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Notre environnement contemporain semble fonctionner sur la diffusion d'images mobiles ou fixes qui nous dispenseraient de plus en plus du...

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« Notre environnement contemporain semble fonctionner sur la diffusion d'images mobiles ou fixes qui nous dispenseraient de plus en plus du recours à d'autres moyens d'appréhension du monde. La photographie, art récent s'il en est, s'offre comme expression idéale de notre civilisation et sa banalisation n'empêche pas sa puissance.

Susan Sontag affirme que «Photographier, c'est conférer de l'importance ». Nous verrons d'abord ce que recouvre ce terme et de quels moyens dispose la photographie.

Mais comment concilier cette importance avec la banalisation de l'image? Sans doute en gardant à la photographie son statut d'art. La photographie donne effectivement de l'importance aux objets, êtres et paysages qu'elle fixe sur le papier.

Cette importance revêt plusieurs aspects, et d'abord celui de témoignage.

Les photos sont des documents ethnologiques incomparables et l'Américain Lewis Hine l'avait compris au début du siècle lorsqu'il a élaboré la photographie sociale, avec ses immigrants italiens et ses ouvriers en particulier.

L'on trouve la même volonté de témoigner d'un univers mal connu avec Roland et Sabrina Michaud qui, les premiers, ont fait connaître les Afghans aux Européens.

C'est aussi le rôle de la photographie scientifique : météorologie, médecine, géographie, etc. Les reportages photographiques sont souvent, de nos jours, des preuves de l'importance de tel ou tel événement.

Ainsi, la révolution chinoise de 1989 a trouvé l'une de ses plus véridiques expressions dans la photo extraite d'un reportage, sur laquelle figure un étudiant immobile face à un char de l'armée.

Le photographe est un témoin, parfois à charge, comme cet homme immobilisé dans Fenêtre sur cour de Hitchcock, dont les photos vaudront comme pièces à conviction du meurtre qui s'est déroulé en face de chez lui. Ce témoignage va jusqu'à la preuve d'existence, comme en témoignent nos photos d'identité.

L'être figurant sur un passeport est censé être celui du réel.

C'est l'industrialisation de la photo qui a entraîné cette bureaucratisation. La photographie confère de l'importance à ce qui semblait ne pas en avoir au premier abord.

Cartier-Bresson photographiant le petit peuple de Paris montre que c'est là qu'est la vraie vie, que ces êtres humbles portent en eux une forme de beauté.

En outre, elle prouve que l'objet avait en soi de l'importance puisqu'un photographe s'y est arrêté. C'est ce qui explique les photos de mariages ou de cérémonies : on photographie parce que le moment est crucial dans la vie de telle ou telle personne.

C'est ainsi que la photographie devient un talisman : on garde les photos des êtres chers, d'un animal, d'une vedette dans un portefeuille ou punaisées sur le mur d'une chambre comme celle des héros des Enfants terribles de Cocteau.

Ces images sont l'expression d'un culte du souvenir aux absents, aux disparus.

Le caractère fétichiste de la photographie est souligné dans La mort de Mrs.

McGinty d'Agatha Christie, où un personnage constate que l'on garde des images par vanité («j'ai été beau »), par sentimentalité ou par haine. Mais ce qui compte le plus dans cette importance accordée, soit à des faits anodins, soit à des événements marquants, c'est la volonté que l'on a de fixer, par un cliché, le temps qui s'écoule sans retour.

Le terme d'« instantané » qui désigne la photographie dit assez que l'on fige là le souvenir d'un moment qui n'est déjà plus : le soldat en uniforme, le premier sourire d'un enfant, un bouquet de mariée, etc.

La photographie est donc le moyen de lutter contre la fuite du temps, de se rassurer dans un monde où tout passe, de montrer l'évolution d'un être. Ce sont ces «deux ou trois portraits réalisés au cours d'une vie» que mentionne le libellé. Qu'en est-il alors à notre époque où déferlent les images et qui met à notre portée la possibilité de les multiplier ? Il apparaît que la plus grande facilité technique de diffusion de l'image lui a permis de gagner tous les domaines, en en faisant un remarquable outil de communication. L'industrialisation de la photographie est ainsi à l'origine de sa prolifération quantitative, aux dépens du support écrit.

Ainsi les journaux télévisés, qui se valent tous, attirent plus ou moins les téléspectateurs par un enchaînement particulier des images, une présentation spécifique de l'écran.

Bien plus, dans le monde de la publicité, le texte n'est que...

l'illustration de l'image ! Cette dernière est destinée à susciter un besoin chez le consommateur.

Ainsi bon nombre des publicités pour des boissons se fondent sur des photos de vagues, de voiliers, et autres plages de sable fin.

Il en va de même pour les cigarettes dont l'éloge se fait dans des paysages sauvages qui appellent à l'aventure. Car notre monde produit et consomme de tout, et surtout des images, au nom de cette idée que tout peut ou doit être montré.

Accessoirement la photo subit le même sort que les autres produits : aussitôt fixée, aussitôt oubliée, qu'il s'agisse des clichés d'actualité ou de publicité, redevenus «instantanés» sans avenir.

E.

Delacroix déjà, au xixe siècle, se désolait que « l'artiste, en un mot, devient une machine attelée à une autre machine ».

La photographie, dans ces cas-là, confère de l'importance à ce qui n'en a guère. Qualitativement, non seulement l'image s'affadit mais elle se pervertit.

En effet, il faut trouver les angles les plus saugrenus ou les visages les plus marqués de souffrance pour que le spectateur réagisse encore.

Un grand hebdomadaire français n'a-t-il d'ailleurs pas fondé son slogan sur ce point : « Le choc des photos » ? Cela explique pourquoi les photos les plus prisées de nos contemporains sont celles des catastrophes et qu'au cinéma, ils aspirent à des images violentes. L'on assiste également à une.... »

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