Musset: Lorenzaccio (1834) Lorenzaccio illustre, comme Chatterton et Hernani, le thème du héros déchiré par des aspirations contraires, et que...

« Musset: Lorenzaccio (1834) Lorenzaccio illustre, comme Chatterton et Hernani, le thème du héros déchiré par des aspirations contraires, et que des choix difficiles conduisent à la mort.

Avec ce drame histo­ rique, Musset applique de façon brillante les théories de la Préface de Cromwell. L'intrigue se situe dans la Florence du XVI• siècle.

Elle met en scène Lorenzo de Médicis, qui était, peu de temps auparavant, un jeune homme studieux et réfléchi.

Poussé à assassiner un tyran, il choisit le duc Alexandre de Médi­ cis, son propre cousin.

Pour mener à bien son projet, Lorenzo se glisse dans l'entourage du duc, dont il adopte le comportement débauché et corrompu.

C'est au cours de cette véritable« descente en enfer» qu'il prend conscience d'une part de son goût pour la débauche et le mal, et d'autre part de la lâcheté de l'humanité.

Par fidélité à lui-même, il va jusqu'au bout de son entreprise, assassine Alexandre et s'offre aux coups de ceux qui sont payés pour le tuer. Un autre Médicis succède à Alexandre.

Le geste de Lorenzo et sa mort n'auront, sur le plan politique, servi à rien. Tu me demandes pourquoi je tue Alexandre? Veux-tu donc que je m'empoisonne, ou que je saute dans ['Arno? veux-tu donc que je sois un spectre, et qu'en.frappant sur ce squelette ...

(Il frappe sa poitrine.) 5 il n'en sorte aucun son? Sije suis l'ombre de moi-même, veux-tu donc que je rompe le seul.fil qui rattache aujourd'hui mon cœur à quelques.fibres de mon cœur d'autrefois ! Songestu que ce meurtre, c'est tout ce qui me reste de ma vertu? Songes-tu que je glisse depuis deux ans sur un rocher taillé 10 à pic, et que ce meurtre est le seul brin d'herbe où j'aie pu cramponner mes ongles? Crois-tu donc que je n'aie plus d'orgueil, parce que je n'ai plus de honte, et veux-tu que je laisse mourir en silence l'énigme de ma vie? Oui, cela est certain, si je pouvais revenir à la vertu, si mon apprentis15 sage du vice pouvait s'évanouir, j'épargnerais peut-être ce conducteur de hœuft - mais j'aime le vin, le jeu et les filles, comprends-tu cela ? Si tu honores en moi quelque chose, toi qui me parles, c'est mon meurtre que tu honores, peutêtrejustement parce que tu ne leferais pas.

Voilà assez long20 temps, vois-tu, que les républicains me couvrent de boue et d'infamie; voilà assez longtemps que les oreilles me tintent, et que l'exécration des hommes empoisonne le pain que je mâche.

J'en ai assez de me voir conspué par des lâches sans nom, qui m'accablent d'injures pour se dispenser de 25 m'assommer, comme ils le devraient.

J'en ai assez d'entendre brailler en plein vent le bavardage humain; il faut que le monde sache un peu qui je suis, et qui il est.

Dieu merci, c'est peut-être demain que je tue Alexandre: dans deuxjours j'aurai fini. Alfred de Musset, Lorenzaccio (1834), III, 3. Idée directrice Au cours de la scène 3 de l'acte III, Lorenzo explique à son·awi,,le républicain Philippe Strozzi les péripéties qui l'ont conduit à vouloir assassiner Alexandre de Médicis. "'~ / t 37 Il en vient alors à donner son point de vue sur les républicains et sur les hommes en général, qu'il juge lâches et incapables d'agir. Dans la dernière tirade de la scène, il répond à la question de Philippe : pourquoi tuer Alexandre, si ce geste ne sert à rien ? Sur un ton très exalté, Lorenzo ju~tifie le meurtre en montrant qu'il n'y a pas d'autre issue pour lui: assassiner Alexandre est une œuvre vertueuse.

Mais le désir de se faire connaître et l'orgueil ne sont pas étrangers aux motivations énoncées. L'étude du texte mettra en évidence les différentes motivations du meurtre, seul salut pour Lorenzo, seule façon de renouer avec son passé et de régler ses comptes avec ceux qui le dénigrent. PISTES DE LECTURE Au lieu de répondre immédiatement à la question de Philippe Strozzi : « Si tu crois que c'est un meurtre inutile à ta patrie, pourquoi le commets-tu?» Lorenzo reprend la question sous.... »