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Présentation de L'Avare FAMILLE ET ARGENT DANS LA VIE DE MOLIÈRE Une éducation de jeune bourgeois (1622-1642) Molière est issu...

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« Présentation de L'Avare FAMILLE ET ARGENT DANS LA VIE DE MOLIÈRE Une éducation de jeune bourgeois (1622-1642) Molière est issu de cette bourgeoisie quïl représente si souvent dans ses comédies.

Il fréquente les collèges. L'Iiiustre Théâtre ("1643-"1645) Molière rompt avec sa famille qui s'oppose à son amour pour le théâtre et pour une belle comédienne (Madeleine Béjart) : on peut rapprocher cette situation de celle de Cléante en froid avec son père et prêt à fuir avec sa belle-aimée. - Molière fonde avec M.

Béjart une troupe.

l'illustre Théâtre. - 1644 : Molière fait l'expérience des difficultés d'argent : pour essayer de sauver sa troupe.

il a vraisemblablement recours à des usuriers redoutables. - 1645 : Il est emprisonné quelques jours pour dettes. Douze ans de tournées en province, puis l'installation à Paris Molière apprend son métier.

Il compose des farces (perdues) ou de simples canevas sur lesquels improvisaient les acteurs (L'Avare présente des aspects de farce). - 1655: Une comédie de Boisrobert La Belle Plaideuse; on y voit la rencontre entre un père usurier et un fils prodigue ( cf. L'Avare, IL 2) et quelques autres passages dont Molière se souviendra peut-être. - Molière représente sa première pièce connue, L'Étourdi : il y met en scène deux vieux avares, Trufaldin et Anselme. - 1658 : Au moment où il s'installe à Paris, Molière peut lire la première traduction française du théâtre de l'auteur latin Plaute, et en particulier de L'Aulularia (sous le titre L'Avaricieux) ; il s'en inspire pour L'Avare. - 1662 : Molière se marie avec Armande Béjart, la fille (ou sœur ?) de Madeleine, de vingt ans plus jeune que lui.

Il écrit L'École des Femmes : un homme mûr a fait élever dans l'ignorance une fillette pour en faire plus tard son épouse docile et naïve; mais ses projets sont déjoués et un jeune homme la lui ravit (dans L'Avare aussi.

les mariages entre personnes d'âge trop différent échouent). - 1664 : Tartuffe : le goût de l'argent prend le masque hypocrite de la piété. - 1665: Tout Paris se moque de l'extraordinaire avarice d'un très riche officier de justice.

Tardieu, et de sa femme.

finalement assassinés par des voleurs. - 1666: Le Médecin malgré lui: on voit dans cette farce, un vieux père avare qui préfère donner sa fille en mariage à un homme riche plutôt qu'au jeune homme qu'elle aime. Années difficiles (1665-1668) Molière tombe très malade d'une fluxion de poitrine (comme Harpagon, IL 5); il vit séparé de sa femme, achève seulement de payer des dettes vieilles de vingt ans; sa pièce Tartuffe est interdite... - Septembre 1668 : Molière crée D\vare à la fin de cette période pénible. Dernières années {'l 6&9-'1673) - 1671 : Les Fourberies de Scapin : dans cette farce.

nous retrouvons des pères avares.

des amours contrariées.

un valet rusé et des reconnaissances qui arrangent tout. - 1673 : Molière meurt après la troisième représentation du Malade Imaginaire. «L'AVARE»: CONTEXTE HISTORIQUE ET SOCIAL Harpagon n'est pas un personnage abstrait: il vit dans son époque et pour mieux comprendre la pièce.

il faut au spectateur actuel des éclaircissements sur la vie en 1668. L'Histoire Des repères précis sont donnés à la scène 5 de l'acte V: il y eut bien une révolte à Naples le 7 juillet 1647.

mais Molière en a déplacé la date à 16521 • La situation d'exilés d'Anselme et de ses enfants n'est donc pas invraisemblable.

d'autant plus que « les Français avaient gardé l'impression que Naples était un pays à révolutions2 ». La cascade de reconnaissances de l'acte V trouve donc en partie son origine dans !'Histoire.

