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Orson Welles et Le Procès de Kafka Orsan Welles est un génie polyvalent : acteur, metteur en scène, romancier, réalisateur...

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« Orson Welles et Le Procès de Kafka Orsan Welles est un génie polyvalent : acteur, metteur en scène, romancier, réalisateur .•• il multiplie les carrières et excelle dans la plupart des domaines artistiques.

La rencontre avec l'œuvre de Kafka lui permet de proposer sa propre lecture d'un texte qui contient un certain nombre d'éléments cciincidant avec son inspi­ ration personnelle. UN GÉNIE PRÉCOCE Dès son plus jeune âge, les talents d'acteur d'Orson Welles sont reconnus.

Mais le théâtre, n'est pas le seul terrain où il a excellé. En dépit d'un certain nombre de difficultés, son nom va aussi marquer éternellement l'histoire du cinéma. 1 Des débuts prometteurs Orsan Welles naît en 1915 dans le Wisconsin.

À l'âge de huit ans, il perd sa mère.

À 10 ans, il interprète son premier rôle au théâtre, on le considère comme un enfant prodige.

Quatre ans plus tard, son père meurt.

Orsan part en Irlande où il se fait engager au Gate Theatre de Dublin.

De retour en Amérique, il reçoit le prix de l'Association dramatique de Chicago pour sa mise en scène de Jules César.

Il poursuit sa carrière d'acteur dans différentes compagnies américaines.

En 1933, il réalise son premier court-métrage puis, tout en poursuivant son activité de metteur en scène, commence une carrière radiophonique.

Il adapte des romans pour la radio : I.:ile au trésor, Jane Eyre, Le Tour du monde en quatre-vingt jours, Oliver Twist et, surtout, La Guerre des Mondes de H.

G.

Wells.

Cette dernière adaptation le rend immédiatement célèbre.

Le 30 octobre 1938, Orson Welles, narrant en direct l'invasion de la terre par des Martiens, provoque une véritable panique en Amérique : « Les maisons se vidaient, les églises se remplissaient ; [...] les gens pleuraient dans les rues et déchiraient leurs vêtements1.» 1Les productions hollywoodiennes En 1939, il signe un contrat avec la RKO, l'une des compagnies de production les plus prestigieuses d'Hollywood.

En 1940, il tourne Citizen Kane.

Ce film marque les débuts du cinéma moderne. Exploitant et dépassant toutes les ressources cinématographiques par ses recherches stylistiques et techniques, cette œuvre est une anthologie des techniques du cinéma sonore et un cours d'histoire sur le capitalisme et le libéralisme de la presse aux États-Unis. Par opposition à Citizen Kane, œuvre entièrement réalisée et contrôlée par Welles, La Splendeur des Ambersons (1942) est remanié par la RKO.

Welles perd son statut de directeur de production.

Il réalise The Stranger, terminé par un autre réalisateur (1946), et surtout La Dame de Shangai (1948).

Ce film déplaît for- tement, Welles s'en prend aux valeurs magnifiées par Hollywood : l'argent, l'héroïsme, la justice... 1Le départ en Europe et le retour à Hollywood Welles décide de s'établir en Europe, où il se sent plus libre.

Il réalise La Soif du mal (1958).

Ce film sur la manipulation policière et le racisme (on reconnaît l'un des thèmes du Procès : la marginalisation d'un individu en conflit avec l'institution judiciaire) aura, par ses innovations de mise en scène, une influence considérable sur le cinéma américain des années 1960-1970.

Puis il réalise Le Procès (1963) et Fa/staff (1966).

De 1967 à 1980, il réalise trois longs métrages : Une histoire immortelle (1968), F.

for Fake (Vérités et mensonges, 1975) et Filming Othello (1978).11 meurt en 1985. 1.

O.

Welles et P.

Bogdanovich, Moi, Orson Welles, Belfond, 1993, p.

50. PROBLÉMATl,QUES ESSENTIELLES 59 DU PROJET À LA RÉALISATION DU FILM Si Welles n'a pas tout de suite été enth?usiaste à l'idée d'adapter au cinéma Le Procès de Kafka, le tournage a été pour lui une expérience unique, qui lui a permis de redécouvrir une œuvre littéraire très proche de sa sensibilité et d'en proposer une lecture personnelle. 1Genèse et tournage du film En 1961, alors que tous les autres producteurs fuient Welles en raison de ses difficultés à finir ses films, Michel et Alexandre Salkind lui proposent de choisir dans une liste de livres un titre à adapter.

Welles, qui aurait préféré adapter Le Château, choisit Le Procès de Kafka. A cette époque, il a de sérieux problèmes finan- ciers.

II tente de terminer un film qui va demeurer inachevé, Don Quichotte, et envisage la réalisation de Falstaff. L'adaptation du Procès est donc un projet qui tombe plutôt bien.

Welles écrit le scénario en 1961.

Le tournage débute le 26 mars 1962 aux studios de Boulogne près de Paris.

Les scènes extérieures sont tournées à Zagreb, Rome et Paris.

C'est pendant le tournage à Zagreb que Welles rencontre Olga Palinkas, qui deviendra par la suite sa compagne.

Le 5 juin 1962, le tournage est terminé.

Le montage se prolonge jusqu'à la première à Paris, le 21 décembre. 1Welles et Kafka, entre affinités et divergences Au début, le projet d'adapter Le Procès ne séduit Welles que partiellement : « Je ne partage pas le point de vue de Kafka dans Le Procès.

