Royaume-Uni (1988-1989): Le "gaullisme" de Margaret Thatcher Lorsque, le 11 octobre 1988, s'est ouvert à Brighton le congrès annuel de...
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Royaume-Uni (1988-1989):
Le "gaullisme" de Margaret Thatcher
Lorsque, le 11 octobre 1988, s'est ouvert à Brighton le congrès annuel de leur
parti, les conservateurs avaient toutes raisons d'être satisfaits et de
souhaiter à Margaret Thatcher dix années de plus à la tête du pays.
N'avait-elle
pas réussi à obtenir trois mandats consécutifs depuis 1979 tout en conduisant
avec obstination une "révolution" économique et sociale qui avait ramené le
Royaume-Uni sur le chemin de la croissance? Le redressement économique s'était
poursuivi malgré le krach boursier d'octobre 1987.
La production industrielle
avait enfin retrouvé son niveau de 1979.
La productivité était en hausse ; la
réforme de la fiscalité avait été parachevée par le budget de 1988-1989 "pour
les riches" qui rendait obsolète toute idée de redistribution.
A défaut de
politique industrielle, la Dame de fer était en passe d'atteindre son objectif:
présenter le Royaume-Uni comme l'espace le moins réglementé, le moins taxé et le
moins syndiqué d'Europe pour attirer les investissements étrangers et garantir
aux Britanniques des lendemains prospères.
Les laissés-pour-compte du capitalisme
Mais ces succès ont leurs revers, toujours les mêmes: l'inflation (6,8% en
1988), l'épargne (tombée fin 1988 au niveau historiquement bas de 1,3% des
revenus des ménages) et le déficit de la balance des paiements courants (14,5
milliards de livres en 1989).
Le chancelier de l'Échiquier, Nigel Lawson, est
dans une position inconfortable: il doit rassurer les marchés financiers
internationaux pour éviter les spéculations sur la livre sterling sans freiner
la demande intérieure au point de s'aliéner la confiance des industriels.
Pour y
parvenir, il entend poursuivre, "aussi longtemps que nécessaire", une politique
monétariste de manipulation des taux d'intérêt (plusieurs hausses successives
depuis 1988) mais qui suscite bien des réserves parce que ses effets sont lents
à se faire sentir, et parce qu'elle trahit la fragilité des bases sur lesquelles
repose la croissance britannique.
C'est ce qu'expliquait l'ancien Premier
ministre conservateur, Edward Heath, en novembre 1988: on ne peut se prétendre
"les plus forts" quand on pratique les taux d'intérêt les plus élevés d'Europe
et que ceux-ci sont quatre fois supérieurs à ceux du Japon.
Au printemps 1989, M.
Lawson a présenté un budget jugé plutôt austère.
Pour
éviter un nouveau "boom" sur la consommation en 1989-1990, les réductions
d'impôts et les concessions fiscales sont limitées: 2 milliards de livres
favorisant les petites entreprises, les petits actionnaires, les personnes âgées
et les bas salaires.
Cela, malgré l'excédent budgétaire de 14 milliards de
livres.
S'il a largement rassuré la City, ce budget a provoqué la colère de
l'opposition et des syndicats qui estimaient insuffisantes, entre autres, les
mesures envisagées pour ralentir la consommation et la hausse des prix.
Le
chancelier lui-même l'a reconnu: ni l'inflation ni le déficit des comptes
extérieurs ne devraient se réduire en 1989-1990.
D'autres ombres planent sur les succès économiques.
Les quatre-vingt-quatorze
personnes mortes le 15 avril 1989 au stade de Sheffield où devait se jouer la
demi-finale de la Coupe d'Angleterre de football en sont un des exemples les
plus choquants.
"Sport de bidonville joué dans des stades de bidonville", comme
le disait le Sunday Times, le football donne lieu régulièrement à des drames qui
frappent les laissés-pour-compte du thatchérisme.
Dix années de centralisation
du pouvoir politique, de démantèlement systématique de l'État-providence et
d'économie sauvage des deniers publics - aux dépens des normes de sécurité - ont
multiplié les catastrophes qui ne doivent pas grand-chose à la fatalité.
Le
réseau routier du Royaume-Uni est un des pires en Europe et les accidents de
trains se succèdent sur un réseau ferroviaire complètement vétuste.
En redonnant à son pays la fierté du profit, en relançant la City et en
privatisant l'économie, Mme Thatcher a créé les conditions d'une révolution
industrielle dont la face cachée - la situation des défavorisés - renvoie à des
âges que l'on croyait révolus.
Tandis que les bénéficiaires du "capitalisme
populaire" peuvent se réjouir de la dénationalisation engagée de la distribution
d'eau et d'électricité, les privatisations moins "prestigieuses" progressent à
petits pas.
C'est le cas de l'éducation, mais aussi de la réforme du service de
santé, "grand dessein" de Mme Thatcher inscrit dans un Livre blanc, Working for
Patients, qui tend à transformer les hôpitaux en entreprises commerciales et à
supprimer, à terme, le principe du financement public de la santé.
L'hégémonie des Tories
Paradoxalement, ces politiques se sont révélées électoralement payantes car
elles ont considérablement affaibli tous les lieux d'opposition.
A tel point que
les Britanniques comparent volontiers leur régime au gaullisme, dans ses heures
de gloire où un parti hégémonique pouvait s'imposer....
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