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Paris, Créteil, Versailles (A, B, C, D, E, S) (L'auteur voyage en Italie avec sa femme et un couple d'amis)....

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« Paris, Créteil, Versailles (A, B, C, D, E, S) (L'auteur voyage en Italie avec sa femme et un couple d'amis). Nous avons assisté surla place Saint-Marcà un concert donnéparla Musique municipale de Venise.

C'était la cacophonie la plus décidée du monde.

Les musiciens sont arrivés les uns après les autres, en boutonnant leur tunique. Quand un petit monsieur qui étaitlechefajugé qu'il avait tous ses éléments, il a, sans autre forme de procès, levé sa baguette et les instruments se sont mis à pousser des cris.

Il était impossible de mettre un nom sur ce bruit.

La place était noire de monde et j'ai pensé qu'il allait y avoir une révolution.

Pas du tout: lesgens ont continué leur promenade comme si tout était pour le mieux. A la terrasse du Florian(l) où nous étions assis, en compagnie d'une très nombreuse assemblée,j'étais près d'un pilier qui dissimulait un dilettante (2). Il était dans le ravissement.

Je n'ai jamais vu visage plus heureux.

Les manifestations de son bonheur atteignaient même une sorte d'impudeur obscène.

J'en suis venu à me demander sije n'étais pas fou moi-même, et il a fallu pour me rassurer que j'aille regarder sur le programme le nom du morceau qu'onjouait.

C'en était un fort célèbre, queje connais naturellement et que même je fredonne.

Les beuglements faux des trombones et l'horrible piaillerie sans mesure de tout Je reste n'éraient donc pas Je fait d'un chef­ d'œuvre moderne qui aurait eu ses fervents.

II m'a fallu assez de temps avant de comprendre que toute l'assistance était en représentation et qu'onjouait/a volupté.

Je suis persuadé que mon dilettante aime Mozart.

Dans les entractes, il balançait sa chaise de façon àplacerson visage dansl'ombre.

C'étaitpourse reposer defeindre.

Quand il se remettait en lumière, il ne dominait pas tout de suite une bouche très sensible.

Ici, ce n'est pas «pour le tsar et pour la patrie»(3) qu'il y a des héros: c'est pour la galerie. Jean GIONO, Voyage en Italie (1953). (1) Florian: célèbre café vénitien. (2) •dilettante» : au sc:ns qu'il avait au XVIII• siècle, amateur passionné de musique italienne. (3) ..

pour le tsar et pour la patrie» : autrefois, formule traditionnelle utilisée en Russie lorsqu'on portait un toast. Vous ferez de ce texte un commentaire composé.

En vous appuyant sur une analyse précise des moyens de la narration, vous pourrez notamment étudier le regard amusé que porte le voyageur sur le spectacle qui s'offre à lui. TRAVAIL PRÉPARATOIRE Utilisez les données fournies par : a) Le titre de l'œuvre: Voyage en Italie, avec tout ce qu'implique ce genre de récit: qu'est-œ qui peut pousser un écrivain renommé à écrire un tel texte? Pour y consigner quoi? Sur quel ton? En vue de satisfaire un destinataire? En adoptant quel style? En écrivant• à chaud•, presque sur l'instant, avec une spontanéité certaine.•• ou feinte? Avec un goOt probable pour le •trait» frappant, pittoresque,• digne d'être retenu• ; pour la rapidité de l'anecdote; avec un désir, sinon de témoigner, du moins d'effieurer une sociologie «aimable•· L'idée de «vacances• n'est peut-être pas à négliger: elle expliquerait que le texte possède un ton enjoué, que le narrateur jouit de son séjour à Venise (la Place Saint-Marc et ce qu'elle offre aux yeux ; le café Florian, endroit• distin­ gué• de cette place: on y va pour voir, et aussi pour être vu); tout cela est DÉLIBÉRÉMENT superficiel (sans que cet adjectif ait quoi que ce soit de péjoratif; ici, il signifierait simplement que le regard effieure les choses et les êtres, ne tire pas de« leçons• de ce qu'il voit, mais s'amuse OENTIMENT d'un petit fait de civilisation). Il va de soi que rien, dans le texte, ne tendrait vers une quelconque xéno­ phobie, ni ne voudrait prouver quoique ce soit, et surtout pas une supériorité « française • opposée à des « ridicules • italiens. b) Le fait qu'on est en 1953, dans une ville traditionnellement très marquée par le XVIII• siècle : carnaval, musique, commedia dell'arte, tableaux de Guardi*, de Canaletto•, petits tableaux ou esquisses de Longhi*, tradition que l'on retrouve dans le regard de Giono, dans sa narration (difficile de ne pas penser aux prosateurs français de la même ép'oque, au thème fréquent du « regard étranger», à l'utilisation de l'ironie).

