On a souvent reproché au roman d'entretenir les rêves et illusions. Ce reproche est-il fondé ? Définition des termes du...
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On a souvent reproché au roman d'entretenir les rêves et illusions.
Ce reproche
est-il fondé ?
Définition des termes du sujet
Le sujet invite à prendre position sur un reproche traditionnel fait au roman : pendant
longtemps en effet, au moins jusqu’au siècle des Lumières – et peut-être encore de nos
jours -, le roman a été considéré comme un genre littéraire mineur, une sorte de
divertissement illusionniste dont la lecture aurait été sans valeur, voire dangereuse en
raison du caractère fictionnel, irréel du roman : il fallait alors y préférer la consistance
rationnelle de l’essai ou la finesse esthétique de la poésie.
Au XIXème siècle, le personnage
de Madame Bovary est une incarnation des dangers du roman, au point que l’on peut
désormais parler de « bovarysme » pour désigner une tendance du lecteur de romans à se
perdre dans l’illusion fictionnelle, par identification avec les personnages notamment, ce
qui provoquerait une incapacité à se rapporter au monde réel – incapacité qui peut être
tragique, comme en témoigne le suicide d’Emma Bovary.
Si ce reproche fait au roman est répandu, il peut néanmoins sembler extrêmement
réducteur quant au genre romanesque : c’est donc le fonctionnement de ce dernier qu’il
va s’agir d’examiner : quels rapports celui-ci entretient-il avec le réel ? est-il uniquement
un créateur d’illusions dangereuses ? Comment le lecteur doit-il se rapporter à la fiction
contenue dans le roman ? Il semble en effet très caricatural d’imaginer que le roman a
pour effet de détacher le lecteur du monde réel, puisque ce lecteur a conscience de lire un
objet artistique et ne se rapporte pas aux contenus romanesques comme il se rapporte au
monde réel.
Autrement dit, c’est le problème de l’ « horizon d’attente » (Jauss) que nous
avons à l’égard du genre romanesque qui se pose en dernière analyse : ou bien nous
considérons simplement le contenu fictionnel du roman et sa différence d’avec la réalité
pour lui reprocher de ne pas être en adéquation avec cette réalité, et, donc, d’ « entretenir
les rêves et les illusions », ou bien nous considérons que le roman est un genre littéraire
qui se distingue par un rapport complexe et paradoxal au réel, et que le lecteur, qui connaît
la singularité de ce genre et de son fonctionnement, ne se laisse pas happer par l’illusion
romanesque mais a au contraire conscience de son essence illusoire.
Reprocher au roman
d’entretenir les rêves et les illusions serait alors méconnaître la spécificité du genre
romanesque dans son rapport au réel.
On pourra, au fil du devoir, essayer également de distinguer plusieurs types de romans,
d’une part ceux qui se caractérisent par leur teneur strictement « romanesque », au sens
péjoratif du terme, et qui ne cherchent que le divertissement du spectateur sans se
considérer comme des objets d’élaboration esthétique (romans de gare, par exemple),
d’autre part ceux qui s’inscrivent dans le champ de la recherche esthétique qu’est la
littérature et qui s’attachent à jouer avec leurs codes (penser par exemple aux subversions
des codes romanesques que Diderot joue à mettre en place dans Jacques le Fataliste), et
avec le rapport paradoxal au réel qui caractérise le roman.
Eléments pour le développement
I.
Le roman, créateur de rêves et d’illusions.
Y a-t-il un danger du roman ?
Dans un premier temps, on pourra se demander ce qui peut fonder le reproche au roman
contenu dans le sujet.
Le roman se caractérise par son contenu fictionnel : il s’agit pour
lui, au premier abord, de raconter une histoire inventée, parfois dans le seul but de divertir
un public.
On pourra donner l’exemple des romans de chevalerie, des romans d’aventure,
ou encore des romans de gare.
Le lecteur peut lire naïvement ces romans et voir son
rapport au réel altéré par eux : c’est le cas de Madame Bovary, qui trouve le réel trop fade
par comparaison avec le monde décrit dans les romans de Walter Scott, et qui échoue à
reconstituer dans sa vie ce qu’elle a lu dans les romans, si bien qu’elle échoue finalement
à vivre.
On pourra aussi penser à l’exemple de Julien Sorel dans Le Rouge et le Noir, exalté
par ses lectures et s’attachant, en y échouant, à mettre dans le réel la même exaltation
qu’il....
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