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PREMIÈRE PARTIE 1, Il, Ill 1. - Le narrateur va nous entretenir de ses visions oni­ riques. Il relatera ainsi,...

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« PREMIÈRE PARTIE 1, Il, Ill 1.

- Le narrateur va nous entretenir de ses visions oni­ riques.

Il relatera ainsi, par écrit, « une longue maladie», même s'il ne la vécut pas comme telle. Tout commença quand le narrateur eut conscience d'avoir perdu sa bien-aimée.

li ne succomba pas à la tentation du sui­cide.

« Coupable d'une faute» irréparable à l'égard de cette femme, il tenta de se plonger dans les plaisirs; il voyagea pour tromper ses sentiments.

Il se reprochait le platonisme de cet amour exclusif; il accusa ses lectures.

Ses dissipations ne lui donnèrent qu'un apaisement passager et fébrile.

En Italie, il rencontra une femme célèbre et quelque peu coquette; il s'éprit d'elle et lui écrivit; il croyait avoir oublié son grand amour; mais il ressentit vite son nouvel enthousiasme et son geste comme sacrilèges.

À« ce nouvel amour», il avoua, éploré, qu'il s'était leurré.

Elle ne lui en tint pas rigueur. Il.

- Bien au contraire, elle lui fit rencontrer sa bien-aimée. Et il eut le sentiment d'être pardonné. Il dut se rendre à Paris pour affaires, où il vécut dans l'impatience fiévreuse de revoir ces deux femmes.

Un soir, dans la rue, il fut en proie à une hallucination, et la nuit, chez lui, il fit un rêve angoissé dans lequel se débattait une grande créature étrange; signes prémonitoires de sa propre mort le lendemain, croyait-il.

Il passa le jour suivant en conversations ésotériques avec ses amis. Le soir, il refusa de se faire raccompagner par Paul ***, et se dirigea vers l'Est, se guidant sur l'astre de son destin. Il finit par s'arrêter en pleine rue.

Paul tentait vainement de l'entraîner.

Cet ami devenait, aux yeux du narrateur, « un apôtre» gigantesque.

Le réel lui semblait transfiguré. Il vivait ce moment comme une lutte biblique; et arguait d'une révélation antérieure qui le justifiait de vouloir rejoindre sa bien-aimée dans les cieux. Ill.

- Le narrateur se retrouva seul et marcha vers son étoile, chantant un air qui lui rappelait une vie antérieure; il se déshabilla en pleine rue.

Éprouvant un « regret de la terre», il résistait à l'attraction de son astre.

Arrêté par des soldats, il se sentit animé d'un désir - comique selon lui de protection vis-à-vis d'eux.

Le narrateur poursuit sa relation, conscient de sa mission d'écrivain.

Au poste, il fut sujet à des visions d'apothéose.

Regrettant « d'avoir voulu reprendre pied» sur le réel, il observait le spectacle d'une divinité changeante et tout à la fois immuable.

Croyant que « les soldats s'entretenaient» de son double - signe fatal selon lui - et que ce dernier s'en allait avec deux de ses amis, il tomba dans un délire furieux.

On l'enferma.

Un peu plus tard, ces amis vinrent le chercher.

Le soir, il redou­ tait toujours l'heure fatale.

Aussi procèda-t-il à une sorte de rituel avec une bague qu'il appliqua près de son cou.

Le délire s'empara de lui pendant plusieurs jours.

li fut interné. Prélude G•i\"l\"lfüH@I• Prière d'indulgence (captatio benevolentiae) Les séductions de la mort? Le texte s'ouvre sur un constat affiché: « Le rêve est une seconde vie.

Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible.

» Cette allusion à l'Odyssée et à la descente aux Enfers du héros de l'Énèide fait de l'expérience subcons­ ciente une incursion lucide dans un univers dangereux.

Il s'agit d'une renaissance par-delà une expérience de mort: « les pre­ miers' instants du sommeil sont l'image de la mort; [...

