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\ Répondant à une question sur la signification du titre de son roman Le Nom de la Rose, Umberto Eco...

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« \ Répondant à une question sur la signification du titre de son roman Le Nom de la Rose, Umberto Eco affirme : • Un titre doit embrouiller les idées, non les embrigader». En vous interdisant toute forme de catalogue et en empruntant vos exemples à la littérature en particulier et à d'.autres formes artistiques, vous expliquerez et discuterez cette prise de position. TRAVAIL PRÉPARATOIRE Examen du sujet A première vue, un sujet qui rejoint presque la question de cours, tant il est vrai que vous avez forcément, cette année plus que d'autres, été amené à vous interroger sur les pouvoirs et les significations des titres des œuvres que vous avez• travaillées» pour l'oral. Vous allez donc pouvoir exploiter vos découvertes.

Une fois n'est pas cou­ tume, vous allez ici vous trouver devant une surabondance d'exemples: il va donc falloir faire le tri, valoriser ceux qui vous paraissent, soit les plus pertinents, soit les plus originaux, tout en proscrivant, comme à chaque fois d'ailleurs, tout catalogue ou, pire ici, toute liste de 'livres. Comme c'est souvent le cas dans les phrases qui donnent lieu à une composi­ tion française, la phrase d'Umberto Eco a·un caractère paradoxal, voire provocant, dans son aspect péremptoire*: le verbe• devoir» semble ne pas admettre de nuances (or c'est peut-être là que vous.trouverez des arguments pour «discuter»). 'Il ne semble pas, effectivement, que ce soit ce que le lecteur, le spectateur ou l'amateur attendent d'un titre :.

ils aiment être guidés et • bien prévenus » (avec toute l'ambiguïté que l'on peut accorder à ce participe passé): d'où l'utilité des catalogues de« livres de poche», des fichiers de bibliothèques, des programmes de cinéma ou, bien sftr, des programmes détaillés d_e télévision. N'oubliez pas que le libellé vous demande de• discuter»: il serait donc fort malvenu de vous en dispenser (d'autant plus qu'il semble fort improbable que vous partagiez entièrement le point de vue d'Umberto Eco). Vous devrez sans aucun doute travailler autour de deux des fonctions princi­ pales des titres : - fonction informative ; -fonction incitatrice (il s'agit de pousser à la lecture, de donner envie de voir, d'établir immédiatement une relation avec l'amateur) ; même dans le cas d'œuvres littéraires de grande qualité, on ne peut négliger cet aspect stricte­ ment « commercial • ou « économique » : vous détiendrez, avec les titres annoncés« à paraître» des FLEURS DU MAL (d'abord LES LESBIENNES puis LES LIMBES, et enfm lç titre défmitif), un exemple convaincant. Analyse du sujet, segment par segment titre - tout ce que cela implique et recouvre (étiquette, image de marque, fonctions évoquées ci-dessus) ; doit - obligation, impératif catégorique: l'absence déli­ bérée de nuance permettra la discussion; embrouiller - et non «clarifier» - transparence (qui entraînerait une sorte de redonopacité dance: l'œuvre redirait, en délayant, ce que le titre dit déjà: en conséquence, on pourrait aller jusqu'à dire que les titres se suff15ent à eux-mêmes, sans que l'œuvre soit écrite: cf.

les projets de Baudelaire; ou que, dans le cas inverse, l'œuvre peut se passer de titre: exemples innombrables dans la peinture («composition n' 1 »,«sans titre») ou dans la musique (•symphonie n' 8 •• • pièce n° 4 »),voire dans la littérature: poèmes nommés par leur seul incipit*. non embrigader - il y aurait quelque chose de militaire dans ce verbe 1 Cela impliquerait une soumission pouvant déboucher sur la manipulation de l'imagination du lecteur; cela risquerait de forcer l'interprétation, de mettre l'accent surun élémentprivilégié, au détriment des autres (comme le fait, par exemple, le titre donné à la•sixième symphonie» de Beethoven: Symphonie Pastorale) ; vous aurez doncà un moment ou à un autre la quasi-obligation de poser le problème du• sens» de l'œuvre. Sachez- mais ce n'était absolument pas indispensable pour faire le devoir 1 qu'Umberto Eco avait d'abord songé à intituler son roman L'AbbaY.e du Crime, mais qu'il y avait renoncé parce que cela insistait trop sur l'intrigue policière et était par trop • directeur•· Il a préféré le titre définitif, beaucoup plus mystérieux, qui n'est expliqué, ni dans le roman, ni dans le film qu'en a tiré Jean-Jacques Annaud, sinon par la citation latine finale •..

