Platon (~428--348 av. J.-C.) LE PHILOSOPHE ET LE POLITIQUE U ne grande confusion règne dans les affaires humaines, où les...
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Platon (~428--348 av.
J.-C.)
LE PHILOSOPHE ET LE POLITIQUE
U
ne grande confusion règne dans les affaires humaines, où les
actions n'ont pas l'éclatante clarté des idées.
Complexes par
la multiplicité de leurs aspects et de leurs causes, elles ne se laissent pas
facilement ramener à la simplicité d'un modèle de l'esprit.
Si le rôle dii
philosophe est précisément d'amener les choses les plus obscures à la
lumière de la pensée, alors la politique est aussi de son ressort : la phi
losophie de Platon tend tout entière vers la politique, sa philosophie
politique vers l'action.
Il y répugne naturellement, comme le décrit
l'allégorie de la Caverne (cf.
fiche 5).
Dans l'ordre actuel de la poli
tique, où la confusion règne, le philosophe prête à rire : vulnérable
pour faire le plus grand cas de la justice, il est à l'image de Socrate,
incapable de se défendre de la moindre accusation aux yeux des
hommes.
Le philosophe a de fait intérêt à se tenir éloigné des assem
blées, alors que c'est de lui seul que peut venir le salut politique.
1.
L'imperfection des régimes existants
A.
De la timocratie à l'oligarchie
■ Le régime timocratique• est celui des États guerriers : militarisés,
ils se pourvoient de chefs intrépides jouissant d'une grande considéra
tion.
Leur vie est communautaire, tout entière dédiée à la gymnastique
et à la guerre, délaissant l'activité intellectuelle.
Au régime timocratique correspond l'homme timocratique,
dominé par l'élément irascible de l'âme : courageux, colérique, ambi
tieux, il est encore vertueux, mais ce n'est pas l'intelligence qui gou
verne sa pensée et ses actions.
■ Le régime timarchique se soucie plus des apparences de vertu que
de la vertu elle-même.
L'important est de jouir d'une bonne réputation,
non de la mériter : en apparence dédaigneux des richesses que leur aus
térité et leur compétence militaire leur apportent, les citoyens de la cité
timocratique amassent en cachette leurs fortunes.
■ Le régime timocratique se dégrade en régime oligarchique• lorsque
quelques-uns s'emparent du pouvoir par la richesse.
La première
place, au sein du régime comme de l'homme oligarchique, revient à l'ar
gent, non à la vertu; et l'une vient toujours en raison inverse de l'autre.
11 Le régime oligarchique est aberrant et instable : d'une part, les
riches n'étant pas nécessairement les plus compétents pour gouverner,
l'État s'expose à toutes les erreurs; d'autre part, dans la mesure où il
enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres, il conduit à son
propre renversement par ces derniers.
■
B.
De la démocratie à la tyrannie
111 Lorsque la multitude des plus pauvres, renversant les riches,
s'empare du pouvoir, le régime fondé devient démocratique.
La
démocratie ne fait pas plus de cas de la compétence : chacun y est censé
fondé à donner son avis en matière de politique.
■ Le bon homme politique, en démocratie, ne fait pas reposer son
action sur la science, mais sur l'opinion vraie.
Semblable au devin,
qui dit toujours la vérité sans nécessairement la comprendre, il ne se dis
tingue pas fondamentalement de l'imposteur.
■ Les dirigeants sont ceux qui abusent le mieux la foule ignorante,
source du pouvoir.
De même que le cuisinier flatte les plaisirs du corps
au lieu que le médecin pourvoie à sa santé, de même le démagogue flatte
la foule au lieu de chercher à rendre meilleurs ses concitoyens.
Mauvais
guide des âmes, il use de rhétorique et de persuasion à l'endroit de
citoyens individualistes et jouisseurs, sans souci de la vérité des choses,
sans volonté d'un gouvernement juste et sage.
■ Parce que la rhétorique, « ouvrière de persuasion », règne en
maître sur la démocratie, la tyrannie y est en germe.
Comme seuls
comptent le plaisir et l'habileté qu'on montre à le satisfaire, l'important
n'est pas d'être heureux par la justice, mais d'être heureux dans l'indif
férence à la justice.
Chacun aspire à la tyrannie, comme l'état qui permet
de commettre impunément toutes les injustices.
111 La tyrannie aboutit lorsque, à la faveur du mépris général des lois
et de la plus grande licence, Je pouvoir est mis entre les mains d'un
seul homme pour qu'il rétablisse l'ordre.
La violence d'État s'ins
taure, en vue de l'élimination des rivaux du tyran.
Pour maintenir la
nécessité de son pouvoir, le tyran suscite guerre sur guerre, et supprime
toute opposition interne, dans la mesure où toute compétence politique
lui devient suspecte.
■ Le tyran est aussi licencieux que ses concitoyens, mais il a le pou
voir de satisfaire tous ses caprices.
S'attirant ainsi l'envie et la haine
des autres, il est de plus en plus menacé.
Ayant rendu les autres esclaves,
il est esclave de sa peur des autres.
Le tyran, que l'on tient pour le plus
heureux, est le plus malheureux des hommes.
2.
Le philosophe-roi
A.
L'excellence du dirigeant
11 La timocratie se dégrade en oligarchie, qui se dégrade en démo
cratie, qui se dégrade à son tour en tyrannie.
Un tyran, voire plu
sieurs, qui gouvernerait par compétence et par savoir changerait la
tyrannie en monarchie ou en aristocratie (gouvernement des meilleurs).
On parlerait alors de philosophe-roi, ou de roi-philosophe.....
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