On a pu dire que le théâtre était, parmi les genres littéraires, le plus conventionnel. Après avoir précisé quelles sont...
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«
On a pu dire que le théâtre était, parmi les genres littéraires, le plus
conventionnel.
Après avoir précisé quelles sont les conventions essentielles que
le théâtre impose, vous chercherez les raisons pour lesquelles le spectateur se
soumet volontiers à ces conventions et accepte sur scène les fantaisies les plus
débridées qu'il refuserait dans la vie réelle ?
Analyse du sujet et problématisation
Ce sujet invite à une double réflexion : d’une part il implique que l’on définisse en
quoi le théâtre est un genre « conventionnel » et d’autre part, il appelle à expliquer la
soumission du spectateur à ces conventions et à leurs conséquences ( parfois le spectateur
assiste à des scènes qu’il condamnerait dans la vie réelle).
Le terme « conventionnel » est ici ambigu : il présente le théâtre comme un genre
littéraire fondé sur des conventions mais cet adjectif a une connotation très marqué : il
invite à penser le théâtre comme un genre académique, rentrant dans l’ordre, ce qui n’est
pas forcément le cas comme l’indique la fin du sujet.
Définissons préalablement l’expression « convention théâtrale » : On appelle
convention théâtrale tout élément dramatique parfaitement irréaliste ou invraisemblable
(que ce soit dans les décors, l'interprétation, les dialogues, la distribution, etc.) mais qui
est cependant considéré par le public comme tout à fait normal.
Cette convention est
l'ensemble des présupposés idéologiques et esthétiques, explicites ou pas, qui
permettent au public de recevoir correctement la pièce.
C'est une entente entre les
spectateurs et les artistes selon laquelle le spectacle correspond à des normes connues et
acceptées.
Jacques Copeau disait : « J'appelle convention au théâtre l'usage et la
combinaison infinie de signes et de moyens très limités, qui donnent à l'esprit une liberté
sans limite et laissent à l'imagination du poète toute sa fluidité.
»
Problématique : Le théâtre est-il un genre « conventionnel » et académique ?
I)
Les Conventions théâtrales
1)
Le théâtre codifié dès son origine
Le théâtre, dès son origine, a été théorisé et soumis à un ensemble de règles :
Aristote dans La Poétique codifie le genre théâtral à partir des tragédies antiques.
Il définit
la tragédie comme « l'imitation d'une action sérieuse et complète, elle a une juste
grandeur, son langage est agréable...
les événements y sont joués par des personnages
et non racontés dans un récit ; enfin, elle provoque la pitié et la crainte, par là, elle effectue
une véritable purgation des ces deux sortes de sentiments.
».
Le genre théâtral est donc
fondé
sur
deux
règles,
dès
l’Antiquité :
la
mimesis
et
la
catharsis.
2)
Les règles du théâtre classique
Le théâtre classique est fondé sur un grand nombre de conventions et de
règles.C'est principalement de l'opposition entre les partisans d'un théâtre réglementé et
ceux d'une création en liberté, que se sont constituées des règles, des doctrines et des
recommandations qui se sont peu à peu imposées à ce qu'on appelle le théâtre classique,
et en particulier à la tragédie qui en était la forme la plus «élevée».
Les «doctes» de
l'époque (érudits, académiciens) se sont inspirés, pour cette codification, des oeuvres
antiques (tragédie grecque, comédie latine) ou de traités théoriques comme la célèbre
Poétique d'Aristote IV° siècle av.
J.C.).
à évoquer ici les trois types de conventions en vigueur dans le théâtre classique :
·
La règle des trois unités : unités de temps, de lieu et d’action.
Cf.
Boileau, Art Poétique : « Qu'en un lieu, en un jour, un seul fait accompli
tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.»
·
La vraisemblance : « l’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit
pas » précise Boileau dans son Art poétique (chant III).
·
La bienséance : les bienséances, dans un souci de ne pas
choquer les spectateurs, excluent en principe de la scène tout ce qui
(violence, amour) irait contre la morale établie ; les bienséances
linguistiques interdisent au langage lui-même (dialogue, récit) de
rapporter de manière trop « réaliste» ce qui n'est pas montré sur la scène.
3)
Les conventions a-temporelles du théâtre
Le genre théâtral est fondé sur un certain nombre de conventions partagés par les
dramaturges, les metteurs en scènes et les comédiens, conventions nécessaires au bon
déroulement de la représentation.
Ces conventions sont :
le langage qui est inventé par l’auteur ( il s’agit d’un
langage littéraire, ne pouvant véritablement se confondre avec le
langage de la vie réelle)
le comédien joue : il feint l’émotion
le décor et les objets sont symboliques
Le spectateur lui-même feint de croire à ce qui est
représenté sur scène
Nous sommes dans le monde des apparences malgré la présence réelle des acteurs.
Ceux-ci jouent à être, à sentir, à paraître dans un décor stylisé, fabriqué.
Ils s’expriment
comme l’ont écrit les auteurs dramatiques.
Cf.
Anouilh, "La Répétition ou l’amour puni":
Le naturel, le vrai, celui du théâtre, est la chose la moins
naturelle du monde […].
N’allez pas croire qu’il suffit de retrouver le
ton de la vie.
D’abord dans la vie le texte est toujours si mauvais !
Nous vivons dans un monde qui a complètement perdu l’usage du
point-virgule, nous parlons, tous par phrases inachevées, avec trois
petits points sous-entendus, parce que nous ne trouvons jamais le
mot juste.
Et puis le naturel de la conversation, que les comédiens
prétendent retrouver : ces balbutiements, ces hoquets, ces
hésitations, ces bavures, ce n’est vraiment pas la peine de réunir
cinq ou....
»
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