Pologne (1987-1988): "Perestroïka" à la polonaise La Pologne à la fin des années quatre-vingt traverse une crise de civilisation profonde...
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Pologne (1987-1988):
"Perestroïka" à la polonaise
La Pologne à la fin des années quatre-vingt traverse une crise de civilisation
profonde qui affecte tous les niveaux de la vie sociale.
Le premier mouvement de
grève dure depuis l'état de guerre de 1982, déclenché à Nowa Huta et suivi par
Gdansk (fin avril-début mai 1988) a rappelé que cette crise est difficilement
maîtrisable avec un endettement passé à 36,4 milliards de dollars,
essentiellement dû à l'accumulation des intérêts.
Ses symptômes immédiats sont
la pénurie du logement (vingt ans d'attente en moyenne avant l'obtention d'un
appartement), le manque de perspectives de la jeunesse, qui en incite une grande
partie à l'émigration, et enfin la catastrophe écologique et sanitaire, dont on
prend enfin conscience et qui frappe des régions entières, comme la Silésie.
Les
structures sociales totalitaires ou autoritaires héritées de l'après-guerre se
décomposent lentement sans qu'une nouvelle dynamique voie vraiment le jour, à la
différence de la perestroïka soviétique.
Le pouvoir, en dépit de réelles pulsions réformatrices, face à une société
ethniquement homogène mais politiquement instable, n'a pas eu l'audace de se
confronter nettement à son propre appareil.
La "deuxième étape de la réforme
économique", qui a reçu le soutien des experts du Fonds monétaire international,
(FMI) et dont l'entrée en vigueur a été annoncée avec fracas à l'automne 1987,
est loin d'avoir bouleversé les règles du jeu: le problème crucial de
l'autonomie réelle des acteurs économiques (entreprises, organes d'auto-gestion,
syndicats...) reste entier.
L'échec du référendum
La "deuxième étape" a été accompagnée de mesures qui relèvent plus du
spectaculaire que d'une véritable réforme: remaniement ministériel (avec
notamment la nomination de Zdzislaw Sadowski, économiste libéral indépendant,
comme Vice-Premier ministre), réorganisation des administrations centrales et
surtout référendum (novembre 1987), le deuxième dans l'histoire du régime après
celui qui avait marqué sa fondation en 1946.
Ce qui devait être une opération
plébiscitaire classique s'est en fait presque transformé en sondage grandeur
nature, pour des raisons qui tiennent à l'évidence aux contradictions propres à
la couche sociale dirigeante.
Le pouvoir, s'il a pu se targuer de 66% de
réponses positives aux deux questions posées (portant sur l'ampleur des
sacrifices consentis pour la réussite de la réforme économique et sur la
démocratisation du système politique), n'a pas obtenu la majorité absolue par
rapport au nombre des inscrits exigée par la loi référendaire pour que le
résultat soit contraignant.
Le taux de participation (67%) a en effet été
exceptionnellement faible, sans même qu'il y ait eu de claire consigne de
boycottage de la part de Solidarité.
Le pouvoir, bien que surpris par un échec
qui tenait autant à la peur conservatrice de certaines couches sociales
(notamment dans les campagnes et dans certains secteurs de l'appareil) qu'à
l'attitude prudemment expectative ou incrédule de l'opposition, a préféré jouer
la carte de la "détotalisation" des rapports sociaux en se donnant une plus
grande liberté de manoeuvre pour ce qui est des rythmes de l'introduction de la
réforme.
La hausse des prix intervenue le 1er février 1988, échelonnée de 40 à 200%,
destinée à rééquilibrer la structure des prix et le "marché" dans son ensemble
par une ponction sur les revenus, et compensée par une augmentation générale des
salaires (6 000 zlotys pour tous, soit +25% en moyenne), a donc été moins
importante que prévu ; elle n'en a pas moins lancé une spirale inflationniste renforcée par la pression des grands bastions ouvriers - qui a approfondi les
différenciations sociales au détriment de l'intelligentsia et des retraités en
particulier dont le pouvoir d'achat a fortement baissé en raison de l'inflation
galopante.
Non maîtrisée, celle-ci pourrait dépasser les 100% par an et
engendrer de nouvelles mesures "autoritaires" sur le terrain économique, sans
que l'essence de la réforme soit remise en cause.
La politique de libéralisation et de démocratisation, sensible surtout dans le
domaine de la culture et dans certaines institutions, n'a pas non plus été
exempte de contradictions, fondamentalement liées à la peur de voir se combiner
à nouveau, de façon incontrôlée, revendications économiques et auto-organisation
sociale.
La glasnost polonaise, si elle est moins spectaculaire qu'en URSS, à
cause du précédent de 1980-1981 et du mimétisme à retardement dont elle semble
témoigner, n'en est pas moins réelle.
La censure a vu son champ d'application
réduit, une revue intellectuelle d'opposition, laïque, a été légalisée (Res
Publica), les radios occidentales ne sont plus brouillées, des associations
économiques d'inspiration néolibérale ont été autorisées et ont même leurs
thèses publiées dans la presse du Parti.
La Pologne semble saisie d'une frénésie
judiciaire qui a entraîné la condamnation de la milice pour son comportement
face à un opposant, celle d'un géant de l'industrie automobile et même du
gouvernement, à la suite des procès intentés....
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