Pensez-vous, comme Antonin Artaud, que le théâtre, comme la peste, pousse "les hommes à se voir tels qu'ils sont", qu'il...
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Pensez-vous, comme Antonin Artaud, que le théâtre, comme la peste,
pousse "les hommes à se voir tels qu'ils sont", qu'il " fait tomber le masque [...]
et découvre le mensonge, la veulerie, la tartuferie"?
Analyse du sujet et problématisation
Ce sujet comporte plusieurs expressions au sens obscur, qu’il s’agit de définir.
Dans cette citation Antonin Artaud compare le théâtre à la peste, c’est-à-dire à une
maladie violente souvent synonyme de mort.
Il évoque dans cette citation la fonction
cathartique du théâtre dans la continuité de l'interprétation médicale et mystique de la
catharsis grecque, en particulier par le biais de la comparaison entre le théâtre et la
peste.
Le théâtre, comme la maladie, met l’homme à nu, a l’effet, sur lui, d’une
purification.
Le théâtre agit, selon Artaud, comme le révélateur de l’essence de l’homme (« se voir
tels qu’ils sont »), en faisant tomber les apparences (« fait tomber le masque »).
Mais
selon Artaud cette essence qu’il révèle est profondément négative, elle est faite de
« mensonge, veulerie [et] tartuferie ».
Le terme de « mensonge » dénonce la fausseté naturelle de l’homme , la « veulerie »
désigne son attitude faible, manquant de volonté et de courage, et la « tartuferie » son
hypocrisie essentielle.
L’essence de l’homme, ce qui apparaît sous le masque des
apparences est donc faite de fausseté, de faiblesse et d’hypocrisie.
Le théâtre révèle
cette nature profondément négative selon Artaud.
Problématique : Le théâtre a-t-il une fonction essentiellement cathartique
permettant à l’homme de faire tomber le masque des apparences et de découvrir sa
nature profondément mauvaise ?
Le sujet invite à prendre position sur la fonction cathartique du théâtre comme révélateur
pour l’homme de l’obscurité de son être.
Ce sujet met en finalement en jeu les fonctions et les fins du théâtre.
I)
La catharsis : une des fonctions essentielles et traditionnelle du
théâtre
Le terme de catharsis signifie purification : elle permet à l’homme, en se purifiant
des apparences trompeuses de se voir tel qu’il est, de voir toutes les passions qui le
constituent, et par la mise à distance théâtrale, de les évacuer.
La catharsis est une mise
à jour du réfoulé du spectateur.
Cette fonction du théâtre apparaît comme traditionnelle
et a beaucoup évolué au fil des siècles.
Il s’agit de montrer ici que la définition d’Artaud
n’est pas la seule et qu’il existe des définitions peut-être plus positives de la catharsis.
- Ce concept de catharsis est à l’origine du théâtre : il apparaît chez Aristote dans
La Poétique.
La catharsis est l’une des fonction de la tragédie.
Par ce terme, il semble
avoir voulu caractériser un processus beaucoup plus médical que moral ou pédagogique,
plus proche de la purgation que de la purification.
Pour Aristote l'effet du théâtre semble
s’approcher de celui provoqué par les “mélodies qui provoquent l'enthousiasme” ( “la
possession par la divinité”).La tragédie, “purgeait” homéopathiquement le spectateur par
une succession de possession et dépossession, état favorisé par une dramaturgie
“hypnotique”.
L’aspect médical de la catharsis chez Aristote est à relier avec la
comparaison que fait Artaud du théâtre à la peste.
- Le propos d’Aristote a été déformé chez les classiques sui lui donnent une valeur
non plus ontologique et existentielle mais morale.
Pour la plupart des classiques du
XVIIème siècle, la catharsis est une purification d’ordre moral : la tragédie purifie les
mœurs.
(cf.
Racine et Corneille pour qui la catharsis doit « modérer, rectifier et même
déraciner en nous la passion » amoureuse afin de la rendre conforme à la raison.
- Artaud voit aussi la catharsis comme la fonction principale du théâtre mais il en
propose encore une conception différente : Au premier abord le théâtre selon Artaud se
situe dans la continuité de l'interprétation médicale et mystique de la catharsis grecque,
en particulier par le biais de la comparaison entre le théâtre et la peste.
Comme la peste,
le théâtre est un “délire communicatif” ; comme elle, il “est fait pour vider collectivement
les abcès” ; comme elle, il est “une crise qui se dénoue par la mort ou la guérison” (cf.
« Le théâtre et la peste » dans Le théâtre et son double.) Mais la finalité de ce
fonctionnement thérapeutique du théâtre chez Artaud est inverse à celle d’Aristote : Le
spectateur “purgé” n’a pas à réintégrer ensuite la société, mais il doit s’en extraire, s'en
délivrer : il abandonne le monde pour trouver son salut au théâtre.
II)
Les moyens de la catharsis : une hétérogénéité révélatrice
- La tragédie pour réussir son effet cathartique doit faire ressentir au spectateur
terreur et pitié ( cf.
Aristote) : utilisation....
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