Cela a de fortes chances de se retrouver dans le style et dans le thème: finalement, rien n'a bougé depuis le XVIII• siècle et le dilettante pourrait très bien être un personnage de Goldoni* (dans une pièce intitulée LE CAFÉ, par exemple l ..• cette pièce existe d'ailleurs bel et bien). c) Les deux expressions en romain transcrivent, en somme, « en direct » la pensée intérieure de Giono et ont valeur de révélation insistante : elles vous donnent la clef du texte ; une société se donne en spectacle, dans un lieu, )ni-même• théâtralisé•(la Place Saint-Marc), pendant un spectacle musical ; ce qu'il y a de plus violent et de plus incontrôlable en l'homme (la• volupté ») y est même affecté ; ce n'est pas nn cas isolé, mais le fait de« tonte l'assistance ». d) Le libellé • Le commentaire• composé• impliqne, comme à l'ordinaire, que vous ne fassiez pas de remarques décousues au fil du texte, que vous tiriez quelque chose de vos découvertes, que vous mettiez en valeur ce qui fait, à vos yeux, l'intérêt littéraire du texte et la façon dont les thèmes sont mis en valeur par l'écriture. sous les yeux, ainsi que la bizarrerie pittoresque de «mœurs • qui, pour être proches des nôtres, n'en sont pas moins étranges. 1.

Le voyageur Partant d'une phrase déclarative strictement informative, sans effet de style apparent, ayant tout l'aspect d'un reportage personnel, évoquant une expé­ rience anecdotique passée, comme le prouve le fait d'avoir«assisté•• à l'aide d'un point de vue interne marqué par «nous• - expérience située dans un lieu précis chargé d'esthétique historique et d'agrément («la Place Saint­ Marc• et «Venise•) - Giono présente l'événement justifiant le récit («un concert•).

Cet événement est théoriquement en accord avec le lieu en ques­ tion; cependant, dès le départ, cette première phrase présente déjà un élément de«discordance• : si la Place Saint-Marc est un lieu prestigieux, la« Musique municipale• connote quelque chose de bon marché, dépourvu de l'aura que pourrait avoir un orchestre de chambre ou une formation symphonique, impression confrrmée par l'allitération déjà légèrement cocasse en«Mu/mu• ; la dernière phrase du passage reprend d'ailleurs sinon les mêmes termes, du moins présente une sorte de dégradation des thèmes, semblable à une dépoéti­ sation: la Place Saint-Marc est devenue «ici•• la formule recherchée et néanmoins consacrée de« pour le tsar et pour la patrie•• hyperbole ironique désignant le prestige de l'héroïsme et le goflt du sacrifice épique, devenant «pour la galerie•• signifiant par là l'opinion des hommes etla satisfaction de l'apparence la plus immédiate ( « la galerie• fait partie du vocabulaire du jeu de paume et désigne l'emplacement réservé aux spectateurs puis, par exen­ sion, les spectateurs eux-mêmes). Tout cela prouve que le voyageur ne se contente pas d'être un simple specta­ teur du pays visité, mais qu'il se comporte ·comme un analyste moraliste, sans que cette attitude ait quoi que ce soit de méprisant. Tenant d'un goût esthétique sûr, mais finalement courant (le morceaujoué est «fort célèbre•), n'appréciant pas la musique contemporaine mais, tolérant, reconnaissant qu'elle peut avoir des.... »

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