Pourquoi craindre la mort ? COUP DE POUCE ■ Analyse du sujet ■ Pièges à éviter - Question apparemment classique,...
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Pourquoi craindre la mort ?
COUP DE POUCE
■
Analyse du sujet
■
Pièges à éviter
- Question apparemment classique, mais qui n'est pas si facile à traiter:
il s'agit bien de la crainte de la mort en elle-même, et il s'agit d'en déceler
les causes.
- On peut toutefois distinguer au passage la crainte de la mort de la
crainte de ce qui peut la précéder (la souffrance éventuelle) ou lui succé
der.
- La crainte de la mort implique-t-elle un attachement à la vie? On
peut essayer d'en préciser la nature.
- Ne pas s'égarer dans l'énumération de toutes les «solutions» per
mettant d'échapper à cette crainte : cela ne traiterait pas directement la
question.
- Ne pas restreindre le traitement de la question à l'attitude classique
ment religieuse.
- Éviter un point de vue strictement moral ou moralisateur: il ne s'agit
pas de se demander pourquoi il faudrait (ou non) craindre la mort.
CORRIGÉ
[Introduction]
Rares sans doute sont les individus qui peuvent se flatter, en toute hon
nêteté, de ne pas craindre la mort.
Bien entendu, il ne s'agit pas ici des
enfants - qui peuvent encore ignorer son caractère obligatoire -, mais
d'esprits arrivés à leur maturité.
Si certains cas de suicides paraissent indi
quer qu'à tout prendre, la mort serait préférable à la vie, l'analyse des sen-
timents des suicidés n'est jamais sûre - et l'on peut se demander si, chez
eux, la haine de la vie et de ses souffrances ne finirait pas par l'emporter
sur une crainte de la mort qui serait en fait universelle.
Mais pourquoi
l'homme craint-il la mort? Est-ce pour ce qu'elle«signifie» ou« repré
sente» en elle-même, ou est-ce parce qu'il est assez spontanément attaché
à la vie?
[I.
Une crainte peu « raisonnable »]
S'interroger sur ce qui peut susciter la crainte de la mort, c'est d'abord
constater presque obligatoirement qu'elle semble peu raisonnable, ou
même peu rationnellement fondée.
Comment craindre en effet ce que
nous ne pouvons connaître? Faire ici allusion à la manière dont l'homme,
en général, semble se méfier de ce qui lui est inconnu ne semble guère
satisfaisant.
Car si ce recul devant l'inconnu peut justifier des réactions
dans le domaine de la curiosité ou de la connaissance, encore faut-il, pour
être efficace, qu'il s'accompagne d'une sorte d'espoir de connaissance.
Or
la mort est précisément l'inconnaissable : elle défie toute approche
conceptuelle aussi bien que toute expérience.
Lorsqu'on se contente de la définir comme l'interruption ou la cessa
tion de la vie, cela ressemble un peu à une lapalissade...
mais peut-on en
dire autre chose? Heidegger remarque que, pour notre conscience quoti
dienne, il est incontestable que I'«on» meurt, mais précisément, ce
«on» nous protège : l'anonymat qu'il implique est suffisamment général
et flou pour que l'individu ne s'y sente guère concerné.
Ainsi, évoquer la
mort, c'est ne jamais la penser authentiquement comme devant m'advenir
personnellement.
Et ce d'autant moins qu'évidemment, je n'en ai qu'une
«connaissance» indirecte : je peux avoir vu quelqu'un mourir, ou, plus
fréquemment, un cadavre.
Mais la mort m'est alors présentée comme un
fait qui me reste extérieur, et je ne peux prétendre pour si peu la connaître,
puisqu'elle sera, lorsqu'elle surviendra pour moi, un fait concernant le
plus profond de mon intimité.
L'écart entre la mort d'un autre comme
«spectacle» et ma propre mort s'installe ainsi définitivement comme une
non-coïncidence entre ce que je peux en saisir et ce qu'elle sera en elle
même.
Kierkegaard protestait vigoureusement contre la prétention de
transformer l'existence en concept; il n'est pas impensable que le
contraire de l'existence soit tout aussi impossible à conceptualiser.
Si donc ce n'est pas vraiment le moment de la mort qui est redouté,
force est de reconnaître que nous craignons, soit ses circonstances (la
maladie, les souffrances, le déclin physique ou mental qui peuvent la pré
céder), soit ses«conséquences», c'est-à-dire ce qui peut la suivre.
Dans
le second cas, encore faut-il admettre qu'un aspect de l'existence se maini:::nl
tient au-delà de la mort physique : c'est bien entendu l'âme, que l'on
affirmerait comme immortelle.
[Il.
La saveur de la vie]
Quelles que puissent être les difficultés que nous rencontrons dans l'exis
tence, notre quotidien nous réserve toujours quelques plaisirs, plus ou
moins profonds ou durables.
Sans doute peut-il se passer des journées
entières sans que l'on ressente la moindre satisfaction, mais cela ne suffit
pas pour que nous en venions à concevoir que notre vie devrait être désor
mais privée de tout plaisir.
En ce sens, il est vrai que«l'espoir fait vivre»:
nous espérons, en cas de difficultés, que le lendemain sera plus souriant, et
cela participe à la saveur générale que nous trouvons malgré tout au fait
d'exister.
Savoir que le lendemain peut voir resurgir une difficulté déjà
éprouvée ne suffit pas pour ôter l'envie de rouvrir les yeux après une nuit de
sommeil : vivre, c'est, au moins tacitement, espérer le retour, sinon de
grandes exaltations, du moins de satisfactions qui, même si elles sont
modestes, suffiront à nous attacher à l'existence.
Ainsi cette dernière nous
offrirait-elle toujours de quoi lui deme�ir en quelque sorte fidèle.
Dans un tel contexte, penser à l'éventualité de sa mort, c'est nécessaire
ment se concevoir comme précisément privé, et de manière définitive, de
tout ce qui donne au quotidien sa saveur.
D'où une souffrance morale sinon le sentiment d'une perte irrémédiable, d'un manque forcément cruel
et difficile à supporter: ainsi je n'aurai plus la jouissance de mes plaisirs,
si futiles puissent-ils paraître à un autre, je serai privé radicalement de la
présence de l'être aimé, je ne pourrai plus profiter du soleil, d'une prome
nade, je serai incapable d'achever ce projet que je tarde à entreprendre !
Le monde sera toujours là, mais ce sera sans moi: je serai donc privé du
monde!
Contre une telle crainte, il n'est de réplique que métaphysique.
Soit en
niant radicalement, selon le modèle....
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