non traduite 1 « Stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus ». Vous devrez certainement travailler sur les rapports étroits ou, au contraire, éloignés, voire fortuits, que le titre peut entretenir avec l'œuvre: on aurait, d'un côté une relation de redondance*, dans la mesure où l'œuvre «dirait>> la mênie chose que le titre, et de l'autre une relation plus troublante, et surtout plus stimulante pour l'esprit, puisque, de ce hiatus, pourrait sortir une (ou des) vérité(s). Souvenez-vous aussi de ce que Rabelaisdisait dans le prologue de Gargantua (il revendiquait comme une qualité la non-concordance des titres de ses chapitres et de leur contenu), ou Montaigne qui donnait à ses chapitres des Essais des titres qui ne semblaient pas• convenir» au thème développé, ou ne le faisaient que de façon accessoire. f:iste (non exhaustive et tout à fait subjective) de titres exploitables·. • Littérature Les Fleurs du mal Madame Bovazy Candide ou /'Optimisme Le Rouge et Je Noir La Chartreuse de Parme L'Automne à Pékin La Cantatrice chauve Pourquoi sommes-nous au Vietnam ? (Norman Mailer, 1967, Etats-Unis) Putain de mort (traduction française de DISPATCHES, qui signifie« dépêches de presse», roman américain de Michael Herr, 1980). Jules César(W.

Shakespeare) Zazie dans Je Métro • Musique Les Quatre Saisons (Vivaldi) Sixième symphonie dite «Pastorale• (Beethoven) Sixième symphonie dite« Pathétique» (Tchaïkovski) Troisième symphonie (Malher) Etudes (Chopin) Innombrables chansons de variétés dont le titre constitue le refrain et réciproquement. • Peinture Villa romaine Mtie aux pieds des Alpes dauphinoises quelque temps après la conquête des Gaules.

Un centurion, accompagné de deuxsoldats des cohortes dalmates, s'adresse au passeur pour traver.ser la rivière. (titre d'un tableau« pompier», 1870) , Les Romains de la décadence (idem) Composition n• 1 (P.

Mondriaan) Innombrables « sans titre». • Cinéma Rocky I, II, etc. Vendredi 13, I, II, etc. Les Oiseaux TheDeer Hunter(«Le Cbasseur de daim») Voyage au bout de l'enfer, M.

Cimino. LIGNE DIRECTRICE L'introduction, partant de ce qu'est en général un titre et évoquant ses fonctions, posera le problème : « embrouiller» = « embrigader» obligation - nécessité de réfléchir à cette obligation : risques courus·? Elle débouchera sur une question: « Pourquoi embrouiller?• Guidant trop, le titre fait perdre de son mystère à l'œuvre; mystère, fmale­ ment, sans lequel elle ne saurait exister; effectivement, c'est plus qu'une information transmise, c'est une vision imposée: le lecteur n'est plus libre de voir ce qu'il aurait pu ou vouloir voir (on peut penser ici aux titres des tableaux•pompiers,.

de l'académisme des années 1860-1880, dans lesquels, non seulement se trouvait décrit ce que le tableau montrait, mais encore se trouvait imposée une vision morale (fort hypocrite, d'ailleurs). Ces titres•clairs ,.

désignent de façon catégorique ce qu'il y a à lire ou à voir, et relègue l'œuvre dans la catégorie pure et simple des produits de consomma­ tion: ils deviennent de simples étiquettes; c'est ainsi.... »

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