PIERROT Ce n'est plus le rêveur lunaire du vieil air Qui riait aux aïeux dans les dessus de porte; Sa...
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PIERROT
Ce n'est plus le rêveur lunaire du vieil air
Qui riait aux aïeux dans les dessus de porte;
Sa gaîté, comme sa chandelle, hélas 1 est morte,
Et son spectre aujourd'hui nous hante, mince et clair.
Et voici que parmi l'effroi d'un long éclair
Sa pflle blouse a l'air, au vent froid qui l'emporte,
D'un linceul, et sa bouche est béante, de sorte
Qu 'il semble hurler sous les morsures du ver.
Avec le bruit d'un vol d'oiseaux de nuit qui passe,
Ses manches blanches font vaguement par l'espace
Des signes fous auxquels personne ne répond.
Sesyeux sont deuxgrands trous où rampe duphosphore
Et la farine rend plus effroyable encore
Sa face exangue au nez pointu de moribond.
VERLAINE, Jadis et Naguère (1885).
Vous proposerez de ce texte un commentaire composé.
Vous pourriez, par
exemple, étudier par quels procédés l'auteur rend sensible sa propre angoisse,
à travers la représentation d'un personnage traditionnel.
Mais ces indications ne sont pas contraignantes, et vous• avez toute latitude
pour organiser votre exercice à votre gré.
Vous vous abstiendrez seulement de
présenter un commentaire linéaire ou séparant artificiellement le fond de la
forme.
ANALYSE PRÉLIMINAIRE DU TEXTE
Il s'agit d'un sonnet en alexandrins.
Disposition générale,:
Syntaxe
l" quatrain
une phrase subdivisée
en deux « sous-phrases »
recouvrant chacune deux vers.
2'quatrain
une seule phrase recouvrant les quatre vers.
Jer tercet
une seule phrase
pour les trois vers.
2 tercet
°
une seule phrase, non ponctuée,
pour les trois vers.
j
j -� �1�
Rimes
a
b
b
a
i
i
(m)
(f)
(f}
(m)
b (f)
a (m)
C
C
d
e
e
d
( f)
(f)
.
(m)
(f)
(f)
(m)
On note la prédominance des rimes féminines.
La syntaxe et la division en
quatrains et tercets se recouvrent.
Cependant, à l'intérieur de chaque strophe,
on trouvera des hardiesses de construction syntaxique et sonore.
Reprenons le détail des traits formels (rythmes, sonorités):
Vers 1 : pas de coupe à la césure et allongement sonore de la neuvième syllabe
(lunaire) qui fait basculer vers la fin du vers ; remarquable jeu d'allitérations :
plus le rêveur lunaire Yieil air.
Vers 2 : enjambement, poursuivant l'impression de bascule; jeu sonore sur
iait/aïeux et sur dans les/de-ssus/de porte (coupe du vers : 6/2/2/2, avec effet
d'accélération).
Vers 3 : scansion originale (3/5/2/2), avec montée du versjusqu'à l'exclama
tion (hélas!), et chute sur est morte.
Vers 4 : relance de la phrase avec Et; même phénomène de prolongement
sonore et de bascule qu'au vers 1 (neuvième syllabe: hante), à mettre en
relation avec l'opposition sémantique (Ce n'est plus/aujourd'hui).
Vers 5 :effet dynamique de l'emploi de Et en début de phrase; coupe 3/3/6 et
allitérations(i/i/L/L/L) opposant les deux parties du vers; emploi archaï
que du mot parmi(avec un terme abstrait: l'effroi).
Vers 6: coupe 6/6 et sonorités« ailées• (L/L/L// ...
L.) savamment répar
ties dans le vers; rime effroi/vent froid.
Vers 7: rejet expressifD'nn lincenl; coupe très hardie du vers, avec un« e »
qu'il faut prononcer malgré la virgule qui le suit(...
est béante, de sorte),
impression d'instabilité; répétition du son b.
Vers 8 : enjambement syntaxique des vers 7 à 8; ralentissement du rythme
induit par la scansion continue (5/7), le rôle du« h » aspiré ; sonorités en U et
R dominantes(à opposer aux R du vers 1, associés à Ai, comme « rêver»
s'oppose à« �urler •).
Vers 9 : coupe 4/6/2, avec rime interne (bruit/nnit) et allongement de la
syllabe finale (passe).
Vers JO : relance continue du vers par le jeu des « e • à prononcer et des
'syllabes àsonorités« longues• (manches blanches/vaguement/par l'espace),
répétitives ; sorte d'harmonie imitative.
Ye,:ç 11 : rejet du complément (Des signes), syllabes plus brèves, accélération
du rythme, sorte de prosaïsme de la fin du vers.
_vers 12 : 6/6, une phrase, 7 monosyllabes «durs» avant la mise en relief
l'une métaphore....
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