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MOLIÈRE LES PRÉCIEUSES RIDICULES (JOVlli!S LI! 18 NOVI!MDRI! 16,59). « Les Précieuses ridicules 1 sont une farce. Quand Molière fit...

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« MOLIÈRE LES PRÉCIEUSES RIDICULES (JOVlli!S LI! 18 NOVI!MDRI! 16,59). « Les Précieuses ridicules 1 sont une farce. Quand Molière fit jouer les Précieuses ridicules, il n'avait encore écrit que des pièces d'intrigue (le Dépit amoureux, fÉtouuh.) et des farces.

Son premier succès à Paris, celui qui fit de lui non plus un acteur, excommunié et méprisable, mais un auteur célèbre, fut une farce.

Une romancière du temps, Mlle Desjardins, nous en a laissé une analyse qui s'intitule : le Récit de la Farce des « Précieuses >>.

Et presque tous les caractères de la farce subsis­ taient dans la pièce.

Il y a des plaisanteries divertissantes, mais qui ne sont que la grosse �aieté traditionnelle des farces.

Gor­ int que ses mèces aient usé, pour leurs onguents, gibus se pla « le lard d'une douzaine de cochons >> et maudit les « sonnets et sonnettes ».

Mascarille ne paie ses porteurs que sous menace de coups de bâton ; Jodelet fait tâter ses blessures et Mascarille, pour les montrer, porte la main à son haut-de-chausse.

Il y avait surtout, pour les contemporains, les personnages conven­ tionnels de la farce : Mascarille et Jodelet sont les noms et le(l costumes de tradition ; il est probable que Jodelet arrivait avec le visage enfariné et Mascarille (qui était Molière) avec le masque.

lls portaient, d'ailleurs, des vêtements qui, par l'am­ pleur des rubans, petite oie, canons ou perruque, étaient des facéties de carnaval.

C'est donc par une farce de génie que Molière est entré dans la gloire.

Il ne reniera jamais ses dons de farceur et la jovialité des bouffonneries populaires. - tr Les Précieuses », pièce d'actualité.

- Mais il y avait autre chose dans les Précieuses que de la gaieté et la traditionnelle rencontre des dupés et des dupeurs.

L'aventure plaisante de ces valets qui se font passer pour leur maître n'était pas neuve. Scarron, entre autres, avait fait rire avec un Jodekt ou le Maître valet (1645).

Mais, cette fois, il ne s'agissait plus d'un banal quo.

En nous amusant, Molière voulait nous faire réflé­ quipro c hir à des erreurs qu'il tenait pour des sottises.

Sa caricature devenait une comédie de mœurs. Quelle en était la leçon ? Et quels étaient exactement les défauts que la pièce attaquait ? Elle dénonce un travers de pensée et un travers de style, une erreur du cœur et une erreur de langage.

Les précieuses cherchent le fin du fin dans les senti­ ments et dans l'expression des sentiments.

Elles veulent bien se marier, mais non de la façon commune ct bourgeoise, à des jeunes gens que les parents présentent, qu'on agrée et qu'on épouse.

Il leur faut des soupirants semblables aux héros de roman, qui sachent « pousser le dou.", le tendre et le passionné » et fassent leur cour dans les formes, c'est-à-dire avec patience, humilité, dévotion ; il leur faut des aventures où les amants montrent leur héroïsme et leur constance.

Il faut, par surcroît, qu'ils soient beaux esprits, qu'ils sachent tourner le madrigal et l'impromptu et juger les nouveautés littéraires.

Enfin, pour parler sentiment ou littérature, elles veulent n'user que du « beau langage >> ; il faut traduire des sentiments rares par des termes choisis et des images ingénieuses. Ce sont là les précieuses de Molière.

Mais, de quelles pré­ cieuses vraies étaient-elles le portrait ? Selon Molière, ce sont les précieuses ridicules et non toutes les précieuses, ce sont des « pecques provinciales » ; et cc les véritables précieuses auraient tort de se piquer lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal >>.

Faut-il en croire Molière ? Assurément les vraies précieuses, les précieuses des grands salons parisiens n'ont jamais parlé le langage de Cathos et de Madelon.

On peut retrouver la plupart des images, métaphores, habitudes de style raillées par Molière dans des ouvrages de style précieux.

