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Nerval - Odelettes « Fantaisie » Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout...

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« Nerval - Odelettes « Fantaisie » Il est un air pour qui je donnerais Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber, Un air très vieux, languissant et funèbre, Qui pour moi seul a des charmes secrets. Or, chaque fois que je viens à l'entendre, De deux cents ans mon âme rajeunit : C'est sous Louis treize ; et je crois voir s'étendre Un coteau vert, que le couchant jaunit, Puis un château de brique à coins de pierre, Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs, Ceint de grands parcs, avec une rivière Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ; Puis une dame, à sa haute fenêtre, Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens, Que, dans une autre existence peut-être, J'ai déjà vue...

- et dont je me souviens ! Contexte et éléments pour l’introduction Le poème à commenter, « Fantaisie », est tiré du recueil Odelettes, composé aux alentours de 1835.

Nerval y a rassemblé plusieurs pièces qui sont autant de rêveries dans lesquelles le poète exprime un attachement à un passé idéalisé et intime, d’inspiration chevaleresque et romantique, et qu’il assimile à une forme de vie antérieure – le thème de la réminiscence est particulièrement présent dans « Fantaisie ».

Le terme « odelettes » renvoie à une forme poétique pratiquée au XVIè siècle, redécouverte, ainsi que de nombreuses formes poétiques anciennes, par les jeunes écrivains romantiques dont Nerval fait partie : par là, Nerval se rattache à la tradition poétique antérieure en même temps qu’il assimile intimement ce passé en en faisant le lieu de sa rêverie. Le titre, « Fantaisie », a deux sens : il renvoie d’abord à la puissance de l’imaginaire, célébrée par Nerval, mais une « fantaisie » est aussi une forme musicale libre particulièrement prisée par les romantiques, notamment par Chopin : par là, le titre annonce la teneur musicale du poème, puisque c’est un « air » de musique qui éveille l’évocation décrite dans le poème et que Nerval met ici en œuvre une écriture poétique extrêmement musicale.

Il faut d’ailleurs remarquer que, dans l’ensemble de l’œuvre de Nerval, la musique et le souvenir sont étroitement liés : ce sont souvent des airs anciens qui éveillent les rêveries nostalgiques (penser par exemple à la chanson ancienne entonnée par Adrienne dans Sylvie). Ce double sens du mot « fantaisie » offre des clés de lecture pour le texte : on remarque d’abord que le poème se décompose en deux temps, le premier temps, composé du premier quatrain, étant consacré à la célébration d’un air de musique cher au poète, le second temps, comprenant les trois autres quatrains, s’attachant à décrire les évocations éveillées par cet air.

Ce passage d’un sens à un autre se fait sur le mode du glissement, ou plus précisément de la synesthésie, et non sur le mode de l’énumération ; cela signifie qu’il va falloir mettre en valeur les glissements par lesquels l’évocation poétique passe de l’air musical au souvenir imaginé, puis enfin au souvenir réel – puisque la chute du poème célèbre, dans une exclamation, la réalité de ce souvenir, qui n’est pas une réalité du concret mais une réalité de l’imaginaire : tout le poème s’articule autour de cet apparent paradoxe, tout en articulant, sur le mode de la rêverie, le musical et le visuel. Eléments pour le développement NB : les éléments donnés ici ne sont volontairement pas composés en plan abouti pour un commentaire ; ils ne font que mettre en lumière les éléments à commenter : il vous revient de hiérarchiser ces éléments en fonction de votre propre lecture du texte. I.

Le rôle de la musique dans le poème : une évocation magique - La musique est thématiquement présente dans le titre du poème, nous l’avons vu, mais elle est aussi le sujet majeur du premier quatrain.

Le poète parle d’un « air », c’est-à-dire d’un morceau indéterminé qui existe plus par l’impression qu’il provoque que par sa forme ou son sens.

C’est ainsi qu’il faut comprendre les trois comparaisons négatives avec des compositeurs d’opéra, Rossini, Mozart et Weber : l’opéra est la forme musicale dont le sens est le plus explicite, par sa trame narrative et par son texte ; l’air dont parle le poète est à l’opposé de cela.

Commenter aussi le mot « charme », au quatrième vers : étymologiquement, le mot « charme » renvoie au carmen latin, qui est un chant magique et évocatoire.

C’est cette magie évocatoire qu’il faut rattacher à l’air ici évoqué. - Examiner en second lieu le travail musical de la langue dans l’ensemble du poème.

On remarque par exemple que les phonèmes è et r sont disséminés dans l’ensemble de la première strophe, reconstruisant musicalement le mot « air » (cf.

« donnerais », « Weber » - à prononcer « Wèbre », « funèbre », « secrets » - ce procédé est une paragrammatisation).

Commenter de même, dans la seconde strophe, la paronomase entre « entendre » et « étendre ».

Examiner le rythme général des vers : les décasyllabes ne sot pas toujours l’objet de coupes franches, ce qui crée une impression de flou rythmique, de bercement. II.

Une rêverie du passé : une esthétique romantique de l’impression intime - La rêverie du passé commence dès la première strophe, d’une manière allusive, dans le vers « un.... »

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