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Mises en scènes de la pièce Malgré leur ampleur et leur caractère souvent directif, les didascalies ne figent pas la...

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« Mises en scènes de la pièce Malgré leur ampleur et leur caractère souvent directif, les didascalies ne figent pas la mise en scène de Fin de partie (➔ PROBLÉMATIQUE 14). Depuis sa création, la pièce a en effet connu des mises en scène fort diverses, parfois complémentaires, parfois contradictoires, en fonc­ tion des interprétations successives de l'œuvre. LES PREMIÈRES MISES EN SCÈNES Aucun directeur de théâtre parisien n'ayant accepté de monter Fin de partie, la pièce fut créée - en français - à Londres le 1 er avril 1957 au Royal Court Theatre.

Elle M reprise en France - et donc jouée pour la première fois - le 27 avril de la même année au Studio des Champs-Élysées.

Bien que la distribution fût presque identique\ les mises en scène anglaise et française furent très différentes. 1 En Angleterre En 1957, le Royal Court Theatre, privilégie une mise en scène relati­ vement somptueuse.

Assis sur un trône doré, Hamm porte une chasu­ ble bordée de fourrure et couvre son visage d'un mouchoir entièrement rouge (et non pas taché de sang).

Clov a des allures de majordome. Nagg et Nell sont moins dans des poubelles que dans des boîtes.

Tout est fait pour suggérer un certain réalisme et pour ne pas donner une image trop déprimante et trop repoussante de l'œuvre. 1.

A Londres, la distribution fut la suivante: Georges Adet (Nagg), Christine Tsingos (Nell), Jean Martin (Clov) et Roger Blin (Hamm).

A Paris, ce furent les mêmes acteurs, à l'exception du rôle de Nell, interprété par Germaine de France. Parce qu'il le juge contraire à son texte et à l'idée qu'il s'en fait, Beckett désapprouve ce choix, auquel il ne peut toutefois s'opposer. Le jeu des acteurs ne l'enthousiasme pas davantage.

li leur reproche de trop ouvertement montrer qu'ils jouent, qu'ils incarnent des personnages, au lieu d'être ces personnages.

Presque tout en somme le déçoit: « La création en français au Royal Court a été assez sinistre, comme de jouer devant l'acajou, ou plutôt du teck», écrit-il d'ailleurs à l'un de ses amis 1.

L'allusion à l'acajou suggère que Beckett regrette un parti pris trop ostentatoire ou commercial. IEn France La reprise de la pièce au Studio des Champs-Élysées opte pour le parti inverse.

Roger Blin propose une mise en scène minimaliste. Le décor est le plus dépouillé qui soit, conformément aux didascalies initiales.

Tout réalisme disparaît au profit d'une plus grande intemporalité.

Hamm ne porte plus qu'un manteau en loques et son trône anglais devient un simple fauteuil en bois à roulettes.

L'interprétation se veut alors plus proche de la tragédie que de la comédie.

Elle a la simplicité du désespoir, d'une« fin de partie».

L'accueil que reçoit la pièce est nettement plus chaleureux qu'à Londres. BECKETT METTEUR EN SCÈNE DE BECKETT Beckett a lui-même réalisé deux mises en scène de sa pièce: l'une pour une représentation donnée en Allemagne au Schiller Theater de Berlin en 1967; et l'autre, aux États-Unis, pour une représentation donnée en 1980 au pénitencier de San Quentin. Les notes que Beckett a rédigées pour sa mise en scène berlinoise montrent l'importance qu'il accordait d'une part à la gestuelle des acteurs, d'autre part à leur diction. 1.

Lettre à Alan Schneider, publiée dans le journal The Village Voice Reader sous le titre • Beckett's Letters on Endgame • (Garden City, New-York, Doubleday, 1962), p.

184. 124 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 1 l 1Une gestuelle minutieuse Pour Beckett, un personnage c'est d'abord une attitude, un comportement.

Aussi les définit-il avec une précision et une minutie extrêmes.

Voici ce qu'il écrit à propos de la prière que Hamm souhaite réciter et faire réciter (p.

73-74): Hamm serre les mains pour le premier« Prions Dieu" [p.

73]. Desserre [les mains] sur « Ily a un rat». Resserre surtout à l'heure [en même temps] pour le second« Prions Dieu». Clov serre les mains sur« Allons-y». Nagg serre les mains sur « Vous y êtes?». Hamm desserre les mains sur «Alors?"· Clov desserre les mains sur « Je t'enfous». Nagg desserre les mains sur «Macache» 1• Comme on peut s'en rendre compte par cet exemple, chaque réplique possède sa traduction physique, et toutes donnent l'impression d'un ensemble chorégraphique. 1Un débit et une diction très calculés De la même façon, Beckett privilégie les variations sonores: Les répliques de Nagg et de Nell doivent être dites três rapidement et« sans timbre»[ .•.] Les constatations qui se répètent le sont avec une violence indignée, les ricanements et les reproches accentuent le jeu dans le jeu.

Nell et Nagg sont réduits au seul jeu de leurs voix et de leurs regards qui prennent ici tout leur relief2. Les contrastes, ainsi vocalement.... »

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