] le �i, sous une autre forme, continue l'œuvre de l'existence.

» Et il poursuit, nous décrivant en fait une entrée (à rebours) d'Orphée dans le royaume des morts qui n'est pas sans rappeler le mythe platonicien de la Caverne: « C'est un souterrain vague qui s'éclaire peu à peu [ ...

] - le monde des Esprits s'ouvre pour nous.

Swedenborg appelait ces visions Memorabilia [ déjà cités à la fin de la préface des Filles du feu] ; il les devait à la rêverie plus souvent qu'au sommeil[ ...

].» Cette initiation au rêve s'est faite en trois temps: l'engourdissement, un état transitoire, une illumination.

Il faut convaincre le lecteur de s'aventurer dans ces contrées bigarrées. Le double point de vue critique (implicite / explicite) du scripteur.

Le narrateur, par le passage du «je» au« nous», implique le locuteur dans sa relation, et la propose en exemple grâce à la caution d'autorités de l'art visionnaire: Apulée et son Âne d'or (œuvre que Nerval cite souvent, ne serait-ce qu'au premier chapitre de Sylvie), Dante et saDivine Comédie« sont les modèles poétiques de ces études de l'âme humaine.

Je vais essayer, à leur exemple, de transcrire les impressions d'une longue maladie qui s'est passée tout entière dans les mystères de mon esprit; - et je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant».

Ainsi, graduellement, dans la description de cette mégalomanie, ont été associés rêve, rêverie et folie. Les catégories de la conscience abusée.

Nous avons ici une forte analyse de l'abandon complaisant aux illusions de l'erreur (instructive ?) ; mouvement qui devient une catégorie de la conscience imaginante (se sentir).

L'impression (sembler), le mystère (croire) ...

définissent (avec les tournures rnodalisantes) une adhésion fallacieuse et chimérique, mais fascinante, aux fantasmes.

Quel malheur que d'avoir à se priver de tous ces plaisirs trompeurs! D'avoir à les penser au lieu de s'y abandonner aveuglément! En effet, on ne peut confondre totalement les illusions du pour-soi et le principe de réalité du pour-autrui.

À tout le moins une confrontation est nécessaire. Le narrateur de Sylvie l'avait déjà éprouvé. « Cette Vita nuova [encore une œuvre de Dante] a eu pour moi deux phases.» Le narrateur, en scripteur, annonce les deux parties de son ouvrage: « Voici les notes qui se rapportent à la première.

» Ainsi, à l'inverse de Sylvie qui se terminait par le postlogue d'un narrateur devenu scripteur, Aurélia s'ouvre sur le prologue stratégique, sous forme de résumé sommaire, d'un scripteur lucide et cultivé ; procédé traditionnel s'il en est, mais il est vrai qu'il faut prendre des précautions car l'enjeu est d'importance et l'entreprise risquée.

À vouloir parler de la folie, Nerval joue son crédit d'écrivain. « Une darne que j'avais aimée longtemps et que j'appellerai du nom d'Aurélia, était perdue pour moi.» (L'épreuve conservée porte encore « Aurélie ».) Ce pourrait être la problématique récente, mais voilée, de Sylvie.

On s'en souvient, deux femmes - la seconde étant Aurélie - l'une après l'autre, accusent le nar­ rateur de s'êtrejoué d'elles, obsédé qu'il est par une troisième. La confession nervalienne reste allusive ; tout homme doit s'y retrouver; elle oscillera entre la litote et l'hyperbole. Une comession autobiographique voilée On retrowe ici, aprèsSylvie, la visée œcuménique du scrip­ teur nervalien: « Peu importent les circonstances de cet événe­ ment qui devait avoir une si grande influence sur ma vie.

Cha­ cun peut chercher dans ses souvenirs l'émotion la plus navrante [ ...

]: -je dirai plus tard pourquoi je n'ai pas choisi la mort.» Annonce donc d'une justification du refus du suicide! Il s'agit non pas de revenir sur des détails biographiques passés, mais de scruter comment l'avenir se détennine en tout un chacun. La dialectique de la faute et du pardon.

