Première rencontre Mme de Rênal, femme du maire de Verrières, redoute la venue d'un précepteur engagé par son mari et...
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Première rencontre
Mme de Rênal, femme du maire de Verrières, redoute la venue d'un précepteur engagé par son mari et dont elle craint la sévérité pour ses enfants.
Le jeune Julien Sorel, encore bouleversé par des brutalités de son père, se présente,
très intimidé.
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Avec la vivacité et la grâce qui lui étaient naturelles quand elle
était loin des regard des hommes, Mme de Rénal sortait par la portefenêtre du salon qui donnait sur le jardin, quand elle aperçut près de
la porte d'entrée la figure d'un jeune paysan presque encore enfant,
extrêmement pâle et qui venait de pleurer.
Il était en chemise bien
blanche, et avait sous le bras une veste fort propre de ratine violette.
Le teint de ce petit paysan était si blanc, ses yeux si doux, que l'esprit
un peu romanesque de Mme de Rénal eut d'abord l'idée que ce pouvait
être une jeune fille déguisée, qui venait demander quelq_ue grâce à M.
le
maire.
Elle eut pitié de cette pauvre créature, arrêtée à la porte d'entrée, et
qui évidemment n'osait pas lever la main jusqu'à la sonnette.
Mme de
Rénal s'approcha, distraite un instant de l'amer chagrin que lui donnait
l'arrivée du précepteur.
Julien, tourné vers la porte, ne la voyait pas
s'avancer.
Il tressaillit quand une voi:x douce dit tout près de son oreille :
- Que voulez-vous ici, mon enfant?
Julien se tourna vivement, et, frappé du regard si rempli de grâce
de Mme de Rénal, il oublia une partie de sa timidité.
Bientôt, étonné de
sa beauté, il oublia tout, même ce qu'il venait faire.
Mme de Rénal
avait répété sa question.
- Je viens pour être précepteur, Madame, lui dit-il enfin, tout honteux de ses larmes qu'il essuyait de son mieux.
Mme de Rénal resta interdite, ils étaient fort près l'un de l'autre à
se regarder.
Julien n'avait jamais vu un être aussi bien vêtu et surtout
une femme avec un teint si éblouissant, lui parler d'un air doux.
Mme
de Rénal regardait les grosses larmes qui s'étaient arrêtées sur les joues
si pâles d'abord et maintenant si roses de ce jeune paysan.
Bientôt elle
se mit à rire, avec toute la gaieté folle d'une jeune fille, elle se moquait
d'elle-même et ne pouvait se figurer tout son bonheur.
Le Rouge et le Noir.
Chap.
VI, (début)
------QUESTIONS-----1 - Stendhal s'en est-il tenu, dans ce récit, à un point de vue particulier? Justifiez votre réponse.
Stendhal ne s'en est pas tenu dans ce récit à un seul point de vue.
Il a au contraire successivement emprunté celui de Mme de Rênal et
celui de Julien.
Dans la première moitié du texte, il adopte le point de
vue de l'héroïne jusqu'à ''.Julien ne la voyait pas s'avancer".
Dans le dernier paragraphe les points de vue alternent assez rapidement comme en
témoignent ces expressions : ''.Julien n'avait jamais vu ..." et "Mme de
Rênal regardait.
..
" Ainsi est produit un effet de champ/contrechamp.
2- Observez le lexique de l'émotion dans le texte.
Sur le chapitre de l'émotion on peut d'abord relever ce qui a trait
au rire et au chagrin : "qui venait de pleurer", "amer chagrin" "ses larmes
qu'il essuyait", "les grosses larmes", "elle se mit à rire", "gaieté folle".
C'est ici un effet de contraste qui joue.
Pour le reste, les émotions sont
liées à la douceur (trois occurrences de l'adjectif "doux"), à la beauté
("grâce", "beauté", ,"éblouissant") et surtout à la surprise proche parfois
de la commotion ("étonné", "frappé", "interdite").
La puissance de l'émotion est soulignée par de nombreux intensifs : "si blanc...
si doux...
si
rempli de grâce", "aussi bien vêtu", "un teint si éblouissant", "les joues
si pâles et maintenant si roses".
- - - - COMMENTAIRE COMPOSÉ - - - Introduction
Mme de Rênal et Julien Sorel, héros du roman Le
Rouge et le Noirpublié par Stendhal en 1830, ne se sont
pas encore rencontrés.
La page qui ouvre ce chapitre VI
les met donc en présence, tandis que l'une est alarmée
- Présentation
du texte
-Annonce du
plan
I - Une habile
par l'engagement d'un précepteur susceptible de brutaliser ses enfants, et que ,l'autre, rongé de timidité et
pleurant encore sans doute la perte de son livre favori,
s'apprête à affronter les Rênal dont il doit instruire les
enfants.
Pour rendre compte du charme particulier de
cette célèbre "première rencontre", nous nous intéresserons d'abord à l'habileté avec laquelle Stendhal a
conçu cette scène primordiale.
Nous montrerons ensuite que l'auteur l'a saturée d'émotion.
En ce qui concerne la mise en scène élaborée par
mise en scène Stendhal, on notera d'abord que la rencontre a lieu
- dans un décor à peine esquissé : "la porte-fenêtre du
salon qui donnait sur le jardin" et "la porte d'entrée"
sont les seuls éléments qui nous sont fournis, le jardin
1 - Décors et
et les portes pouvant peut-être revêtir une signification
et dialogues symbolique ; quant au dialogue, il est, de la même
façon, réduit à sa plus simple expression : "Que voulezvous ici, mon enfant?" et ':Je viens pour être précepteur, madame ...
" sont en effet les seules paroles échangées.
Autant dire que le récit qui nous est fait déborde
largement la durée réelle de l'histoire et cela tient au fait
que tout se passe à l'intérieur des personnages dont le
narrateur omniscient emprunte successivement les
points de vue.
2 - Le jeu des
C'est ainsi que nous sommes placés d'abord dans la
points de vue conscience de Mme de Rênal, comme l'attestent les
expressions "elle eut pitié", "elle eut d'abord l'idée", ou
a) les pensées
"qui évidemment n'osait pas"...
Nous investissons ensuite celle de Julien dont nous apprenons qu'il est "tout
honteux", qu' "il oublia une partie de sa timidité"...
,"et
même ce qu'il venait faire".
b) les regards
Naturellement, du fait que nous sommes....
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