NaggetNell Nagg et Nell sont le père et la mère de Hamm. Comme Hamm et Clov, ils sont complémentaires. Ils...
Extrait du document
«
NaggetNell
Nagg et Nell sont le père et la mère de Hamm.
Comme Hamm et
Clov, ils sont complémentaires.
Ils le sont même tellement qu'en
tre eux les ressemblances s'accumulent au point d'être presque
des sosies.
Ils donnent ainsi l'apparence d'un couple encore uni,
qui, pourtant, est déjà en voie de désagrégation.
UN COUPLE DE PRESQUE SOSIES
Sur le plan dramaturgique, Nagg et Nell ont même apparence;
ils connaissent la même déchéance et échangent parfois les
mêmes répliques.
Ils sont donc à tous égards très semblables.
1 Une même apparence
Leurs patronymes sont similaires.
Nagg et Nell sont gramma
ticalement des monosyllabes débutant par la même consonne,
possédant chacun une seule voyelle et s'achevant sur un double
ment de consonnes (➔ PROBLÉMATIQUE 13).
Leur similitude ne s'arrête pas à leurs noms.
Elle est aussi vesti
mentaire et physique.
Nagg porte « un bonnet de nuit» et a un « teint
très blanc» (p.
21); Nell, de son côté, est coiffée d'un « bonnet de
dentelle » et possède également un « teint très blanc » (p.
27).
Tous deux habitent enfin des poubelles dont ils émergent de la
même façon : « Le couvercle d'une des poubelles se soulève et /es
mains de Nagg apparaissent, accrochées au rebord.
Puis la tête
émerge» (p.
21).
La didascalie relative à l'apparition de Nell est
identique au mot près (p.
27).
S'il ne s'agissait pas d'un homme et
d'une femme, on pourrait les prendre pour des jumeaux.
1Une même déchéance
À la différence de Hamm et Clov qui sont tous deux handicapés
mais qui ne souffrent pas des mêmes handicaps
(➔ PROBLÉMA-
TIQUE 1), Nagg et Nell sont, eux, atteints des mêmes infirmités:
ce sont deux culs-de-jatte, victimes du même " accident de tandem 1 » (p.
29).
Leur déchéance physique continue par ailleurs de s'accentuer
de manière parallèle: l'un et l'autre voient "mal» (p.
28) et ont
l'ouïe qui baisse, même s'ils ont l'impression du contraire:
Notre ouïe n'a pas baissé.
Notre quoi?
Notre ouïe.
(p.
28-29)
NAGG.
- [ ••• ]
NELL.
-
NAGG.
-
Tous deux éprouvent simultanément la même sensation de froid
(p.
29).
Ils sont enfin ravalés par Hamm au rang d'« ordures» tout
juste bonnes à être jetées " à la mer» (p.
36).
1Une même symétrie dans les répliques
Beckett joue sur les deux sens du mot réplique.
Dans un premier
sens, le mot désigne une personne qui est le double, l'image d'un
autre, un sosie- ce que sont pour une grande part Nagg et Nell.
Dans
un second sens, une réplique est, notamment au théâtre, un élément
du dialogue.
Or les répliques qu'échangent Nagg et Nell sont ellesmêmes très symétriques, comme le montre cet exemple:
-Tu me vois?
Mal.
Et toi?
NAGG.
- O!ioi?
NELL.
-Tu me vois?
NAGG.
- Mal.
(p.
28)
NAGG.
NELL.
-
Ce que dit l'un, l'autre le reprend et, parfois, le complète, comme
dans cet autre exemple:
C'était dans les Ardennes.
Ils rient moins fart.
NELL.
-
1.
Tandem: bicyclette à deux sièges et deux pédaliers, situés l'un derrière l'autre.
PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES
43
NAGG.
- À la sortie de Sedan (Ils rient encore moinsfart.
Un temps.)
Tu as froid?
NELL.
- Oui, très froid.
Et toi?
NAGG.
-
Je gèle.
(p.
29) 1
Ainsi, dans leur identité comme dans leurs corps mutilés et leurs
propos, Nagg et Nell apparaissent-ils comme le miroir de l'autre.
Dépourvus d'individualité propre, ils se reflètent mutuellement: ils ne
sont déjà plus en vie ou ils le sont si peu et pour si peu de temps!
UN COUPLE ENCORE UNI
Leurs ressemblances donnent l'impression d'un couple uni.
À
l'inverse, là encore, de la haine et des rapports de force qui régissent
les relations entre Clov et Hamm (➔ PROBLÉMATIQUE 1), l'affection, le
souvenir et une commune humiliation rapprochent Nell et Nagg.
1Par l'affection
L'amputation de leurs « guibolles " (p.
29) et leurs misères physiques n'ont pas détruit l'amour qu'ils se portaient lorsqu'ils étaient
fiancés.
Symboliquement, leurs poubelles sont proches l'une de
l'autre et non pas posées de chaque côté de la scène.
Ils restent
ensemble, côte à côte, après leur accident, comme ils étaient jadis
ensemble sur leur tandem avant que ne survienne l'accident.
Nell appelle affectueusement Nagg « mon gros " (p.
27).
Même si
l'expression a quelque chose d'un peu ridicule, elle n'en traduit pas
moins un sentiment sincère.
Quant à Nagg, il conserve pour Nell les
«
trois quarts " du biscuit que lui a donné Clov (p.
30) et s'inquiète
à plusieurs reprises de ce que veut ou ressent sa femme.
Quand enfin il découvre que Nell ne répond ni ne réagit plus, Nagg
crie puis « rentre dans sa poubelle " et en « rabat le couvercle " (p.
75).
Il n'en ressortira plus.
C'est que seul, son existence n'a pas de sens.
1.
On trouvera un autre exemple de cette symétrie dans les dialogues p.
30 à propos du
sable qui constttue leur litière(« Hé oui!• jusqu'à:• A moi non plus.•).
44
PROBL~MATIQUES ESSENTIELLES
\
1Par le souvenir
À la différence de nouveau de Clov et Hamm, Nagg et Nell ont
un passé.
Ils sont allés en Italie, se sont fiancés, se sont promenés en barque sur le lac de Côme « une après-midi d'avril
»
et ont
chaviré (p.
34).
C'est la première, et la dernière, période heureuse
de leur existence.
La naissance de Hamm ne paraît pas avoir été une joie.
Comme
pour s'excuser de l'avoir procréé, Nagg dit qu'il ne pouvait pas
savoir qu'il aurait un tel fils (p.
67).
Nell semble avoir été une....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