Qu'est-ce qu'un« événement littéraire'»? RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES 1. Attention à ces sujets qui se présentent comme une simple définition à donner...
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«
Qu'est-ce qu'un« événement littéraire'»?
RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES
1.
Attention à ces sujets qui se présentent comme une simple définition
à donner d'un concept {qu'est-ce qu'une « tragédie)), qu'est-ce qu'une
« école littéraire »fi qu'est-ce qu'un.« genre »fi etc...).
Non seulement
on ne doit pas énumérer purement et simplement un certain nombre
de traits caractéristiques de ce concept {se contenter de dire que l'éçéne
ment littéraire est ceci...
, est cela ...), mais encore on doit ·organiser
tous les éléments d'une réponse autour d'un problème, d'une difficulté
que soulève le concept en question.
2.
Par exemple ici, la difficulté n'est pas de trouver un certain nombre
de traits communs aux diçers événements littéraires, mais de sa;,oir
si cette notion d'événement littéraire, chère aux manuels, chère aux
critiques, est parfaitement définie et si elle n'offre pas diPers dangers
quand on l'utilise pour faire l'histoire de la littérature.
3.
Le dePoir dePra donc être bâti autour des ambiguïtés dont s'accom•
pagne cette notion : par exemple, on s' aperces>ra que l'événement litté
raire est tour à tour Pision d'actualité et r,,ision de postérité des faits
littéraires; on se demandera S: il est rùpture ou continuité, s'il désigne
les chefs-d'œur,,re ou simplement les œuPres les plus r,,oyantes, etc....
Ainsi, loin d'être une énumémtion, le plan sera la critique d'une
.
notion, de ses aParitages et de ses limites.
PLAN DÉVELOPPÉ
Introduction.
\
L'histoire littér11ire ne met pas sur le même plan toutes les
œuvrès du passé : non· seulement certatn·es lui paraissent meil
leures que d'autres, mais encore il semble que certains.
fafts (qui , , .
ne sont pas nécessairement des livres, mais qui, d'une ··façon
·,générale, concernent la littérature) ont une importance plus grande
que d'autres dans l'évolution littéraire.
On dira que la fondation
de l'Académie française (1635), que la ·première représentation
du Cid (1636), que le début du règne personnel de Louis XIV
(1661), que les campagnes du Globe_ à partir de 1824, que la Pré-.
face de Cromwell (1827), · que l'ouverture du Cénacle de la rue
Notre-Dame-des-Champs (1827), que la bataille d'Hernaiii (1830)
sont des é'11foements littéraires; notion incontestablement' com•
mode, soit pour présenter l'évolution d'un genre, soit pour dresser
- Je tableau des lettres à une époque déterminée, etc..
;.
Pouvons.
nous donner un contenu sans équivoque à ·cette notion ·essentielle
.
ment pr�tique? Il est sûr que ce n'est pas.
une pure convention
de présentàtion : il y a bien, de temps en temps, dans la vie litté•
raire, de ces faits significatifs que le public baptise« événements».,
Mais seront-ils tous retenus par la postérité comme tels? En
réalité, il semble qu'il faille attendre pour juger .de lf!!ur résonance
profonde et que cette résonance n'est pas nécessairement liée à
la valeur intrinsèque de l'événement littéraire, mais à un heureux
cop.cours· de circonstances qui le place.
dans telle ou telle suite.
Nous marquerons donc ·soigneusement les limites d'une notion
fortement unie à l'histoire,
I.
L'événement littéraire comme rupture.
L'événement littéraire est toujours une surprise éclatante pour
ceux qui en sont témoins et un chef-d'œuvre méconnu ne saurait
en constituer un.
(Stendhal n'est pas ll:\1 « événement littéraire »,
parce que son influence ne s'impose que lentement et difficile
ment, ni Saint-Simon, le mémorialiste, parce que ses Mémoires,
inconnus de son vivant, n'ont rien bouleversé en leur temps.)·
1.
L'événement 'littéraire èst toujours plus ou moins un scandale,
avec l'aspect double de tout scandale, admiration violente des
uns, indignation.
des autres; matériell�mJnt, son auteur a souvent
des ennuis, qui ne sont que l'envers- de l'admiration qu'on hri
_·porte :
cc En vain ·contre cc Le Cid >> un ministre se ligue,
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
»
'Que l'on songe à Flaubert (Madame Bopary), à Baudelaire
(Les Fleurs du Mal).: ils ont·pour eux la jeunesse qui se r.econnaît
dans leur œuvre, mais la bourgeoisie leur intente des pr.bcès !
.
\
Ce caractère éclatant est indispensable; autrement il y a influence,
lente pénétration, mais pas événement : Bergsàn fll.t à sa date un
événement littéraire, parce que son enseignement àttirait au
Collège de France une foule brillante; mais non Spinoza, bien
qu'il fût très représentatif de la pensée classique, parce qu'il
ne s'imposa pas brusquement aux yeux du public.
2.
·L'événement littéraire implique une position critique....
Mais l'événement littéraire n'est pas seulement un scandale
sans lendemain, il suppose aussi un certain nombre de principes
critiques et esthétiques par lesquels il modifie le cours de la litté
rature.
C'est évident quand il consiste en un manifeste : Défense et
Illustration (1549), Préface d_e Cromwell (1827), etc., mais c'est
vrai aussi pour des œuvres en· apparence éloignées de toute pré
occupation doctrinale; au moins doivent-elles offrir au public
la possibilité d'en dégager des vues esthétiques neùves et....
»
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