Devoir de Philosophie

Nocturne Dehors, pas de bruit. La lune glissait le long des monta­ gnes de l'ouest. Les loutres étaient parties. Un...

Extrait du document

« Nocturne Dehors, pas de bruit.

La lune glissait le long des monta­ gnes de l'ouest.

Les loutres étaient parties.

Un chat­ huant guettait sans bruit sur la poulie du grenier.

De temps en temps il ouvrait ses yeux rouges.

L'étang suçait doucement les sables de ses petites plages.

Les champs étaient noirs.

La terre labourée ne se laisse pas éclairer par la lune.

Seuls luisaient les talus d'herbe.

La brume s'était fondue.

Sous un amandier fleuri, le renard se léchait les pattes.

Les sauterelles vertes chantaient.

Elles étaient toutes immobiles sur les chardons pelucheux qui gardent la chaleur du jour.

L'herbe s'étira.

Un rayon de lune se refléta dans une longue feuille d'avoine ..

Le reflet éclaira les yeux de pierre d'une sauterelle.

Le renard s'arrêta de lécher ses pattes.

Il regarda ces deux petits points d'or.

Il se mussa, sauta; la sauterelle lui partait d'entre les pattes, le renard la vit luire et s'éteindre.

Il sauta sur place comme pour essayer de mordre la nuit, puis il se coucha et hurla doucement. Loin vers la forêt, au-delà de la route, un perdreau enten­ dit, s'éveilla, · vola d'un vol court.

Il retomba dans l'herbe, s'endormit; retrouva sa peur, s'envola, retomba, s'endormit, et il resta enfin dans l'herbe, frissonnant mais alourdi de nuit. Des blaireaux marchaient dans les labours en traînant le ventre.

Sous l'arbre fleuri, le renard avait rècommencé à sauter après les sauterelles.

La lune descendait dans un col lointain de la montagne. Jean GIONO, Que ma Joie demeure. Vous présenterez de ce texte un commentàire composé que vous organiserez à votre gré.

Vous pourrez par exem­ ple montrer l'art et la sensibilité avec lesquels l'auteur évoque l'atmpsphère de cette nuit de Provence et les liens qui unissent 'entre eux les éléments de la nature. Introduction ■ Né à Manosque d'un père cordonnier et d'une mère repasseuse, qui le choyaient, Giono est cependant à demi autodidacte. Ayant arrêté ses études avant le baccalauréat, il se façonna lui-même une culture où la Bible, Homère et les grands tragiques grecs avaient une place de choix. Cette influence antique marque sa création et l'on voit souvent en lui un grand classique. De même son attachement à sa Provence est une de ses principales caractéristiques. Même s'il «montait» à Paris plus souvent à la fin de sa vie, il fut toujours, selon son expression, «uh proven­ cial gauche et farouche». Après avoir acquis la notoriété avec Colline (1928) et complété une trilogie de la Haute-Provence avec Un de Baumugnes et Regain, deux grands succès aussi de 1929 et 1930, Giono devint une sorte de maître d'une école de la solitude et.de la terre, les Vraies richesses (autre titre d'un roman de 1937). Cette page est extraite d'un autre célèbre roman de Giono : Que ma joie demeure, où il chante l'équilibre, la bonté, la joie, «la gloire d'être vivant», souvent avec une grande sincérité, parfois avec des efforts assez didac­ tiques. ■ ■ ■ ■ ■ ■ ,, ■ Son mouvement insensible, tout en étant réel; contri­ bue à.

souligner l'immobilité générale, mais une immobi­ lité qui «guette», en attente.

La lune affecte souvent le réel d'une certaine incertitude. ■ Notion moelleuse du mouvement lunaire. ■ Une vie sourde mais certaine palpite : certes lè guet du chat-huant (précision d'observation: «sur la poulie» cf.

Colette dans Sido : les oiseaux de nuit recherchent les greniers sombres...

et où se trouvent souvent souris, rongeurs...

Son mouvement silencieux mais régulier se répète : «De temps en temps, il ouvrait...

») ·.

■ Deuxième mouvement (accompagné d'un son léger): un certain clapotis d'eau, mais c'est une eau stagnante (étang) d'où le mouvement d'eau est lui aussiauralenti, comme est presque imperceptible le bruit quile double: « suçait doucement», d'autant plus qu'il se rencontre avec une matière molle, sans grande résistance : « , les .

sablés». ■ Apparaissent peu à peu les notations visuelles etcolo­ rées.

Toujours à travers, des phrases brèves, nettes, préci­ ses, d'observation : yeux rouges» de l'oiseau de nuit, «sauterelles vertes» ... .

■.

Surtout cette indication brève : «Les champs étaient noirs>>.

Rythme de la phrase identique chez Hugo (Booz endormi): «L'herbe était noire».

L'adjectif«noir» tou� jours suggestif est, chez les deux auteurs, mis en valeur forte (coupe ou point, d'où l'accent porte sur «noir», dernier mot de la phrase). ■ Même désir d'antithèse : noir/luminosité.

Mais chez Hugo l'essentielest cette opposition.

Chez Giono elle se double de l'observation presque scientifique d'un rural. Il sait, lui, que l'herbe n'est pas noire.

Ce sont les mottes de terre retournées qui«ne se laissent pas éclairer, tandis que «les talus d'herbe» «lui[sent] ». ■ Notions auditives, toujours parallèles àl'éveil, donc aux manifestations de vie, vont se préciser au for et à mesure que la nature est délivrée de l'apesantissement du jour, dû $.

la «chaleur».... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