Pologne (1984-1985): Paradoxes La Pologne de 1984 et de 1985 est restée placée sous le double signe de la confusion...
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Pologne (1984-1985):
Paradoxes
La Pologne de 1984 et de 1985 est restée placée sous le double signe de la
confusion et du paradoxe.
Le pouvoir a reconnu qu'il n'avait pas pu se doter
d'une base sociale significative et n'est parvenu que fort difficilement à
mettre en oeuvre sa politique normalisatrice.
Plus de trois ans après le coup de
force du 13 décembre 1981, une opposition politique structurée, tirant sa force
de l'existence d'un large mouvement de résistance sociale, a persisté dans son
refus de tenir le régime pour légitime.
Chacun a donc campé sur ses positions,
même si nul ne paraissait en mesure d'élaborer un scénario alternatif.
Mais
cette situation bloquée n'a pas été sans entraîner une certaine érosion des
comportements, sur laquelle le pouvoir a tablé.
La lassitude lui est de fait une
alliée sûre qui, favorisant le repli sur soi, atomise la société et contribue à
briser les résistances collectives.
En juillet 1984, dans un discours à la Diète, à la veille de la fête nationale
et de la proclamation de l'amnistie générale, le général Jaruzelski a déclaré
qu'il visait "à ce qui est, dans nos conditions, possible et réaliste: au
regroupement, autour du programme de l'entente nationale, des citoyens pour qui
le bien de la patrie socialiste est le bien suprême".
En fait, cet objectif,
pour modeste qu'il fût, n'en semblait pas moins fort difficile à atteindre, à en
juger par le peu de succès qu'ont rencontré les nouveaux syndicats.
Créés pour
faire pièce à Solidarité, ils n'ont réussi qu'à grand-peine à regrouper quelque
quatre millions d'adhérents, dont un tiers de retraités, sur un total de douze
millions de travailleurs employés dans le secteur nationalisé.
De plus, ces
nouveaux syndicats se sont trouvés dans une position très ambiguë: devant en
principe servir d'auxiliaire au pouvoir, ils "creuseraient leur propre tombe",
selon la formule de Lech Walesa, s'ils ne s'alignaient pas sur les
revendications formulées par les structures clandestines de Solidarité.
En
janvier 1984, ils avaient déjà contesté la hausse des prix souhaitée par le
gouvernement.
Ils ont récidivé en février 1985, jugeant "inacceptables toutes
les options proposées, qui ne seraient que des solutions à court terme et ne
pourraient ni juguler l'inflation ni rationaliser l'économie".
Une telle prise
de position a permis au pouvoir de faire machine arrière en feignant de se
prêter au dialogue.
Elle a également contribué à donner quelque semblant de
crédibilité à ces nouveaux syndicats qui en avaient bien besoin.
Malgré une habileté certaine dans l'art d'alterner souplesse et répression,
l'équipe du général Jaruzelski n'a guère réussi à ramener la Pologne sur la voie
de l'orthodoxie soviétique.
Plusieurs dizaines de milliers de manifestants le
1er mai 1984, 75% seulement de participation aux élections locales du 17 juin
(60% selon la Commission provisoire de coordination de l'ex-syndicat Solidarité)
mais un demi-million de personnes aux obsèques du père Popieluszko, le 3
novembre: autant de chiffres qui attestent la persistance d'une opposition
sociale sans équivalent dans le bloc soviétique.
Dotée d'un leader dont le
prestige a encore été renforcé par le prix Nobel, s'appuyant sur une presse
clandestine de plus de huit cents titres, cette résistance savait qu'elle devait
pourtant s'installer dans le long terme.
Car le pouvoir avait pour lui en 1985 les réalités géopolitiques et la
difficulté croissante de la vie quotidienne.
Il a pu présenter la libération des
quelque six cents prisonniers politiques que comptait le pays en juillet 1984
comme un témoignage de la stabilisation de la situation.
Il a tenté patiemment
d'améliorer l'image de marque internationale du régime et a bénéficié de la
lassitude engendrée par la nette détérioration du niveau de vie de la
population.
Selon les estimations officielles, plus de six millions de Polonais étaient en
effet, en 1985, au-dessous du seuil de subsistance, fixé à 1 200 zlotys par
mois.
Près de la moitié des 4,2 millions de retraités percevaient des
prestations inférieures à 7 000 zlotys par mois, le salaire mensuel moyen étant
de 12 000 zlotys.
On comprend aisément, dans ces conditions, que nombre de
familles étaient en proie à de réelles difficultés financières.
L'Office
national de la statistique (GUS) a d'ailleurs admis que toutes les couches de la
population ont souffert d'une réduction nette du pouvoir d'achat, se traduisant
par une évolution en baisse de la consommation.
Les statistiques officielles
montrent également que les fournitures de produits alimentaires....
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