Qu'est-ce qu'un héros romantique ? Certains moments de l'histoire littéraire font apparaître, à tra­ vers des œuvres de la même...

« Qu'est-ce qu'un héros romantique ? Certains moments de l'histoire littéraire font apparaître, à tra­ vers des œuvres de la même période, des personnages qui incarnent et illustrent les tendances d'une époque.

Au XVIIe siè cle, du théâtre de Corneille et de Racine émerge le héros tragique, tandis que la comédie et les romans partici­ pent à la création de «l'honnête homme», auquel s'oppose le libertin.

Au XVIIIe siè cle, « le philosophe» représente un idéal de tolérance et de sociabilité. De la même façon, la première moitié du XJXe siècle voit se dessiner un nouveau type de personnage, héritier en droite ligne du jeune Werther .: c'est le héros romantique, être tour­ menté, déchiré, vivant un constant déséquilibre entre ses aspi­ rations et son époque.

Type littéraire, il se révèle à travers de nombreuses œuvres, en poésie, au théâtre, dans la littérature romanesque.

En même temps, on peut dire qu'un certain nom­ bre d'écrivains ont été eux-mêmes, à certains moments de leur vie, de véritables héros romantiques. Analyser les traits de ce personnage à travers ses images litté­ raires, c'est mettre en relief ses aspects historiques -.

qui expli­ quent ses déchirements et ses contradictions - étudier les compensations qu'il cherche à son état de malaise ainsi que la maniè re dont il incarne une certaine image de l'artiste. 1.

Un personnage historique Le héros romantique est le porte-parole de tous les jeunes gens nés avec le siècle», et qui espéraient, comme le montre Musset dans la Confession d'une enfant du siècle (texte 1), que l'époque napoléonienne leur permettrait d'assouvir leur soif d'héroïsme et de réussir par les armes.

Ils se préparaient donc, à l'ombre de leurs aînés déjà au service de l'empereur, à de brillantes carrières.

Brusquement privés de leur rêve par 1815 et la chute de l'Emprre, ils se retrouvent déçus et amers, condamnés à vivre dans une société médiocre et triste (texte 1). Balzac insiste sur leur pauvreté (texte 8).

Stendhal (texte 5) met en relief les aspects conformistes de la sociêté bourgeoise. Privée d'objet, leur énergie se dilue en un ennui morne, en inquiétude, en lassitude maladive (« un malaise inexprimable», texte 1 ; des « incertitudes», texte 2).

Inquiétude, tristesse, oisiveté sont les mots clés de cette génération atteinte par le « mal du siècle», le « vague des passions». « 2.

Déchirements et contradictions Le décalage entre les attentes et la réalité historique est à I' origine de bien des contradictions et de bien des déchirements. L'un d'eux vient de ce que les ambitions de certains de ces héros se heurtent à l'obstacle d'une société traditionaliste et figée, qui refuse de leur laisser trouver leur place et leur équilibre.

C'est le cas de Julien Sorel (texte 5).

Dans le Rouge et le Noz"r, Stendhal analyse le conflit entre une volonté farouche de réussir socialement et le mépris que Julien éprouve à l'égard de ceux qu'il cherche à imiter.

Ce qui pourrait être un conflit interne propre à la personnalité de Julien se double d'un dégoût profond pour la société de l'époque.

Ce dégoût se révèle particulièrement dans le discours qu'il adresse aux jurés, et dans la manière dont il rappelle qu'il est jugé plus pour avoir voulu s'élever au-dessus de sa condition que pour avoir commis un crime passionnel. Lucien Chardon, le héros des Illusions perdues (texte 8), rêve d'une réussite littéraire qui implique la reconnaissance sociale 62 de son talent.

La suite du roman montre à quel point cette réussite est difficile sans compromissions.

Il est douloureux de devoir adapter un idéalisme pur et souvent naïf aux réalités humaines et sociales. Chatterton (texte 7) et Lorenzo (texte 6) en font l'un et l'autre la cruelle expérience.

Même s'ils ne sont pas situés en France au XIXe siècle, ils représentent pour leurs auteurs des illustrations des problèmes humains et des déceptions de 1830. 3.

Les compensations Déçu et malheureux, le héros romantique cherche ce qui peut apaiser sa mélancolie, son vague à l'âme.

Parfois, au contraire, il s'y complaît avec une sorte de plaisir morbide. • Les divertissements Dans son sens étymologique, ce terme signifie détournement, changement de voie.

C'est dans ce sens qu'il faut le prendre ici : le héros romantique cherche ce qui peut le détourner de son inquiétude et de sa tristesse.

Dans le texte 1, Musset insiste particulièrement sur cette idée.

Il cite le libertinage (« les plus riches se firent libertins»), qui caractérise aussi Lorenzo (et Musset lui-même) dans le texte 6, ou encore le choix d'une profession (« un état»).

Ainsi, Julien Sorel devient précepteur en attendant d'entrer dans les Ordres 1 et Lucien Chardon tentera de gagner sa vie dans le journalisme.

D'autres encore tentent de tromper leur ennui en participant à des.... »