Rôle et signification des émotions Les relations avec autrui constituent le sujet même de Huis clos (voir ci-dessus, p. 31)....
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Rôle
et signification
des émotions
Les relations avec autrui constituent le sujet même de
Huis clos (voir ci-dessus, p.
31).
Dans ces relations, le lan
gage joue un rôle primordial.
mais non unique.
Intervient
également une autre forme de langage que l'on appelle
paraverbal et qui réside dans la manifestation des émotions.
Pleurer, frapper, s'attendrir sont aussi des façons de s'expri
mer et d'entretenir avec autrui un certain type de relations.
Or, dans l'un de ses traités philosophiques, Esquisse
d'une théorie des émotions (1938), Sartre a élaboré une in
terprétation de la subjectivité 1 des individus.
Ses œuvres
romanesques et théâtrales l'ont par la suite constamment
illustrée.
Aussi convient-il de s'interroger sur les réactions
émotionnelles des trois damnés de Huis clos et, pour
mieux les comprendre, de rappeler la conception sar
trienne de la subjectivité.
LES ÉMOTIONS
SEULES RÉVÉLATRICES
DE L'INDIVIDU
La conviction selon laquelle l'individu n'existe que dans
son rapport au monde conduit Sartre à rejeter les schémas
traditionnels de la psychologie et à voir dans les émotions
une caractéristique majeure de la conscience.
Le rejet de la psychologie
Qu'est-ce que la conscience? Comment la comprendre
et l'analyser? Tel est le point de départ.
Selon Sartre, la
conscience n'existe pas par elle-même ni en elle-même.
1.
La subjectivité: la conscience pensante, le« moi».
La conscience est toujours conscience de quelque chose :
d'un objet, d'un sentiment, d'une vérité.
Soit, par exemple, un amoureux.
Il n'est pas amoureux
en soi dans l'absolu.
li l'est de quelqu'un, étranger et extérieur à lui.
Imaginons que la personne aimée n'ait jamais
existé.
L'amoureux ne serait jamais devenu amoureux.
Il
l'aurait peut-être été de quelqu'un d'autre.
Mais il le serait
toujours d'une autre personne que lui.
Prenons maintenant le cas de Garein.
Sa lâcheté ne réside pas dans sa fuite.
Quitter un pays en guerre pour éviter de se faire tuer n'est peut-être pas très glorieux, mais
n'a rien de honteux.
Garein, lui, a toujours voulu être un
héros, a toujours prétendu tout sacrifier à son idéal.
C'est
par rapport à cet idéal héroïque, qu'il s'est donné et qu'il
n'a pas atteint, que sa fuite devient un acte de lâcheté.
Concluons: la conscience n'existe que par rapport à une
réalité qui se situe hors d'elle-même.
J'aime un(e) autre,
qui n'est pas moi.
Je suis jugé d'après des convictions
auxquelles j'adhère, et qui sont donc extérieures à ma personne.
Sartre en déduit que la conscience ne possède pas
de lois qui lui soient propres et qui éclaireraient son fonctionnement.
C'est pourquoi Sartre ne croit pas à la psychologie, qui fait dépendre du seul caractère le comportement
d'un individu.
La psychologie lui semble nier cette relation
au monde.
Conscience, émotion
et phénoménologie1
À la suite du philosophe Heidegger2, Sartre soutient
en revanche que l'émotion représente une voie majeure
dans la connaissance de l'homme.
Pas d'homme en effet
sans émotion.
Étymologiquement3, «émouvoir» dérive
de «mouvoir» : être mis en mouvement.
L'émotion est
un mouvement provoqué par le monde (par l'extérieur) et
dirigé vers celui-ci.
Elle est en rapport avec le« pour-autrui» 4 •
1.
Voir ci-dessus, p.
7, note 3.
2.
Philosophe allemand, Martin Heidegger (1889-1976) a notamment étudié la question des rapP,.orts entre la conscience et la
temporalité, dans.
par exemple.
L'Etre et le Temps (1927).
3.
L'étymologie est la science de l'origine des mots.
4.
Voir ci-dessus, p.
32.
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L'émotion peut dès lors s'analyser à un double niveau.
D'une part en elle-même, dans son expression et ses intentions : par exemple, je pleure : pourquoi et dans quel but?
D'autre part, dans ce qu'elle révèle plus généralement de
l'individu tout entier, qui choisit de recourir à telle émotion
plutôt qu'à telle autre : pourquoi les pleurs et pas le rire?
La description de l'émotion met ainsi à jour, selon Sartre,
les structures essentielles de la conscience.
C'est le principe même de la phénoménologie.
Par cette méthode, on
se propose de décrire les choses elles-mêmes (qu'elles
soient une pensée, un sentiment, un geste) afin de saisir
ou tenter de saisir le fonctionnement de la conscience.
Il
s'agit de remonter de la perception du monde (comment
je le vois, je le sens, je réagis) à l'être qui le perçoit et qui
le fait exister.
L'émotion: une conduite magique
Sartre approfondit enfin cette approche phénoménologique en définissant l'émotion comme un désir de changer
le monde lorsque l'action ne suffit plus.
Prenons deux exemples.
Je cherche à convaincre mon
interlocuteur que j'ai....
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