Seulement on les trouve dispersées ; ou bien elles sont un amusement et non un langage sérieux ; ou bien elles prennent dans le texte exact un sens que la moquerie de Molière leur a ôté.

La conversation de Cathos et de Madelon ne peut donc être que la sottise de provinciales dont le cc timbre est fêlé ». Mais ce que pensent Cathos et Madelon de l'amour, du mariage et du bel esprit, d'excellentes précieuses l'ont p roclamé très exactement.

Non pas les premières précieuses, celles de l'Hôtel de Rambouillet (bien que Mme de Rambouillet, sa fille ou ses amies aient parfois parlé du sentiment comme les provinciales de Molière) ; Mme de Rambouillet s'était à peu près retirée du monde, et elle restera en bons termes avec Molière.

Mais il y avait d'autres salons précieux et qui étaient fort respectés, celui de Mlle de Scudéry, entre autres, ou de Mme Scarron, ou de Mme de la Suze, ou même ceux de Mme de La Fayette, Mme de Sévigné et dix autres.

Or Molière s'est moqué de Mlle de Scudéry, puisque les romans que Cathos et Madelon prennent pour modèle ce sont la Clélie et le Grand Cyrus.

Leur programme sentimental est celui de la fameuse « carte du Tendre » du Grand Gyms.

Mlle de Scudéry était illustre et le restera pendant un bon demi-siècle (Mme de Sévigné goûtl).it fort ses romans).

Le Recueil des pièces choisies dont Madelon fait ' ses délices, c'est l'un de ces recueils où l'on publiait non pas des balivernes pour les provinces, mais les plus célèbres pièces des auteurs les p lus goûtés à la cour comme à la ville.

Les « visites spirituelles » que les précieuses de Molière voudraient recevoir pour faire de leur ruelle une académie de beaux esprits, c'étaient les visites dont se glorifiaient Mlle de Scudéry comme Mme Scarron.

Sans doute, les précieuses de la pièce, qui sont des sottes, jouent la fable de l'âne et du petit chien. Mais Molière s'est vraiment moqué du petit chien comme de l'âne. Ce n'était d'ailleurs pas là une critique très audacieuse.

Les précieuses avaient leurs idées et quelque peu leur style.

On s'en est amusé, comme de toute nouveauté, très souvent avant Molière.

Des gens de lettres même, dont Boileau et Molière, railleront la préciosité; l'abbé Cotin (le Trissotin des Femmes savantes) ou l'abbé de Pure avaient lancé contre elles des flèches qu'ils croyaient acérées.

L'abbé de Pure publie, en 1656, la premtère partie d'un roman, la Précieuse ott le Mystère de la Ruelle où il y a beaucoup d'amphigouri et pas mal d'épigrammes. Scarron, Balzac, Chapelain avaient dit leur mot, qui n'était pas toujours aimable.

Se moquer des précieuses, c'était peut­ être leur faire de la peine - Mlle de Scudéry en eut -, ce n'était pas les surprendre ni les insulter. La portée des critiques de Moliere.

- L'intérêt drama­ tique des « Précieuses ».

- Neuves ou banales, ces critiques étaient-elles justifiées ? Nous ne songeons plus à les discuter, parce que Molière a mis les rieurs de son côté.

Sa comédie est merveilleusement vivante et spirituelle.

La donnée seule est conventionnelle.

Si Jodelet n'est guère qu'un comparse assez embarrassé de son rôle et qui copie gauchement Mascarille, Mascarille se pavane et s'évertue avec la désinvolture d'un petit-maître.

Ces valets-là se rencontraient dans la comédie italienne beaucoup plus que dans la vie.

Le temps de Figaro n'était pas encore venu.

Mais une fois la comédie partie, elle se déroule dans un mouvement aisé et vivant.

Les caractères mêmes y sont autre chose que des masques de comédie : Gor­ gibus emporté et faible, judicieux et borné ; Cathos et Madelon, grisées de phrases sonores et vides ; Mascarille, aussi alerte à sortir d'un mauvais pas que prompt à y trébucher.

Surtout, il y a dans la plaisanterie, même la plus grosse, cette sorte de spontanéité et de vérité qui est le secret de Molière.

