait de caractère. Soucieux de ménager, à l'intérieur de ses héros, des zones d'ombre et d'imprécision, le romancier évite de commenter leur attitude.

li leur laisse plus volontiers la parole et nous fait partager leurs songes, leurs menus calculs et leurs préoccupations futiles.

Nous accédons ainsi facilement à leur intimité, et nous nous intéressons à eux parce qu'il est au fond impossible de prévoir leurs réactions. 1Les détails révélateurs Dans le même souci de suggérer plutôt que de commenter, l'auteur aime mieux montrer ses personnages qu'expliquer leur comportement.

Son habileté consiste à relever, ici ou là, un détail suggestif. Quand, à la table familiale, Pierre est irrité, le narrateur nous le fait deviner en nous montrant une attitude du héros : « Pierre [ ...] man- geait des flageolets et les piquait un à un avec une pointe de sa fourchette, comme s'il les eût embrochés» (p.

120).

Ce geste méticuleux traduit tout à la fois l'agacement et la cruauté.

Le romancier use d'une notation fugitive pour montrer un combat intérieur.

Ainsi, en matière de psychologie, la profondeur de Maupassant se traduit par son attention à de menus détails. LE STYLE ET LES IMAGES 1Une écriture rapide et nerveuse Maupassant évite constamment les longs développements ou les affirmations générales.

Il abrège les analyses psychologiques par des tours rapides et nerveux.

À ses yeux, une interrogation directe adressée au lecteur vaut mieux qu'une explication magistrale : 86 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 1 1 Qgel étrange besoin le poussa tout à coup à raconter à cette servante de brasserie l'héritage de Jean? Pourquoi cette idée [ ...

] lui vint-elle aux lèvres en cet instant, et pourquoi la laissa-t-il couler [...]? (p.

103). Maupassant ne joue pas à !'écrivain d'expérience qui connaît le cœur humain et prend plaisir à le dévoiler.

li nous plonge dans le mystère des êtres. Un autre procédé permet à l'auteur .d'esquiver la lourdeur de~ démonstrations.

li consiste à laisser prononcer certains mots décisifs par les personnages eux-mêmes.

Maupassant jugerait sans doute un peu lourd de mentionner trop souvent la jalousie de Pierre.

Le mot de jalousie est donc présent dans le récit, mais il est placé une première fois dans les pensées de Mme Rosémilly: "Tu es jaloux, toi.

C'est honteux; cela » (p.

110).

Il reparaît ensuite dans la bouche de Jean : « r \ Voilà longtemps que je te sais jaloux de moi» (p.

173).

L'analyse est faite d'un mot par les personnages eux-mêmes.

Elle s'intègre à la vivacité du dialogue et au mouvement du récit. 1Le recours aux images Maupassant évite, encore ce que l'analyse aurait de pesant en ayant recours aux images.

Plutôt que de décrire la lente progression de la jalousie, le narrateur parle d'abord d'une « graine de chagrin » (p.

85), puis du " levain de jalousie qui ferrnent[e] » dans l'esprit de Pierre (p.

115).

Ailleurs, il use d'une autre image:" C'était un venin qu'il portait à présent dans les veines et qui lui donnait des envies de 'l J mordre à la façon d'un chien enragé » (p.

154).

Enfin, il compare la souffrance de Pierre à une « tumeur » qui grossit et crève, « écla- boussant tout le monde » (p.

175).

Ce qu'une description détaillerait lentement, l'image le dit de manière simple, efficace et brève. Cette densité apparaît encore dans la manière dont les personnages sont assimilés à certains animaux.

Par ce procédé, le narrateur évoque l'expression de Marowsko (« La vieille tête de perroquet du Polonais semblait ravie », p.

92), ou celle de M.

Roland devant son verre de champagne(« il le regardait avec une méfiance de renard qui trouve une poule morte et flaire un piège », p.

110).

Ces images sont PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 87 autant d'instantanés précis et suggestifs.

Pierre mène son enquête « avec une ténacité de chien qui suit une piste évaporée » (p.

124) : la phrase résume, à elle seule, le caractère et l'attitude du personnage durant to_ut le roman.

Mais Pierre est également comparé à d'autres animaux.

Peu indulgent envers son frère, Jean préfère le traiter d'« ours" (p.

149) et de« vipère» (p.

174), s'en prenant successivement à la sauvagerie et à la perfidie de son aîné.

Pierre riposte en assimilant Mme Rosémilly à une « dinde », à une « oie grasse » (p.

173).

À mi-chemin entre le portrait et l'injure, ces images animales sont d'une parfaite efficacité Beaucoup de sens enfermé dans peu de mots : Maupassant a le sens de la densité.

Cette fermeté du style n'empêche pas une légèreté de composition qui apparente le style de l'auteur à la technique impressionniste. L'IMPRESSIONNISME -----------------------, DE MAUPASSANT l, On ne trouve pas, dans Pierre et Jean, de portraits minutieux des personnages.

Mais, d'une formule, l'auteur peint ses héros avec une vivacité qui les rend inoubliables. 1Un regard de peintre Dès leur première apparition, les deux frères ont déjà un visage et un caractère.

Pierre a des favoris noirs «.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