Royaume-Uni (1989-1990): L'avenir incertain du thatchérisme Onze ans après l'accession à la tête de l'État de la "dame de fer"...
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Royaume-Uni (1989-1990):
L'avenir incertain du thatchérisme
Onze ans après l'accession à la tête de l'État de la "dame de fer" (1979), les
signes de mécontentement se sont multipliés.
Démissions ministérielles, remontée
des travaillistes, protestations sociales: l'avenir du thatchérisme est devenu
l'objet de spéculations.
Le chancelier de l'Échiquier, Nigel Lawson, a démissionné le 26 octobre 1989.
Celui que l'on présentait volontiers comme l'artisan du "miracle" économique
britannique était depuis longtemps en désaccord avec le Premier ministre sur la
question de l'intégration de la livre sterling au Système monétaire européen
(SME).
Margaret Thatcher et son conseiller économique privé, sir Alan Walters, y
étaient farouchement opposés, à la différence de N.
Lawson.
Ce dernier a engagé l'épreuve de force le jour où le quotidien The Independent
publiait un article critique de sir Walters.
Le chancelier a d'abord réclamé la
démission de A.
Walters.
Ne l'obtenant pas de M.
Thatcher, il s'est lui-même
démis de ses fonctions.
Une heure plus tard, A.
Walters lui emboîtait le pas.
M.
Thatcher perdait dans la même journée deux de ses plus précieux collaborateurs.
Elle allait en perdre d'autres: en janvier 1990, Norman Fowler quittait le
ministère de l'Emploi et en mars Peter Walker, homme politique de grand talent,
ancien ministre de l'Énergie devenu secrétaire d'État chargé du pays de Galles,
annonçait lui aussi son départ.
Ces deux démissions, motivées officiellement par
des considérations d'ordre privé, sont intervenues dans une conjoncture
économique, politique et sociale dégradée.
Le temps des inquiétudes
Sur le plan économique, à l'euphorie des années quatre-vingt a succédé le temps
des inquiétudes.
Certaines recettes jusqu'ici salutaires ont commencé à se
tarir: la production pétrolière en mer du Nord se réduit tandis que les
dénationalisations n'ont plus rencontré le succès des premières grandes
opérations du genre.
Aussi les excédents budgétaires dont N.
Lawson s'était fait
le champion ont-ils diminué au moment même où les difficultés économiques
semblaient s'accroître: croissance ralentie (estimée à 1% pour 1990), chute de
la livre sterling à partir de 1989, surchauffe de la consommation, taux
d'inflation (8%) parmi les plus élevés d'Europe et progression des salaires de
9,25% en moyenne annuelle.
Cette dernière a surtout témoigné de la pénurie de
main-d'oeuvre qualifiée.
Au printemps 1990, le budget présenté par le nouveau chancelier de l'Échiquier,
John Major, s'est inscrit dans la continuité des politiques de son prédécesseur:
pas d'augmentations de l'impôt sur le revenu ni de diminution des taux
d'intérêt, lutte prioritaire contre l'inflation et probablement aussi
intégration à terme de la livre sterling au SME.
Mais la City a jugé sévèrement
ces mesures qu'elle aurait souhaité plus radicales.
J.
Major s'y est refusé car
les remèdes préconisés par les milieux financiers auraient risqué d'accroître
l'irritation d'une frange non négligeable de l'électorat.
Beaucoup de
Britanniques se sont lancés dans l'achat de leur logement au cours des années
quatre-vingt et doivent faire face à des taux de prêts hypothécaires
exorbitants.
Dans l'ensemble, les classes moyennes, qui ont profité de
l'expansion de la décennie passée et s'étaient ralliées au thatchérisme,
bénéficient de moins d'aisance qu'auparavant.
Or c'est parmi elles que les
défaillances de l'électorat sont les plus dangereuses pour les conservateurs.
Remontée électorale des travaillistes
Les tories (conservateurs) ont précisément essuyé plusieurs défaites électorales
au scrutin pour le Parlement européen de juin 1989, aux partielles du 3 mars
1990 (dans un tiers des circonscriptions) et surtout à l'élection locale du 22
mars dans le Mid-Staffordshire, un des plus solides des bastions des
conservateurs depuis la guerre.
En progressant de 24 points par rapport aux
élections de juin 1987, le Labour (travaillistes) y a réussi le plus important
transfert de voix entre les deux partis depuis 1935.
Ce résultat a confirmé la
remontée du Labour, constatée dans tous les sondages: l'écart entre les deux
partis a dépassé 20%.
Ce succès a aussi encouragé le dirigeant travailliste, Neil Kinnock, à
poursuivre avec obstination la "rénovation" de son parti.
Au congrès de
l'automne 1989, on a ratifié le rejet de la politique de désarmement nucléaire
unilatéral et réaffirmé le tournant résolument pro-européen.
Un programme
économique entérinant les principaux acquis du néo-libéralisme a été présenté:
pas de bouleversement du système fiscal ; pas de dépenses budgétaires excessives
; pas d'interventions étatiques, sinon ponctuelles, dans les entreprises en
difficulté ; des renationalisations envisageables exclusivement pour l'eau,
l'électricité et les télécommunications.
Avec quelques nuances - salaire minimum horaire de 2,80 livres ; indexation des
retraites sur le coût de la vie -, les politiques sociales préconisées
elles-mêmes s'inscrivent dans la continuité du thatchérisme.
En particulier, il
n'est plus question de revenir sur l'essentiel des lois antisyndicales.
Une
orientation justifiée en faisant de la "légalité" le maître-mot et en invoquant
la charte sociale de Bruxelles à l'appui d'une argumentation sur la nécessité de
garantir les droits individuels, fût-ce contre une organisation professionnelle.
Pour Neil....
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