Grimarest raconte qu'un vieillard se leva de son siège pour crier àMolière: « Courage, Molière, voilà de la bonne comédie.

n Ce n'est assu­ rément qu'une lég ende, mais qui traduisait une vérité. Seulement une bonne comédie n'est pas nécessairement une comédie juste. Les revendications des précieuses jugées par le bon sens de Molière. Laissons de côté le style précieux.

M.

Brunot - s'est montré pour ce style (le style vrai et non celui de Cathos ct de Madelon) moins sévère que Molière.

Et l'on pourrait montrer que Molière a employé par douzaines des images ou des tournures créées par les précieuses.

Mais les sentiments mêmes de Cathos et de Madelon sont autre chose que des sottises.

Sans doute il est inepte, quand on est une petite bour­ geoise, de machiner à l'avance une comédie d'amour romanesque et d'exiger, pour se marier, des rivaux et des enlèvements.

Mais la façon dont on mariait presque toutes les filles, bourgeoises ou nobles, n'était peut-être pas moins inepte.

J'ai dit à propos d'Iphigénie (p.

95) comment on leur présentait, à dix ou douze ans, un mari de quarante ou de cinquante.

Quand elles étaient mariées, elles étaient les humbles servantes du mari.

Ce que les précieuses ont revendiqué, c'était le droit des jeunes filles à se marier à leur choix ; et, pour les femmes, le droit de s'ins­ truire et de penser.

Elles ont voulu un roman, parce que la réalité qu'on leur imposait était étroite comme une chaîne d'esclave.

Elles furent les premières féministes.

Elles ne le furent pas toujours avec goût ni avec bon sens.

Ce n'étaient pas nécessairement des fautes contre la raison et la justice. Succès et influence de la pièce. Le succès de la pièce fut considérable.

Dix témoignages incontestables l'attestent : celui du gazetier Loret qui s'y rend avec cc gens de toutes qua- lités >> et y rit « pour plus de dix pistoles » ; celui d'un ennemi de Molière comme Somaize ; celui enfin de toutes les représen­ tations qui se donnèrent chez Mazarin, chez .Letellier, chez le chevalier de Grammont, chez bien d'autres, et surtout à la cour oü le roi fit à la troupe un don de 3 ooo livres. Mais ce succès ne fut pas une victoire ou ce fut une victoire sans le�de ain.

La préci�sit� ridicule fut peut-être discréditée ; n : demeura.

S1 b1en que Molière dut reprendre la la pré c1os1té bataille en 1672 avec les Femmes savantes, que La Bruyère la continuera en se moquant du bel esprit Cydias - Fontenelle­ et qu'il faudra à Marivaux quatre romans ou nouvelles pour railler des « folies romanesques » qui sont exactement celles de Cathos et de Madelon.

Les romans dont Molière s'amuse seront lus encore au xvme siècle.

Les « Recueils de pièces choi­ sies >>continuerontjusqu'à la fin du siècle à publier des impromp­ tus, des madrigaux et des sonnets du style de Mascarille, Oronte ou Trissotin.

Et le P.

Bouhours, en 1687, devra discuter plus d'expressions précieuses que Somaize en 1661.

La précio­ sité était autre chose qu'un engouement de désœuvrés.

Elle était l'expression d'une vie mondaine dont Molière n'a pas triomphé. TARTUFFE (La pièce est fouée à Versailles le 12 mai 1664 dans la sél'ic de fêtes appelée les Plaisirs de l'Ile enchantée.

Des protestations trls vives s'élevèrent de suite et Louis X1 V interdit les représentations. :NIolière lit sa pièce dans diverses maisons et en donne meme des repré­ senta#ons particulières, Il adresse att roi, sans doute en août, un premùr placet.

Le 5 aoû t 1667, il 1'isque 1me nouvelle représentation publique. Mai s en l'absence du 1'0i, parti à l'armée en Flandre, Je premie·r p1'ési­ dent de L.amoignon interdit à nouveau la pièee.

Molière envoie at{ roi, par deux de ses comédiens, tm deuxième placet.

Mais l'archevlque de Paris appuie l'interdiction de Lamoignon.

La représentation 11e fut permise que le 5 février 1669). La pièce est-elle dirigée contre ta dévotion.

