Royaume-Uni (1985-1986): La solitude de Mme Thatcher Après la défaite des mineurs en mars 1985, l'année s'annonçait plutôt bonne pour...
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Royaume-Uni (1985-1986):
La solitude de Mme Thatcher
Après la défaite des mineurs en mars 1985, l'année s'annonçait plutôt bonne pour
Mme Thatcher.
Au cours du premier semestre, la vigueur de l'investissement des
entreprises privées et la forte croissance des exportations ouvraient des
perspectives économiques favorables.
Et en effet, selon le National Institute,
le PIB s'est accru de 2,75% en 1985, le déficit de la balance commerciale des
biens non pétroliers s'est légèrement réduit par rapport à 1984, avec 10,3
milliards de livres, et les profits industriels et commerciaux autres que ceux
de la mer du Nord ont connu une hausse de 22%.
Mais, du côté de l'inflation et
du chômage, les résultats ont été décevants: l'indice des prix de détail a
accéléré sa hausse, atteignant 7% en milieu d'année, avant de redescendre à
environ 5% au début de 1986.
On a comptabilisé une moyenne annuelle de 3,27
millions de demandeurs d'emploi, soit 13,5% de la population active (mais ce
pourcentage aurait été de 15,5% si l'on avait conservé les méthodes de calcul
utilisées avant novembre 1982).
L'inquiétude des Lords
Ces indicateurs inquiétants, auxquels il faut ajouter le déclin préoccupant de
l'industrie manufacturière, ont relancé les critiques de la démarche
monétariste.
Elles se sont cristallisées en partie autour d'un rapport de la
très respectable Chambre des Lords, publié en octobre 1985, et qui a fait
beaucoup de bruit en Grande-Bretagne.
Les Lords se sont montrés très pessimistes
au sujet des perspectives économiques du pays, analysées à l'horizon 1990, date
à laquelle la production pétrolière de la mer du Nord aura atteint son plafond.
Considérant que la politique du gouvernement Thatcher représentait une "menace
grave pour le niveau et la stabilité économique et politique de la nation", ils
prévoyaient notamment, à terme, une stagnation de l'économie et une poussée
inflationniste dangereuses, doublées d'un chômage accru et difficilement
réductible.
Leurs conclusions avaient d'autant plus de poids au printemps 1986
que la conjoncture rendait la Grande-Bretagne très vulnérable à la chute du
dollar et à celle des cours pétroliers.
Si cette baisse permettait d'envisager
de ramener le taux de l'inflation à 4% en 1986, elle réduisait considérablement
les ressources fiscales d'origine pétrolière en mer du Nord: le manque à gagner
était estimé à environ 5 milliards de livres pour le budget 1986-1987.
Cependant, en dehors d'une augmentation plus importante que prévue des dépenses
publiques, les autorités n'entendaient pas modifier les grands principes de leur
politique économique.
Pour renflouer les caisses de l'État tout en s'attirant
les sympathies de l'électorat au moyen d'une réduction "substantielle" de
l'impôt sur le revenu, elles projetaient entre autres une "accélération" du
programme de dénationalisations qui devrait toucher en 1986-1987 des entreprises
comme British Gas, British Airways, la Compagnie nationale des autobus, Rolls
Royce, la Compagnie des eaux, etc.
Cette stratégie, considérée comme une
politique à court terme relevant de l'expédient, a provoqué un mécontentement
jusque parmi les rangs des conservateurs.
On a même comparé le gouvernement aux
grandes familles qui vendaient leur argenterie pour s'assurer les dépenses
courantes.
Autre sujet de mécontentement, dénoncé comme une "politique
d'abandon" des "intérêts nationaux": la polémique sur l'avenir de la firme
d'hélicoptères Westland qui a été déclenchée, le 9 janvier 1986, par la
démission du ministre de la Défense, M.
Michael Heseltine.
Ce dernier s'était
fait l'avocat d'une prise de participation européenne dans l'entreprise
britannique en difficulté, et s'opposait en cela aux partisans d'une prise de
contrôle par le groupe américain Sikorsky.
Cette dernière solution a fini par
l'emporter, mais elle a coûté à Mme Thatcher, soupçonnée d'avoir lourdement
appuyé la firme américaine, la démission forcée de son plus fidèle
collaborateur, le ministre de l'Industrie, M.
Leon Brittan.
Cette affaire n'avait certainement pas la dimension d'un "Westergate"
britannique, comme l'ont pensé certains.
Mais pour être symbolique, elle n'en a
pas moins révélé au grand jour la vulnérabilité de Mme Thatcher et la fragilité
de sa position à la tête du Parti conservateur.
Le débat a beaucoup tourné
autour de la trop grande complaisance du gouvernement britannique à l'égard des
intérêts américains et les éléments n'ont pas manqué qui pouvaient appuyer ce
point de vue.
On pense par exemple au projet de fusion entre Austin Rover et
Ford auquel on a (provisoirement?) renoncé, ou encore au plan très controversé
de rachat par General Motors des divisions poids lourds de British Leyland.
De
même, et à un autre niveau, il est probable que la pression de Washington a
compté dans la décision du Royaume-Uni de se retirer de l'UNESCO, fin 1985.
On
n'oubliera pas non plus les remous suscités en 1985 par les révélations de
l'hebdomadaire New Statesman faisant état de projets de lois et de règlements
élaborés secrètement depuis 1979 et aboutissant, entre autres, à livrer en cas
de guerre la population britannique à l'autorité non seulement de l'armée du
Royaume-Uni, mais aussi, pour une large part, à celle de l'armée américaine.
Enfin, le 15 avril 1986, Margaret Thatcher a eu bien du mal à convaincre les
Communes et l'opinion britannique que "l'intérêt national" était en jeu
lorsqu'elle a décidé de soutenir son "ami Reagan" dans son raid meurtrier contre
la Libye, en laissant décoller les bombardiers F-111 basés au nord de Londres.
On pourrait ainsi multiplier les exemples, qui, à commencer par l'affaire
Westland, montrent que la contestation porte beaucoup plus et essentiellement
sur un style de gouvernement, parfois taxé d'autoritarisme, qui oblige l'équipe
du Premier ministre à se montrer docile et zélée en toutes circonstances ; les
Britanniques, plus habitués à une certaine "pudeur", sont choqués par la
tendance de leur gouvernement à intervenir toujours plus directement et
ostensiblement dans la vie économique et sociale du pays.
La grève des mineurs
(mars 1984-mars 1985) a été très révélatrice à cet égard, et la baisse de
popularité du gouvernement Thatcher n'a cessé de se confirmer depuis leur
défaite.
Alors que les élections législatives devraient avoir lieu au plus tard
en 1988, les stratégies pour la conquête du pouvoir se précisent.
Le consensus aux enchères
La recherche du "consensus" apparaît comme le thème favori des partis.
Chez les
Tories (conservateurs), après les....
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