En France après la Fronde. en Italie après les révolutions napolitaines.

beaucoup de familles nobles séparées se sont retrouvées. Enfin.

les allusions aux faux nobles (IV.

1 : la BasseBretonne qui contrefait « une dame de qualité» ; V.

5 : 1.

Le naufrage d'Anselme a eu lieu «seize ans» avant les événements représentés dans L'Avare (1668). 2.

Molière.

Œuvres complètes.

coll.

« Bibliothèque de la Pléiade».

par G.

Couton.

T.11.

p.

1 397.

éd.

Gallimard. Anselme accuse Valère d'imposture) rappellent l'existence des usurpateurs de titres qui voulaient bénéficier de l'exemption d'impôts. Les liens familiaux Harpagon, le plus vieux des -pères créés par Molière.

a soixante ans « bien comptés».

âge extrêmement avancé pour l'époque: on mourait bien plus jeune que de nos jours et un Harpagon actuel avoisinerait les quatre-vingts ans.

Ce vieillard exerce encore ses droits paternels.

alors tout-puissants et sans limites dans le temps : les enfants.

même après leur majorité (25 ans).

restaient à l'entière merci de leur père.

Celui-ci disposait de moyens de pression exorbitants : il pouvait faire enfermer sa fille dans un couvent (V, 4 : « Quatre bonnes murailles me répondront de ta conduite»).

faire emprisonner son fils, déshériter ses enfants et les maudire (IV.

5).

Êtant donné l'importance de la cellule familiale au xvue siècle.

tout enfant qui s·en séparait-par la fugue.

par exemple-se mettait hors-la-loi.

Aussi Cléante ne pouvait-il sous peine de se déclasser - tant était forte la pression sociale des préjugés - ni travailler, ni quitter son père pour vivre indépendant. Pour les mariages.

seuls les parents décidaient.

le plus souvent en fonction de leur propre intérêt; d'où de fortes oppositions entre parents et enfants qui, eux, désiraient suivre leur « inclination ». La femme ne se définissait qu'en tant que fille.

épouse.

puis mère: privée de l'appui d'un homme.

elle n'avait pratiquement pas d'existence sociale; aussi Mariane et sa mère traînentelles une vie difficile. Le train de maison Chez un bourgeois comme Harpagon, on comptait au moins dix domestiques «spécialisés» (intendant.

écuyer, soubrettes ...

).

On mesure alors l'avarice d'Harpagon qui n'a que la moitié de l'effectif minimum - cinq domestiques - et chez qui Maître Jacques remplit deux rôles bien différents.

De même Êlise n'est pas, comme elle le devrait.

chaperonnée par une suivante, mais par la servante qui s'occupe aussi du ménage.

Dame Claude.

Le maître « de qualité» battait couramment ses gens (1.

3; Ill.

1) ;voilà pourquoi Maître Jacques accepte les coups de bâton d'Harpagon.

mais pas ceux de Valère. Comme le maître de maison fournissait les habits.

Harpagon n·a pas changé le pourpoint taché et le haut-de-chausses troué de ses laquais ; quant à la «souquenille».

grande veste qui protégeait la livrée.

on la qu\tte rarement chez Harpagon. nouveau signe d'avarice extrême (Ill.

1).

D'autres références aux costumes éclairent le caractère des personnages.

Depuis Louis XIII.

la mode a changé: le pourpoint s'est raccourci et orné de dentelles ; la chemise bouffante surchargée de rubans a fait son apparition (li.

5) ; les aiguillettes disparaissent (1.

4) ; la perruque est de règle (li.

5).

Cléante ne fait donc que suivre cette mode tyrannique.

cependant qu'Harpagon.

lui.

avec ses aiguillettes apparentes (li.

5).

sa «fraise à J'antique» et ses lunettes - signe de décrépitude - retarde de 50 ans au moins. Pour le mobilier, on remarquera que.

dans l'inventaire d'Harpagon (IL 1).

figurent une « table...

à piliers tournés». c·est-à-dire style Louis XIII.

et des escabelles.

petits sièges de bois alors tout à fait démodés.