- La question a soulevé d'ardentes polémiques.

Et c'est elle qu'il faut résoudre avant toute étude du Tartuffe. Supposons d'abord que nous ne connaissons pas la pièce. Tenons-nous-en aux témoign a ges des contemporains qui l'ont jugée et qui étaient le mieux pl acés pour la juger.

Trois actes de Tartuffe sont joués à Versailles devant le roi.

Ce fut un scan­ dale pour des âmes pieuses.

Anne d'Autriche, la première, intervint et Louis XIV dut interdire les représentations.

Le curé de Saint-Barthélemy, Pierre Roulé, dénonça Molière dans un pamphlet, le Roiglorieu:te au monde, où il le traitait de« démon vêtu de chair et habiilé en homme >> et demandait pour lui « le feu même, avant-coureur de celui de l'enfer ».

Du temps passe. Molière risque une nouvelle représentation.

Mais le premier pré­ sident intervient.

L'archevêque de Paris fait défense sous !?eine d'excommunication de « représenter, lire ou entendre reciter la susdite comédie, soit publiquement, soit en particulier ». La question semble donc tranchée.

Ceux qui avaient charge de défendre la religion ont vu dans Tartuffe une impiété notoire et grossière.

Seulement ni Anne d'Autriche, ni le premier président, ni l'archevêque n'ont été d'accord avec des contem­ porains dont la p iété était également indiscutable.

Il est très certain qu'en x664 le légat Chigi, entouré de tous ses prélats, consentit à entendre la pièce.

Il l'approuva, dit Molière.

Dans e est représentée chez des tous les cas, il ne protesta pas.

La pièc grands seigneurs ou de grandes dames dont quelques-uns (le prince de Condé, la princesse Palatine) ne se piquaient pas, à cette date, de dévotion, mais dont quelques autres (Mme de Sablé, ar exemple) étaient des croyants sincères ou passaient p tre. Le roi lui-même soutient Molière, ne cède à ses pour l ê , adversaires qu à contre-cœur, et autorise enfin la pièce, qui est jouée le 5 février x669 .

On en donne une représentation chez hérèse, le 23.

Le succès est considérable. la reine Marie-T Vingt-trois représentations consécutives ; cinquante-deux la même année ; c'est-à-dire un des plus grands succès de théâtre du xvne siècle. Or nous sommes en x669 ; à cette date, il n'y a pas d'impies, pas de libertins agissants, ni même déclarés.

Ceux qui subsistent se taisent et se cachent, sous risque de mort.

Ni le légat, ni ses prélats, ni Marie-Thérèse, ni l'immense majorité de ceux qui applaudissent la pièce ne sont des adversaires de la religion ni ne songent à l'être.

Une pièce jouée dans ces conditions ne pouvait pas attaquer la religion, pas plus qu'elle n'aurait pu être républicaine et révolutionnaire.

D'ailleurs, d'autres écri­ vains avaient, avant Molière, attaq ué la fausse dévotion et fait du dévot hypocrite un portrait dont Molière s'est souvenu, sûrement ou probablement : Ch.

Sorel dans son Polyandre (1648), Scarron dans le Montufar de ses Hypocrites (x66x), Urbain Chevreau dans 1 'Hypocrite de son École d1t Sage (nouvelle éd., 1652). Comment résoudre la contradiction ? C'est assez simple. Il n'y avait pas, en 1669, de lutte Les deux dévotions. entre les dévots et les libertins, mais il y avait une lutte violente entre deux dévotions ; elle était même si violente qu'elle allait être, pendant cent ans, la grande lutte qui ébranlera le pouvoir royal et la religion même.

Oublions les noms de Jansénistes et de Jésuites et la querelle théologique de la grâce.

Derrière les chicanes de dogmes, il y a deux conceptions de la religion et de la vie.

Opter pour l'une ou pour l'autre, c'était changerles des­ tinées de plusieurs générations.

Il y a, d'un côté, ceux pour qui la famille, l'État même, à plus forte raison le monde et les inté­ rêts de la vie ne sont que néant auprès de Dieu et du culte de Dieu.

Les conseils que donne Tartuffe à Orgon de n'avoir « affection pour rien », si ce n'est pour Dieu, ne.... »

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