Le motif de la cul­ pabilité est fondamental dans l'œuvre de Nerval: « Condamné par celle que j'aimais, coupable d'une faute dont je n'espérais plus le pardon, il ne me restait qu'à me jeter dans les enivre­ ments vulgaires [ ...

J.» Il partira ainsi pour l'Italie.

C'est le recours, associé à la fuite à l'étranger, au divertissement pascalien; il par­ ticipe à un «joyeux carnaval», cérémonie traditionnelle du ren­ versement simulé de toutes les valeurs.

Le narrateur court donc le monde.

Notons le mobile du voyage: « [ ...

] il me sem­ blait que je déplaçais ainsi les conditions du bien ou du mal; les termes, pour ainsi dire, de ce qui est sentiment pour nous autres Français.» L'expérience de l'altérité fut une manière de s'analyser d'un autre point de vue.

Il y avait un usage de la faculté de ressentir à redéfinir, un examen à faire de sa propre expé­ rience, comme ce fut le cas de manière réflexive et lucide à l'avant-dernier chapitre de Sylvie - dans lequel il commentait ainsi son départ sans délai pour l'Allemagne: « Qu'allais-je y faire? Essayer de remettre de l'ordre dans mes sentiments.» On retrouve d'ailleurs les conclusions les plus profondes de Sylvie: « - Quelle folie, me disais-je, d'aimer ainsi d'un amour platonique une femme qui ne vous aime plus.

Ceci est la faute de mes lectures; j'ai pris au sérieux les inventions des poètes, etje me suis fait une Laure ou une Béatrix d'une personne ordi­ naire de notre siècle...» Nous avons là un résumé critique pos­ sible de Sylvie par le narrateur en homo estheticus qui a confondu Adrienne et Aurélie (ou Sylvie, cf.

chap.

II, XI ou XIII) et qui dénonce tout aussi bien les vertiges artificiels de « l'homme matériel» (cf.

Sylvie, chap.

r): « Passons à d'autres intrigues, et celle-là sera vite oubliée.» La situation amoureuse triangulaire et trompeuse.

« Un jour, arriva dans la ville une femme d'une grande renommée [ ...

], et qui [ ...

] m'entraîna dans le cercle de ses admirateurs.

Après une soirée [ ...

], je me sentis épris d'elle à ce point que je ne vou­ lus pas tarder un instant à lui écrire.» Nous reconnaissons, en lecteurs averti de Sylvie, cette personnalité fascinée par une femme adulée, objet de tous les regards, (cf.

chap.

r, XI et XIII) ; nous avons l'habitude de ce mouvement factice qui le porte à écrire ou à répéter avec «enthousiasme» ce qu'il a dit à une autre.

Il affirme être animé par la volonté de liquider un passé stérile et qui lui pèse: «j'étais si heureux de sentir mon cœur capable d'un amour nouveau!...» Mais il connaitra le remords d'avoir profané ses souvenirs; ce dont il se défendait dans Syl­ vie (cf.

chap.

v et vr).

Prenons garde à l'ironie discrète et mor­ dante du narrateur: «le soir rendit à mon nouvel amour tout le prestige de la veille.» La nuit (et ses dérives) regorge de vertus pour de telles têtes! Mais voilà un refuge bien précaire ... L'amour de compensation: une trahison.

On pourrait presque retrouver, dans une micro-lecture des deux derniers paragraphes de cette première division, une expérience des vingt-quatre heures de la vie d'un éternel amoureux en proie à une double passion, peu éloignée de celle racontée dans Syl­ vie, et les invariants d'un certain personnage nervalien que nous avons tenté de typifier.

Comme avec Sylvie (cf.

chap.

XI), comme avec Aurélie l'actrice (cf.

chap.

XIII), il est capable de forcer son sentiment au pojnt de ne plus pouvoir, dit-il, «ensuite retrouver dans nos entretiens le diapason.... »

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