Pierre Elliott Trudeau n'a pas quitté la scène sur la pointe des pieds. Son dernier geste d'éclat aura été de...
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Pierre Elliott Trudeau n'a pas quitté la scène sur la pointe des pieds.
Son dernier geste d'éclat aura été de
miner le retour momentanément triomphal, après une absence de neuf ans de l'arène politique, de son
ancien ministre des Finances John Turner, que la convention libérale du 16 juin 1984 avait choisi pour lui
succéder à la tête du parti et du gouvernement.
Trudeau a en effet sommé Turner d'effectuer, au
moment même du déclenchement précipité des élections législatives (annoncées le 9 juillet pour le 4
septembre), une impressionnante série de nominations politiques.
Turner a cédé ...
et l'opinion publique a
très mal réagi.
Il a encore aggravé son cas au cours de la campagne électorale: maladresses, faux pas et
vaines rétractations se sont succédé, au point que l'incroyable s'est produit.
Le chef du Parti
conservateur, Brian Mulroney, avait promis à son parti des gains importants dans sa propre province, le
Québec, qui votait libéral depuis presque cent ans.
Promesse tenue ...
avec intérêts.
Avant l'élection, le
Québec comptait un seul député conservateur.
Le soir du 4 septembre 1984, il en comptait 58 sur 75: les
libéraux fédéraux n'ont pas survécu au départ de Trudeau et à l'offensive de charme de Mulroney, et
même les nationalistes ont préféré ce dernier au Parti nationaliste, d'inspiration indépendantiste, qui n'a
jamais réussi à décoller.
De l'Atlantique au Pacifique, les Canadiens ont voté conservateur, envoyant au
Parlement 211 députés de cette formation, 40 libéraux et 31 NDP (Nouveau parti démocratique, socialdémocrate).
A l'automne 1984, trois défis majeurs attendaient le nouveau gouvernement: le déficit budgétaire, le
chômage et la question du Québec.
Le déficit, de 36 milliards de dollars canadiens (en mai 1985 le dollar
canadien équivalait aux trois quarts du dollars américain), était un des plus élevés d'Occident rapporté à
la production nationale (8,5% du PNB).
Le chômage était en baisse mais n'arrivait pas à se fixer audessous de 10%, malgré un taux de croissance très respectable (4,6%) du PNB en 1984.
Il faut dire que
le Canada avait été durement touché par la récession de 1981-1982 et que les profits des entreprises se
situaient encore en 1984 loin de leur niveau d'avant la récession.
Les investissements stagnaient, d'autant
plus que les entreprises manufacturières ne fonctionnaient toujours qu'à 77% de leur capacité au dernier
trimestre 1984.
Heureusement,il restait les exportations, essentiellement destinées au marché américain:
grâce à la forte croissance du voisin du Sud et à la hausse du dollar américain, elles ont progressé de
19%.
C'était un des deux seuls rayons de lumière dans un tableau plutôt gris, le second provenant de la
stabilité relative des prix.
Le Québec n'a pas signé l'entente constitutionnelle d'avril 1982, qui lui fut imposée, péripétie majeure de
l'affrontement constant entre le gouvernement libéral d'Ottawa et celui du Parti québécois, entre Pierre
Trudeau et René Lévesque.
La défaite libérale a fourni l'occasion de redéfinir la place du Québec au sein
de la fédération.
Renversement des tendances
Brian Mulroney a fait campagne sur l'assainissement des finances publiques, la relance économique, la fin
des confrontations avec les provinces (dont le Québec) et le rétablissement de bonnes relations avec
Washington.
Les deux derniers points étaient acquis six mois après l'entrée en fonction du gouvernement
conservateur.
Le virage dans le domaine des relations étrangères a été spectaculaire.
Le plan de paix de Trudeau a été
mis au rancart.
On a prévu un accroissement des dépenses militaires.
Les barrières aux investissements
étrangers (donc américains) ont été éliminées, sauf dans le secteur culturel.
Le Canada, allié
malcommode pour Reagan du temps de Trudeau, est-il en passe de devenir un inconditionnel de l'oncle
Sam? Le sommet Reagan-Mulroney des 17 et 18 mars 1985 à Québec a scellé les retrouvailles.
On y a
signé un accord de modernisation conjointe du système de radars dans le Grand Nord canadien (la ligne
DEW).
Le Canada participera au projet de station orbitale permanente que les Américains veulent mettre
en orbite en 1993.
Renversant la position de Trudeau, le gouvernement Mulroney avait déjà accueilli
favorablement l'Initiative de défense stratégique de Reagan (la "guerre des étoiles").
En échange de tout
cela, Mulroney n'a obtenu qu'une maigre contrepartie: la création d'un comité de haut niveau pour
étudier (encore une fois!) la question des pluies acides, que les États-Unis exportent au Canada, et de
vagues assurances concernant les pressions protectionnistes exercées aux États-Unis sur certains produits
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de base canadiens.
Le président américain a profité du sommet de Québec pour inviter le Canada à participer au programme
de recherche lié au projet de "guerre des étoiles".
Participera, participera pas? L'invitation a été lancée à
tous les membres de l'OTAN, et le Canada ne voudra sûrement pas être le seul allié à participer.
Dans ses relations avec les provinces, le gouvernement Mulroney s'est montré beaucoup plus souple et
conciliant que le gouvernement Trudeau.
Plusieurs dossiers ont été réglés à la satisfaction des provinces,
dont celui de l'exploitation pétrolière au large de Terre-Neuve, celui des contributions fédérales aux
budgets des municipalités québécoises et celui du développement régional au Québec.
Le dossier majeur
concerne la politique énergétique canadienne (qui ne porte en fait que sur le pétrole et le gaz naturel).
L'accord en vigueur depuis juin 1985 entre le gouvernement central et les provinces productrices de
l'Ouest a rétabli l'harmonie, mais Ottawa a jeté beaucoup de lest.
Le prix du pétrole est désormais
déterminé par le marché.
Plusieurs taxes ont été ou seront progressivement éliminées, privant le Trésor
fédéral de 500 millions de dollars en 1985, alors qu'il est désespérément à court d'argent.
De nouvelles
taxes sont prévues pour le consommateur, mais le gouvernement compte sur le surcroît d'activités de
prospection des compagnies pétrolières pour compenser en partie le manque à gagner.
Pari reaganien,
pari risqué, car le prix international du pétrole en 1985 est à la baisse.
La seule certitude est que les
profits pétroliers, américains en bonne partie, vont s'accroître.
Le nationalisme pétrolier est révolu: un
pan entier de l'héritage de Trudeau s'est effondré.
Le gouvernement a décidé de vendre....
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