Pologne (1983-1984): Une normalisation à petits pas La Pologne de 1984 ne ressemblait ni à la Tchécoslovaquie de 1972 ni...
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Pologne (1983-1984):
Une normalisation à petits pas
La Pologne de 1984 ne ressemblait ni à la Tchécoslovaquie de 1972 ni à la
Hongrie de 1960.
Certes, le syndicat Solidarité a connu de graves défaites
depuis le coup d'État du 13 décembre 1981, mais la résistance sociale n'a pas
été anéantie.
Elle restait présente dans tout le pays, populaire et tenace:
phénomène jamais vu dans une "démocratie populaire".
De son côté, le pouvoir a
repris l'initiative, mais il avait toujours grand mal à stabiliser son système
politique.
Il manquait d'alliés significatifs dans la société - même si
l'épiscopat lui a rendu à l'occasion quelques fiers services - et il était
empêtré dans une crise économique fantastique.
Il n'empêche.
Une telle situation ne pouvait se prolonger sans pourrir, ou sans
qu'une des parties tente de la surmonter.
Et c'est ce que tentait de faire,
depuis la visite du pape en juin 1983, l'équipe du général Jaruzelski.
La
direction clandestine de Solidarité n'a pas présenté, pour sa part, d'autres
perspectives que celle de durer.
Aussi, bien que le rapport de forces n'ait pas
encore été totalement renversé, a-t-on senti en 1983 et 1984 une offensive du
pouvoir rendant toujours plus difficile le combat des partisans du syndicat
indépendant.
La visite de Jean-Paul II
Les commentaires de l'époque ont présenté la visite du pape en juin 1983 comme
un révélateur des contradictions du régime.
Il est vrai que les foules
rassemblées par le souverain pontife ont affirmé haut et fort leur fidélité aux
idéaux de Solidarité.
Pourtant, quelques mois plus tard, le 31 août 1983, le
semi-échec des manifestations organisées par la clandestinité à l'occasion du
troisième anniversaire des accords de Gdansk, soulignait les limites de ses
capacités de mobilisation.
La société marquait incontestablement le pas.
Le régime, quant à lui, s'en tenant à la lettre des déclarations pontificales, y
a trouvé autant de témoignages de sa légitimation internationale.
Évidemment,
certaines allusions trop nettes aux droits de l'homme et à Solidarité n'ont pas
été appréciées.
Mais au bout du compte, en levant l'état de siège au mois de
juillet 1983, en déclarant une amnistie (certes limitée) et en dissolvant le
WRON (Conseil militaire de salut national), le général Jaruzelski était persuadé
que le temps travaillerait pour lui.
Dans ce contexte, le pape et son Église ont joué un rôle amortisseur, non sans
ambiguïté.
D'une part, il a épousé les aspirations de la société, les a
encouragées - mais il a toujours préféré qu'elles s'expriment sur le terrain de
la foi ; de l'autre, il a ménagé le régime en place, prêchant le calme et la
réconciliation nationale.
Il garantissait en quelque sorte le statu quo.
Et ce voyage de Jean-Paul II a, contrairement à celui de 1979, servi de point
d'appui pour une nouvelle offensive normalisatrice sur le terrain politique.
Celle-ci a combiné empiriquement une répression sélective des militants de
l'opposition et une série de réformes structurelles qui, sous couvert
d'impératifs économiques, visaient à décourager la base sociale de Solidarité et
voulaient faire croire à la réalisation d'un nouveau consensus autour du
pouvoir.
Aux dires du porte-parole du gouvernement, trois cents dix personnes étaient
encore détenues pour des motifs politiques, le 13 mars 1984.
Ces données
officielles correspondaient à celles de l'Église et de la clandestinité.
Elles
incluaient les principaux fondateurs du KOR et sept dirigeants nationaux de
Solidarité, toujours pas jugés à cette date (le procès des quatre fondateurs du
KOR a été finalement ajourné ; l'amnistie du 22 juillet devait entraîner la
libération de la majorité des prisonniers).
Les trois échéances politiques qui devaient avoir valeur de test en 1984 sont
les suivantes: la "consultation sociale" sur la hausse des prix, les élections
municipales de juin 1984 et la réforme du système de rémunération des salariés.
Zbignew Bujak, leader de la direction clandestine de Solidarité, accordait
lui-même une grande importance aux deux premières échéances.
Il déclarait en
décembre 1983: "L'efficacité de l'action du syndicat ne sera véritablement
perceptible qu'après le combat contre les augmentations et après les élections.
Le pouvoir doit savoir dès maintenant que [ces deux échéances] seront
accompagnées d'une certaine forme de protestation.
On sait que les
manifestations sont l'arme principale de la société dans les régimes
totalitaires, nous le voyons en ce moment au Chili."
Une résistance diffuse mais affaiblie
Or que s'est-il passé? Les prix des principales denrées alimentaires ont
augmenté....
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