Les mousquets qui sont mentionnés étaient déjà eux aussi dépassés. Parmi les très nombreux plats servis au souper (à sept heures).

on appréciait les choux.

mais beaucoup moins les marrons.

beaucoup les volailles.

moins le mouton ; la différence entre le menu de Maître Jacques et celui d'Harpagon est claire: le premier propose un menu d'apparat avec des mets recherchés pour l'époque.

l'avare compose un repas familial des plus communs.

Oranges et citrons étaient des fruits de luxe.

ainsi que les « confitures» ( = fruits confits et pâtes de fruits).

Ces produits se servaient dans les goûters raffinés de la bonne société: aussi Cléante les choisit-il pour Mariane; quel effet doit produire cette liste sur l'avare! (De nos jours.

un Harpagon hésiterait à offrir caviar.

foie gras et homard ...

) L'argent Le spectateur de notre époque a du mal à évaluer l'importance des sommes dont il est question dans L'Avare; le tableau suivant.

par ses équivalences.

permet de mieux la mesurer: 17 Scènes Montant en livres (1668) en or en francs 1992 Cassette 1.4 30 000 livres (10 000 écus) + de 18 kg1 Perruques et rubans de Cléante (évalués par Harpagon) 1.4 (20 pistoles) 220 livres 0,133 kg Emprunt deCléante 11.1 15000 livres: 12 000 en liquide 3 000 en hardes + de 9 kg 630000 Dot •en creux· de Mariane; elle comprend : Nourriture/an Habits/an Jeu 11.5 120001ivres 7.4 kg 518000 3000 livres 4000 livres 5000 livres 1,85 kg 2.46 kg 3 kg 129 500 172200 210000 1260000 9310 Que penser de ces chiffres ? Dans la moyenne bourgeoisie. le budget familial - largement calculé - atteignait.

pour 12 personnes, 12 000 livres par an.

On voit alors que la dot « en creux» de Mariane.

qui s'élève à 12 000 livres par an. couvre ces dépenses (bien sûr, Frosine exagère!), que la cassette contient deux fois et demie ce budget annuel ( et qu'elle est très lourde : elle comprend 2 727 pièces), que· Cléante, pour partir avec Marianne.

emprunte de quoi vivre décemment, avec 10 domestiques.

pendant environ un an et demi, et que, selon Harpagon, il porte, en rubans et perruques. l'équivalent d'une semaine et demie des dépenses de douze personnes. Comment devenait-on riche? Molière ne précise pas d'où Harpagon tire le bien qu'il aurait « amassé avec tant de sueurs» (Il, 2) : a-t-il seulement fait fructifier un héritage? A-t-il autrefois exercé.

comme M.

Jourdain, Argan ou Orgon, quelque commerce et prêté ses bénéfices ? Les enfants d'Harpagon n'envisagent pas de travailler: dans la bonne bourgeoisie, on méprise le travail (manuel surtout) et on se presse d'oublier l'origine de la fortune familiale pour ne penser qu'à en jouir.

Mais une législation précise réglementait 1.

1 écu de compte = 3 livres ; 1 pistole = 11 livres ; pour ces calculs, il faut partir de: 10 000 écus= 30 000 livres= plus de 18 kg d'or. ..,.,. la transmission des biens.

Un mari n'héritait pas des biens de sa femme mais devait les garder pour ses enfants jusqu'à leur majorité légale (25 ans); d'où la réflexion de Cléante: « Notre mère étant morte.

dont on ne peut m'ôter le bien» (Il.

1). Lorsqu'il ne restait aucun enfant d'un premier mariage, les biens de la famille revenaient aux enfants nés de la seconde épouse : on comprend l'intérêt que trouve Harpagon à marier Êlise à Anselme (1, 5).

L'héritage constituait donc un précieux apport et déshériter un descendant menaçait gravement son avenir (IV.

5).

Quant l'argent venait à manquer.

on pouvait f.

