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Pour oublier ou compenser les astreintes de son métier, le travailleur se livre parfois avec frénésie à des jeux qui...

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« Pour oublier ou compenser les astreintes de son métier, le travailleur se livre parfois avec frénésie à des jeux qui ajoutent à ses fatigues profession­ nelles.

Au lieu d'alterner repos physique et réflexion intellectuelle, il s'adonne à des divertissements qui trop souvent lui dictent des cadences et des obsessions, assez semblables aux temps et aux mouvements de son métier. A tout le moins, divertissement devrait faire diversion. Par ailleurs, les encombreniP.nts des rues et des routes communiquent aux automobilistes des tensions nerveuses qui perpétuent celles de leur travail.

Capable d'inonder le monde de gadgets sans utilité, notre société se devrait« faire un jeu)> de multiplier des formes de loisirs et de culture qui seraient dignes d'elle. Le propre de l'homme, c'est de comprendre la création, de créer et de se créer soi-même.

D'où le rôle primordial de l'éducation esthétique la plus négligée de toutes les disciplines - qui devrait enseigner à chacun la signi­ fication de l'œuvre d'art et la joie de comprendre les créateurs de tous les temps. Le temps approche où la durée des activités discrétionnaires 1 dépassera celle des obligations professionnelles.

Quand le salarié substitue des plaisirs dégradants à des travaux dégradants, qu'il s'évade de ses obliga1.

Discrétionnaires : laissés au libre choix de chacun. 69 tians pour se jeter à corps perdu dans la vitesse, le bruit, les distractions grossières, il dépose trop volontiers son bilan d'homme.

Quelle faillite, cette perte du temps laborieusement gagné par des siècles d'efforts, de recherches, de sacrifices! Au lieu de se recréer, nos contempd'rains s'acharnent à tuer un temps qui le leur rend bien.

Ils ne sauraient mieux utiliser chaque minute qu'à façonner leurs personnalités : dans un monde en accélération permanente, ne restent-ils point élèves en permanence? L'éducation des loisirs prolonge et complète celle du travail : sans quoi, c'est l'art qui s'expurge de la vie. Le travail ne doit pas demeurer l'unique centre de gravité de la civilisa­ tion.

Mieux que par son labeur, le citoyen peut se rattacher à la société par des liens culturels.

Avant même de réduire les horaires de travail, nos diri­ geants éclairés devraient utiliser les sortilèges de la publicité pour diffuser les valeurs culturelles et drainer de larges audiences aux spectacles de qua­ lité. Il échoit à l'ère post-industrielle d'ajouter aux apports d'une civilisation quantitative les bienfaits d'une civilisation qualitative dont les objectifs fon­ damentaux sont le perfectionnement intellectuel, le sens de la beauté, la vie intérieure.

Un type d'homme nouveau illustrerait cet humanisme scien­ tifique gràce auquel il se situerait dans son temps.

Chacun serait à même de suivre les évolutions de la technologie et de partager les plaisirs de l'esprit. Egarée par les séductions de besoins superficiels, la société ne cherche même pas à découvrir un style de vie qui réponde aux aspirations profon­ des de l'individu.

Toute affaire cessante, elle devrait pourtant organiser cette double formation technologique et culturelle sans laquelle ne se développeraient guère les personnalités de chacun.

Comment goûter aux joies des arts et des lettres sans instruction ni formation esthétique? Autant s'adonner au bridge ou aux échecs avant de s'initier aux règles élé­ mentaires du jeu. Une civilisation de consommation dont les masses négligeraient les valeurs culturelles ne se distinguerait guère d'une barbarie de consomma­ tion.

Trop souvent, il est vrai, la fatigue physique ou psychique d'un travail machinal conduit à des divertissements infantiles, dégradants, sinon lugu­ bres, comme l'ivrognerie ou l'érotomanie2 • Des loisirs sains invitent l'homme à partager les découvertes et les aven­ ture:.

d'une création sans cesse renouvelée.

En toute liberté.

Mais chaque homme choisit ses distractions en fonction de l'éducation, de l'instruction, de la culture qu'il a reçues : à cette fin encore, il est programmé.

A l'Etat revient donc le devoir de former les citoyens pour les adapter non seule­ ment à leurs tâches, mais à leurs loisirs. « Dadas» et «hobbies» - photographie, horticulture, tourisme, brico­ lage, pêche - deviennent occupations de premier plan dans une société où besognes et corvées incombent progressivement aux machines.

Cha­ que année davantage les hommes pratiqueront les arts, la philosophie, la 2.

Erotomanie : obsession caractérisée par des préoccupations d'ordre sexuel. politique; les seules occupations dont les citoyens de la République d'Athènes se jugeassent dignes.

Des citoyens à joies entières. Chacun apprend ainsi à mieux jouir de sa liberté.

Non d'une liberté préfa­ briquée, distribuée, consommée en série, mais d'une liberté qui cadre avec sa propre personnalité et qui la libère. L'homme a les loisirs qu'il mérite, comme il a le travail qu'il mérite.

Ce travail peut devenir le plus extraordinaire des jeux, pour qui sait et peut en dominer le conventionnel, la routine, les travers. A l'époque où les navettes tissent «toutes seules», pourraient et devraient disparaître les derniers avatars 3 de l'esclavage salarial.

Chaque société n'aurait-elle point pour idéal de s'humaniser? Elle y parviendra, par la force des choses, sinon par la volonté des hommes. Georges Elgozy, Les damnés de l'opulence (1970). Vous ferez à votre choix, soit un résumé de ce texte, soit une analyse. Vous indiquerez nettement en tête de l'exercice le mot résumé ou le mot analyse. Vous choisirez ensuite dans le texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé(e).

Vous·l'exposerez, en précisant le point de vue de l'auteur, et vous présenterez votre avis personnel sous la forme d'une argumentation ordonnée, menant à une conclusion précise. Corrigé REMARQUE On a choisi l'analyse pour ce texte assez long, fragmenté en de nombreux paragraphes, et qui ne craint pas de se répéter.

L'idée principale est à met­ tre en relief : une éducation des loisirs est nécessaire. ANALYSE Dans ce passage, Georges Elgozy constate que la civilisation de consom­ mation n'est pas parvenue à se donner des formes de loisirs dignes d'elle. On sait que l'importance du travail s'efface devant celle du temps libre.

Or, tantôt les loisirs adoptent le rythme fiévreux de la vie professionnelle, et ils sont une évasion illusoire, tantôt ils rabaissent l'homme, en lui fournissant une évasion de bas niveau.

Celui-ci devrait pourtant consacrer ses moments de liberté à forger sa personnalité, et pour cela, l'éducation de son sens artistique est fondamentale.

L'État ne doit donc pas se soucier seulement du travail, mais aussi de la vulgarisation de la culture : c'est le devoir de notre temps de joindre au perfectionnement technique une plus grande qualité humaine, au lieu de se laisser abuser par de prétendus besoins. N'est-il pas alors capital de développer une éducation culturelle? Car il ne manque pas de « bons » loisirs, mais on ne peut les choisir que si l'on a reçu une formation adéquate, et c'est à l'Etat de dispenser celle-ci, pour que 3.

Avatars : transformations. chacun sache faire coïncider Je bon usage de sa liberté et sa propre person­ nalité.

Ainsi se développera la civilisation que l'on pressent, celle où les hommes seront libérés de l'asservissement de leurs tâches, où leur valeur les conduira à bien user d'un travail, même ennuyeux, et à choisir de.... »

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