Rédiger un commentaire de texte: Texte de Zola dans L'assommoir Exemple de réponse rédigée Émile Zola, L'Assommoir, 1877 Avant de...
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Rédiger un commentaire de
texte: Texte de Zola dans
L'assommoir
Exemple de réponse rédigée
Émile Zola, L'Assommoir, 1877
Avant de quitter l'estaminet du père Colombe où ils viennent de man
ger une prune, les deux héros de L'Assommoir, Gervaise et Coupeau, atti
rés par l'étrange instrument qui sert à distiller l'alcool, vont le regarder de
près.
C'est ainsi que Zola insère l'une des descriptions de l' alan1bic dans
le récit, mais il ne s'en tient pas là; son imagination visionnaire trans
forme la machine en monstre.
Ce passage, qui présente tous les indices caractéristiques d'une des
cription, marque une pause dans la narration ; il a, en outre, une fonction
à la fois explicative et symbolique.
La description se reconnaît à trois signes: la prédominance de l'im
parfait, l'emploi du vocabulaire technique et les comparaisons.
En
dehors des passés simples des premières phrases (elle se leva, ils sorti
rent, elle eut, Coupeau lui expliqua) et des conditionnels qui expriment
le rêve de Mes-Bottes, les verbes de ce passage sont presque tous à l'im
parfait, que le narrateur peigne l'alambic (tombait, gardait, s'échap
paient, entendait-on, c'était, continuait, laissait) ou qu'il fasse le por
trait de celui qui souhaite être rivé à l'alambic (il avait un rire, qu'on lui
soudât).
Zola utilise aussi de nombreux termes techniques pour détailler
les pièces qui composent la machine : cornue, récipients, tuyaux, ser-
pentin.
L'emploi de ce vocabulaire est parfaitement justifié par le désir
de Coupeau de décrire à Gervaise le fonctionnement d'un appareil com
plexe.
De même, les comparaisons (c'était comme une besogne de nuit
faite en plein jour par un travailleur morne...
, pareil à une source entê
tée) et surtout les métaphores (une mine sombre, un ronflement souter
rain, ce gros bedon de cuivre, sa sueur d'alcool) sont destinées à pro
duire un effet de réel par l'appel aux sensations visuelles (cuivre rouge,
les reflets éteints de ses cuivres) et auditives (souffle, ronflement).
Il
varie enfin les points de vue: l'alambic est vu successivement par Cou
peau qui le détaille (indiquant du doigt), par le narrateur qui le person
nifie (une mine sombre), par Mes-Bottes dont il excite l'imagination (lui
aurait voulu qu'on lui soudât) et de nouveau par le narrateur qui prévoit
son action pernicieuse.
Cette description marque une pause dans la narration : fascinés par
l'alambic, les protagonistes n'agissent plus, ne bougent même plus, ils
regardent.
De ce fait, ils passent au second plan.
La machine, au
contraire travaille (c'était comme une besogne, l'alambic, sourde
ment...
continuait).
Ainsi, peu à peu, elle occupe toute la scène.
Elle est
le point de mire des consommateurs, elle alimente leurs conversations,
elle suscite le rêve délirant de Mes-Bottes.
Le tiers de l'extrait est en
effet consacré à ce personnage secondaire qui grandit au point d'effa
cer Gervaise et Coupeau.
Le romancier brosse son portrait (il avait un
rire de poulie mal graissée), reproduit ses paroles au style indirect libre
(elle était bien gentille!) et évoque l'effet qu'elles produisent sur l'as
sistance (et les camarades ricanaient).
Si Mes-Bottes prend une telle
importance, c'est parce que son portrait prolonge la description de
l'alambic.
Ce changement dans la distribution des rôles indique clairement que,
loin d'être un simple ornement de la narration, cette description significa
tive a une fonction à la fois explicative et symbolique.
La fascination exer
cée par l'alambic sur tous les consommateurs, les habitués comme Mes
Bottes ou les occasionnels comme Gervaise et Coupeau, prépare en effet
l'un des thèmes fondamentaux du roman, la fascination de l'alcool.
La
fonction symbolique en découle tout naturellement: l'alcool distillé par
l'alambic cause la déchéance de l'ouvrier parisien, incarné ici par Mes
Bottes, l'alcoolique invétéré.
La beauté de l'alambic est en effet semblable
à celle du diable: la machine à soûler est malfaisante, comme l'indique
cette périphrase péjorative.
Elle exerce des ravages sur ses victimes après
les avoir subjuguées par sa beauté, sa complexité et son mystère.
Ainsi,
par un savant dosage de traits réalistes, symboliques et fantastiques, Zola
présente l'alambic comme un monstre.
Une machine devient progressivement un être vivant, puis un
monstre : dépassant le domaine de la réalité, Zola impose une vision fan
tastique.
À cet effet, il utilise trois procédés complémentaires : le grossis
sement du réel, la personnification et l'amplification épique.
Le grossissement de l'alambic s'accomplit en deux temps.
Par le
choix des épithètes (le grand alambic, ce gros bedon, l'énorme cornue,
le trou immense) et des compléments circonstanciels (enroulements
sans jfo), Zola dote d'abord la machine de dimensions supérieures à la
normale.
Il suggère ensuite sa contenance quasiment illimitée par une
comparaison entre la coulée d'alcool et l'eau courante d'un ruisseau,
puis le jaillissement perpétuellement renouvelé d'une source.
Ces
images d'un écoulement permanent soulignent le gigantisme de la
machine.
Tout en grossissant l'alambic, Zola lui insuffle la vie.
Outre les
nombreux verbes de mouvement et d'action dont les noms alambic ou
alcool sont les sujets (continuait, laissait couler, envahir, se répandre,
inonder), il utilise des termes réservés ordinairement aux êtres humains.
Les uns désignent des sécrétions (sa sueur d'alcool), les autres une par
tie du corps (bedon, synonyme familier de ventre), d'autres encore l'ex
pression du visage (une mine sombre).
Mais pour parachever la person
nification de l'alambic, il privilégie deux registres; la respiration avec
souffie et ronflement et les traits de caractère avec gaieté, entêtée et gen
tille.
Enfin, l'élargissement de la dernière phrase impose une vision du
cauchemar: Paris noyé dans l'alcool.
Zola réussit à donner l'illusion de
cette inondation en ménageant une savante gradation entre les trois
membres de la clausule* : les deux derniers groupes de mots plus longs
(treize syllabes, puis onze) que le premier (six syllabes), des verbes
ayant un sens de plus en plus fort (envahir, se répandre, inonder) et un
agrandissement progressif de l'espace (la salle,....
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