~ risquer sa chance aux tables de jeu ; Cléante y gagne de quoi lf se vêtir, mais Frosine parle d'une joueuse qui aurait perdu environ 820 000 francs ( 1992) « à trente et quarante» (Il, 5) (Mme de Montespan perd cent fois plus en 1678). J La justice «Justice ! » crie Harpagon en fureur (IV, 7).

Les procès se multiplient au XVII' siècle.

époqu~ de chicaneurs (cf.

Les Plaideurs de Racine) : Frosine avoue à Harpagon qu'elle a« un procès qu'[elle est] sur le point de perdre» (Il.

5).

Harpagon veut traduire tout le monde en justice (IV, 7; V, 1) et a, dit-on, fait assigner un chat (Ill, 1). La procédure s'éternisait; Molière en avait souvent fait l'expérience.

après la faillite de l'illustre Théâtre, et a pris plaisir. dans ses pièces.

à souligner l'incompétence et la cruauté des hommes de justice.

On voit à l'œuvre le commissaire : fierà-bras, content de son tableau de chasse («Je voudrais avoir autant de sacs de mille francs que j'ai fait pendre de personnes».

V, 1), tatillon et mielleux, il mène une enquête sans queue ni tête.

ne comprend rien à la situation et décide sans preuves, en jugeant sur la mine (V, 2 et 3).

Frosine prétend pouvoir gagner son procès en achetant ses juges, car elle '-connaît leur vénalité (IL 5). On pratiquait la «torture.préparatoire» (« faire donner la question») pour obtenir des avëùx (IV.

7).

Les commissaires utilisaient les« gênes», instruments de torture tels que brodequins.

pots d'eau.

coins.

Les peines nous étonnent par leur sévérité : on pendait les criminels (IV.

7; V.

1 ; V.

4) et le châtiment le plus infamant, la roue dont Harpagon menace Valère, était réservé aux roturiers (V.

5) . ..... SOURCES ET EMPRUNTS Comme nombre d'écrivains du xvn• siècle.

Molière s'inspire librement d'œuvres antérieures - dramatiques ou romanesques.

De L f'.\vare.

on a affirmé qu'il ne contenait pas quatre scènes qui soient de Molière...

C'est que le xvn• siècle cherche l'originalité non pas tant dans le.sujet que dans la façon de le traiter.

Ainsi.

rechercher tous les emprunts de Molière serait impossible - et inutile - mais l'étude de certains d'entre eux permettra peut-être de mieux comprendre comment il a travaillé pour son Avare. La vie quotidienne Molière lui-même.

dans la Critique de /'École des Femmes. fait dire à Dorante : « Lorsque vous peignez les hommes.

il faut peindre d'après nature...

et vous n'avez rien fait.

si vous n'y faites reconnaître les gens de votre siècle» (se.

6). Comme modèle d'Harpagon.

plus que le père de l'auteur.

on cite volontiers Jean Tardieu.

avare réputé dans les années 1630-1660.

Par ailleurs.

la propre expérience humaine de Molière lui fournit vraisemblablement bien des éléments : les procès sans fin qu'on lui avait intentés.

ses dettes lui avaient fait côtoyer de près les usuriers (11, 1 et 2) et les gens de justice (V.

1 et 2).

Si bien que L'Avare.

à bien des égards.

peut constituer un miroir - déformant parce que comique - de son époque. La littérature L'Aulularia est la source principale de Lf'.\vare.

Les Anciens fournissent à Molière des détails : le chat qu'H&rpagon aurait traîné en justice (Ill.

1).

rappelle le chien que Philocléon juge dans les règles pour avoir dévoré un fromage de Sicile1 • le milan que l'avare Euclion de Lf'.\ulularia 2 « assigne en justice pour lui avoir enlevé son fricot». 1.

Dans Les Guêpes.

d'Aristophane.

poète comique grec (445386 av.

J.-C.). 2.

Plaute, poète comique latin (254-184 av.

J.-C.).

Au/ula en latin ~ignifie « petite marmite». Mais les similitudes entre L'Au/u/aria et L'Avare sont plus profondes ; leurs intrigues se ressemblent beaucoup, le résumé suivant.... »

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