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Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, La Vie de Marianne, début du roman. [Nous sommes au début du roman.] Avant...

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« Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux, La Vie de Marianne, début du roman. [Nous sommes au début du roman.] Avant que de donner cette histoire au public, il faut lui apprendre comment je l'ai trouvée. Il y a six mois que j'achetai une maison de campagne à quelques lieues de Rennes, qui, depuis trente ans, a passé successivement entre les mains de cinq ou six personnes.

J'ai voulu faire changer quelque chose à la disposition du premier appartement, et dans une armoire pratiquée dans l'enfoncement d'un mur, on y a trouvé un manuscrit en plusieurs cahiers contenant l'histoire qu'on va lire, et le tout d'une écriture de femme.

On me l'apporta ; je le lus avec deux de mes amis qui étaient chez moi, et qui depuis ce jour-là n'ont cessé de me dire qu'il fallait le faire imprimer : je le veux bien, d'autant plus que cette histoire n'intéresse (1) personne.

Nous voyons par la date que nous avons trouvée à la fin du manuscrit, qu'il y a quarante ans qu'il est écrit ; nous avons changé le nom de deux personnes dont il y est parlé, et qui sont mortes.

Ce qui y est dit d'elles est pourtant très indifférent ; mais n'importe : il est toujours mieux de supprimer leurs noms. Voilà tout ce que j'avais à dire : ce petit préambule m'a paru nécessaire, et je l'ai fait du mieux que j'ai pu, car je ne suis point auteur, et jamais on n'imprimera de moi que cette vingtaine de lignes-ci. Passons maintenant à l'histoire.

C'est une femme qui raconte sa vie ; nous ne savons qui elle était.

C'est la Vie de Marianne ; c'est ainsi qu'elle se nomme elle-même au commencement de son histoire ; elle prend ensuite le titre de comtesse ; elle parle à une de ses amies dont le nom est en blanc, et puis c'est tout. Quand je (2) vous ai fait le récit de quelques accidents de ma vie, je ne m'attendais pas, ma chère amie, que vous me prieriez de vous la donner toute entière, et d'en faire un livre à imprimer.

Il est vrai que l'histoire en est particulière, mais je la gâterai, si je l'écris ; car où voulez-vous que je prenne un style ? II est vrai que dans le monde on m'a trouvé de l'esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n'est bon qu'à être dit, et qu'il ne vaudra rien à être lu. Nous autres jolies femmes, car j'ai été de ce nombre, personne n'a plus d'esprit que nous, quand nous en avons un peu : les hommes ne savent plus alors la valeur de ce que nous disons ; en nous écoutant parler, ils nous regardent, et ce que nous disons profite de ce qu'ils voient. J'ai vu une jolie femme dont la conversation passait pour un enchantement, personne au monde ne s'exprimait comme elle ; c'était la vivacité, c'était la finesse même qui parlait : les connaisseurs n'y pouvaient tenir de plaisir.

La petite vérole (3) lui vint, elle en resta extrêmement marquée : quand la pauvre femme reparut, ce n'était plus qu'une babillarde (4) incommode.

Voyez combien auparavant elle avait emprunté d'esprit de son visage ! Il se pourrait bien faire que le mien m'en eût prêté aussi dans le temps qu'on m'en trouvait beaucoup.

Je me souviens de mes yeux de ce temps-là, et je crois qu'ils avaient plus d'esprit que moi. Combien de fois me suis-je surprise à dire des choses qui auraient eu bien de la peine à passer toutes seules ! Sans le jeu d'une physionomie friponne qui les accompagnait, on ne m'aurait pas applaudie comme on faisait, et si une petite vérole était venue réduire cela à ce que cela valait, franchement, je pense que j'y aurais perdu beaucoup. 1.

n'intéresse : ne met enjeu aucune personne vivante. 2.

je : ici commence le récit de Marianne, 3.

la petite vérole : maladie qui couvre le visage de pustules.

* babillarde : bavarde, **** Marivaux est surtout connu pour ses pièces de théâtre.

Il a toutefois écrit deux romans : Le Paysan parvenu et La Vie de Marianne. NB : Marianne est une très jolie jeune femme, mais sans nom, sans famille, ce qui est au cœur du roman, dans une France qui est encore une monarchie… Incipit du roman. I- La découverte d’un manuscrit A- Un incipit original • Incipit qui se divise en 2 parties : du début jusqu’à « et puis c’est tout » et de « Quand je » à la fin de l’extrait. - Dans la 1e partie, le « Je », le narrateur se dit témoin, il a trouvé le manuscrit et ne fait que le restituer.

Écrit un petit « préambule » pour situer, présenter le texte. - Dans la 2e partie, il s’agit vraiment du roman, de la Vie de Marianne.

La narrateur est le personnage principal : Marianne. • Attention, il s’agit évidemment d’un effet de style.

C’est Marivaux qui a tout écrit. Marivaux est l’auteur qui se dissimule derrière les deux narrateurs de l’extrait.

Marianne est un personnage fictif et aucun manuscrit n’a été trouvé.

Ce roman a été imaginé et écrit par Marivaux. B- Présentation d’une œuvre « réaliste ». • Le stratagème inventé par l’auteur (les deux narrateurs + idée du manuscrit trouvé) permet d’ancrer le plus possible son roman dans la réalité. • Le narrateur 1 évoque des faits très précis, se justifie.

Ex : donne des dates.

Cf.

« Il y a six mois » ; « qu'il y a quarante ans » ; « depuis trente ans » ; « depuis ce jour là ».

Donne des lieux précis, réalistes « à quelques lieues de Rennes » ; « dans une armoire pratiquée dans l'enfoncement d'un.... »

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