On trouvait jadis beaucoup de héros sur les champs de bataille. Être un héros supposait d'ailleurs que l'on sût y...
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On trouvait jadis beaucoup de héros sur les champs de bataille.
Être un héros supposait
d'ailleurs que l'on sût y mourir dignement.
De nos jours, les héros sont bien vivants.
Encore que cette vie soit parfois imaginaire : aux héros en chair et en os, il faut ajouter
les êtres de fiction qui, dans les livres, les bandes dessinées ou sur les écrans, suscitent
notre sympathie, notre admiration voire un extraordinaire besoin d'identification.
Mais
que représentent véritablement les héros, réels ou fictifs, dans notre existence ? Quels
sont leurs caractères distinctifs? Quels mythes, quelles valeurs et quelles actions portentils en eux ? Définir « ses » héros revient peut-être à se définir soi-même, tant leur rôle
est déterminant dans la formation de chaque personnalité.
Vouloir leur ressembler, c'est
déjà affirmer que l'on désire être quelqu'un.
Mais les héros traditionnels sont aujourd'hui
de plus en plus contestés.
Faut-il regretter ce « crépuscule des idoles » ou au contraire
se réjouir de voir l'homme de la rue accéder à son tour à L'héroïsme ?
Achille, dans L'Iliade d'Homère, est l'illustration parfaite du héros antique : ses origines
divines, son invulnérabilité, sa force et jusqu'à ses colères en font un être d'exception, un
homme dont la destinée ne peut se comparer à aucune autre, un être à mi-chemin entre
les hommes et les dieux.
Son héroïsme, il le manifeste à la guerre en mettant en fuite
l'armée troyenne, en tuant le seul ennemi qui soit à sa mesure : Hector.
Les armes qu'il
brandit ont été forgées par un dieu et lui confèrent un pouvoir magique.
Sa bravoure lui
vaut d'être reconnu par les siens et sa mort est
l'événement essentiel qui lui permet d'accéder à une dimension mythique.
Le talon
d'Achille, signe de son humanité mortelle, lui permet paradoxalement d'échapper au
temps et d'entrer dans l'éternité de la légende.
Aujourd'hui encore, ce mythe a quelque
résonance : tous les « héros » musclés de nos écrans doivent un peu de leur pouvoir de
fascination au personnage d'Achille.
Le héros est donc à la fois un surhomme par l'excès, la disproportion qui le caractérisent,
et une idole parce que cet excès, cette disproportion lui valent la reconnaissance et
l'admiration de sa communauté.
C'est ce qui explique que les héros traditionnels,
personnages historiques grandis par la légende ou personnages fictifs des romans de
chevalerie ou des contes, soient bien souvent de sang royal : leur position sociale
prééminente les désigne pour faire une carrière héroïque.
Rabelais, dans Pantagruel et
Gargantua, pousse cette caractérisation des héros jusqu'à la caricature en faisant de ses
personnages à la fois des géants et des rois.
Il est étonnant de constater que, réels ou fictifs, êtres de chair ou de papier, les héros
sont en quelque sorte pétrifiés, transformés en statues par la renommée qui les célèbre,
par la foule qui les entoure, les élève et les divinise.
Aujourd'hui encore, l'extrême beauté
d'une vedette du cinéma peut, dans l'imagination de ses admirateurs, se transformer en
un caractère quasiment sacré.
C'est ainsi que Roland Barthes parle dans Mythologies du
« visage déifié » de Greta Garbo.
Il y a de la magie dans l'héroïsme et, par une création humoristique de la bande
dessinée, elle devient portative : potion magique des Gaulois invincibles d'Astérix ! Mais
ce dont les héros sont avant tout porteurs, ce sont des valeurs de leur communauté.
Ces
valeurs, les personnages héroïques les illustrent par leur vie et leur action.
Et la société à
son tour les distingue et les célèbre lorsqu'ils se dévouent à la défense ou à l'élévation de
son histoire et de sa morale.
Le personnage du Cid chez Corneille est ainsi le
représentant héroïque d'une aristocratie guerrière pour laquelle l'honneur est la
principale vertu.
Dans la réalité même, les héros de l'histoire sont ceux qui ont incarné
par leur combat, leur engagement et leur esprit de sacrifice, la volonté d'un peuple.
La
peinture s'est chargée d'immortaliser le jeune général Bonaparte au pont d'Arcole portant
les trois couleurs de la République.
Sur son visage se lit l'énergie caractéristique des
héros.
Voilà ce qui les distingue de la masse : ils ont le plus souvent le goût du risque.
Leur
principe est l'action et ce qui les grandit, c'est leur capacité à surmonter des épreuves.
Leur parcours est rarement semé de rosés.
Ennemis, dragons, forces naturelles et
surnaturelles se présentent sur leur route.
Qu'importe.
Ils les défient et les surmontent
pour atteindre le but qu'ils se sont fixé.
Ainsi, Lancelot, le Chevalier à la charrette, dans
le roman médiéval de Chrétien de Troyes, doit affronter mille embûches, vaincre cent
ennemis, échapper à tous les périls pour délivrer la reine Guenièvre.
Les épreuves
héroïques sont souvent marquées par la souffrance, le deuil, mais le propre du héros est
de défier le temps et la mort.
Ainsi Roland, tué à Roncevaux, survit à travers son épée
magique conservée comme une relique sacrée par ses compagnons.
Les héros, nous
l'avons dit, conquièrent leur statut par ce qu'ils sont et par ce qu'ils font, mais aussi par
le retentissement de leur action, par les sentiments qu'ils font naître chez les lecteurs ou
les spectateurs.
Le premier sentiment que le héros suscite est l'admiration.
Le caractère superlatif du
personnage engendre une réaction elle-même souvent excessive.
Les idoles de la
chanson font ainsi l'objet d'un véritable culte et leur décès s'accompagne parfois d'une
dramatisation, à l'échelle de l'engouement qu'ils s'attirent de leur vivant.
L'admiration
pour le héros l'entoure d'une sorte d'aura.
Celle-ci est nécessaire parce qu'elle le
distingue de la foule.
Or, cette différence répond à un besoin fondamental : voir le héros,
l'admirer, c'est reconnaître le lieu où s'achève la banalité de la vie, la médiocrité de
l'existence quotidienne.
Le héros est essentiel parce qu'il satisfait passagèrement un rêve
: celui de l'action par exemple.
Dans un univers marqué par la monotonie, la routine,
pour des êtres privés de responsabilités, l'action héroïque introduit une extraordinaire
liberté, une réussite inouïe et une rupture dans l'ordre des choses.
Ainsi, le classique «
Superman » transforme le quotidien en rêve de puissance, rêve de séduction, rêve de
s'arracher à la pesanteur !
L'héroïsme est souvent exaltant dans le domaine des sentiments parce qu'il leur
communique une dimension extrême.
Il répond alors à un besoin d'absolu chez ceux qui
ne vivent que des passions tempérées.
On se met donc à aimer les héros justement
parce qu'ils aiment et parce qu'ils aiment....
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