Je crois que c'est un bon écrivain, mais Kafka n'est pas le génie extraordinaire que l'on s'accorde aujourd'hui à reconnaître.,. C'est surtout sur le problème de la culpabilité de K.

que Welles se démarque de Kafka: « Le problème, ce n'est pas qu'il soit coupable ou innocent [.•.].

L'essentiel, c'est l'attitude, non les faits.

,. Welles se désintéresse du problème de la faute, il cherche à pro- e o PROBLtMATIQUES ESSENTIELLES poser, dit-il,« une ~tude des différentes attitudes face à la culpabilité ».

Le sujet du film est donc moins la faute, le ou les événements ayant conduit à l'arrestation de K., que les comportements suscités chez K.

par cette arrestation. Welles déclarera néanmoins plus tard : « Je n'ai jamais été aussi heureux que lorsque j'ai fait ce film 1.

» Il découvre en effet dans Le Procès une forme étrange d'humour noir, de burlesque tragique, qui le séduit et qu'il cherchera à transposer dans son film.

Il admet certes que « l'atmosphère [du film] est glacée, humide, horrible.

Et l'érotisme est pervers et morbide ».

Mais, pour lui, certains moments sont « plus distrayants qu'ils ne le sont apparemment » : « Je croyais que tout ce qui touchait l'avocat, son bureau, la fille [.:.] était très drôle.

Pour moi, c'est vraiment drôle.

Cela me fait rire à chaque fois.

Tu ne peux pas imaginer les crises de fou rire pendant le tournage2.

» En outre, il existe de forts points communs entre Welles et Kafka.

Leurs sensibilités sont proches.

Ils ont la même tendance à de pas achever leurs œuvres (Le Procès de Kafka et Don Qui- chotte de Welles).

Ils sont tous deux intrigués, attirés, par le désordre et la confusion, et cela se reflète dans l'esthétique de leurs œuvres.

L'univers kafkaïen trouve donc un écho dans l'univers démesuré de Welles.

Les adjectifs kafkaïen et wellesien traduisent d'ailleurs tous deux une forme de démesure. Les thèmes du roman ont aussi pu le séduire : la solitude, l'errance, la quête.

Ces thèmes figurent dans le Don Quichotte, à la mise en scène duquel Welles travaille depuis quelques années au moment où il s'attelle à l'adaptation du Procès.

D'autre part, K. ressemble àux héros wellesiens : solitaire, piégé, victime d'une sorte de complot (comme Kane piégé par Gettys dans Citizen Kane).

De surcroît, la théâtralité du texte a assurément séduit un homme dont la carrière théâtrale a considérablement marqué la carrière cinématographique. 1.

« Premier entretien» in Orson Welles, Les Cahiers du cinéma, 1986, p.

36. 2.

O.

Welles et P.

Bogdanovich, Moi, Orsan Welles, Belfond, 1993, pp.

302-303. 'p R O B L É M A T I Q UES ES S ENT I EL L ES 61 Surtout, Welles et Kafka ont en commun une fascination pour le rêve, une croyance en la réalité du monde du rêve.

L'onirisme de Kafka est fait d'éléments réalistes mêlés à des éléments oniriques, de manière à créer un univers à la frontière du réel et de l'irréel (➔ PROBLÉMATIQUE 8, p.

110).

C'est par cet aspect du roman que Welles se déclare vraiment intéressé : « La magie du rêve, c'est cela que je cherchais, c'est ce que je voulais reproduire.

[...] Nous créons des mondes entiers dans nos rêves, plein de gens que nous n'avons jamais vus, d'endroits où nous ne sommes jamais allés, cela semble faire écho à des mondes mystérieux et à des souvenirs que nous n'avons jamais vécus.

Et pourtant, ils sont là, bien réels dans le contexte de l'expérience du sommeil. » Welles ne cherche pas à reproduire un rêve, mais à donner « l'impression » d'un rêve.

Il obtient ainsi dans son film une forme d'irréalisme, par exemple en déformant certains aspects des lieux (la pension, la banque...) : jeux de lumière, angles de prise de vue, emploi du grand angulaire (qui accentue les perspectives) soulignent le réel en le déformant. 1La réception du film Le film de Welles est très attendu en 1963, car le réalisateur n'a rien produit depuis La Soif du mal, cinq ans auparavant.

À sa sortie, les gens comparent le film et le texte, ils remettent en question la fidélité au roman : « Dans l'ensemble, on condamne Welles au nom de Kafka, on se félicite que Welles n'ait pas été fidèle à Kafka, ou bien on ignore Kafka en cherchant des références dans le reste de l'œuvre wellesienne, le tout dans un extraordinaire climat d'insécurité 1. » Les uns le trouvent déroutant par rapport à l'imaginai- re kafkaïen, les autres par rapport à celui de Welles. Welles constate que le film est mieux compris par les gens simples, qui ne recherchent pas de clés de lecture.

Puisqu'il s'agit de la transposition des impressions d'un rêve, et plus précisément 1.

G.

Gauthier,• Welles et Kafka sur la corde raide• in Europe, n"511-512, p.

186. 62 PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES \ l 1 d'un cauchemar, le but de Welles est que les gens ne recherchent pas d'explications, simplement qu'ils ressentent le malaise propre au cauchemar.

Selon lui, le tort du public est de rechercher.... »

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