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Russie (1995-1996): La démocratie en balance Il ne suffit pas d'organiser des élections pour que la démocratie fonctionne: tel est...

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« Russie (1995-1996): La démocratie en balance Il ne suffit pas d'organiser des élections pour que la démocratie fonctionne: tel est l'enseignement rappelé par les scrutins de 1995 et 1996 qui pouvaient laisser espérer une forme "calme" de renouvellement du pouvoir. Les élections parlementaires de décembre 1995 avaient constitué un test pour le Kremlin.

Organisées de manière relativement équitable - la Tchétchénie mise à part -, elles ont sanctionné sans ambiguïté la con-duite des affaires.

Le mécontentement social et l'absence de partis politiques susceptibles de soutenir le pouvoir ont contribué à installer majoritairement les formations les plus conservatrices.

Le succès du Parti communiste, ayant obtenu plus d'un tiers des sièges, n'a pas manqué d'effrayer le monde occidental qui a craint de voir se profiler à nouveau une "Russie rouge" et - à l'instar de ce que prétendait la propagande officielle - un retour à la guerre civile. Le scrutin législatif a également mis en relief plusieurs phénomènes appelés à jouer un rôle important.

Certes, l'attrait pour le personnage de l'ultra-nationaliste Vladimir Jirinovski s'est estompé, même si ses "thèses" ont été reprises par d'autres formations, y compris par le pouvoir.

La marginalisation des "démocrates" ou "libéraux" est devenue indéniable: le groupe de Grigory Iavlinski, Iabloko, a obtenu 45 sièges, et celui d'Egor Gaïdar, Choix démocratique de la Russie, n'en a remporté que 9, son leader perdant son statut de député.

Nombreuses sont les formations qui se sont présentées, puisque les électeurs russes ont eu le choix entre une trentaine de groupes, ne représentant pour la plupart qu'un homme ou qu'un slogan, ce qui contribua à disperser les voix. Battre les communistes sur leur terrain Le Kremlin n'a pas tardé à tirer les conclusions de ce scrutin pour sa propre tactique électorale en vue des présidentielles de juin-juillet 1996: prendre le dessus sur les communistes impliquait pour le pouvoir de se battre sur leur terrain.

Le ministre des Affaires étrangères Andreï Kozyrev, considéré comme trop "occidentaliste", a ainsi été mis à l'écart; le "libéral" Anatoly Tchoubaïs a cédé la place à Vladimir Kadannikov, issu du monde industriel.

On a assisté à une montée en force progressive des généraux: le général Koulikov a été nommé ministre de l'Intérieur, le général Barsoukov a pris la tête du FSB (services fédéraux de sécurité), le général Korjakov, proche du président Boris Eltsine et chef de la garde présidentielle, a obtenu le statut de ministre quelques semaines avant le scrutin de juin 1996.

En trois années sont intervenus quelque quatre-vingts changements d'affectation (limogeages, démissions, mises à l'écart) parmi les plus hauts responsables du pouvoir, sans jugements ni même justifications.

Quant au Conseil de sécurité, il conservait un pouvoir décisionnaire prépondérant, même s'il restait occulte. Cette atmosphère d'opacité s'est accompagnée de scandales de palais: le responsable de l'administration présidentielle a révélé qu'il était placé sous surveillance et que, dans son bureau, il préférait répondre par écrit aux questions de ses visiteurs.

Le porte-parole du président, Viatcheslav Kostikov, lui aussi évincé, s'est répandu en révélations sur les moeurs étranges du Kremlin: il a témoigné du peu de penchant du président pour la démocratie et des luttes de clans qui y sévissaient. Les décisions des six premiers mois de l'année 1996 ont été déterminées par l'approche de l'échéance présidentielle de juin-juillet.

Il s'agissait de garder à tout prix le pouvoir.

Deux stratégies allaient s'affronter: l'une prônait un report sine die des élections, l'autre souhaitait que B.

Eltsine jouisse d'une nouvelle légitimité.

Cette division a provoqué une fracture, les deux parties n'hésitant pas à s'affronter ouvertement.

Cette instabilité politique a été mal ressentie par les milieux d'affaires qui ont en vain fait pression pour que se constitue une alliance politique. Dans cette bataille, l'état de santé très dégradé du président a joué un rôle prépondérant: supporterait-il l'épreuve d'endurance physique que suppose une campagne électorale? Deux mois avant les législatives, il fut hospitalisé à la suite de problèmes cardiaques pour ne réapparaître que quelques jours avant le scrutin.

Pourtant, annonçant sa candidature le 15 février 1996, depuis son fief de Sverdlovsk - devenu Ekaterinbourg -, il semblait habité d'une énergie inattendue qui ne l'a pas quitté durant les quatre mois de campagne présidentielle: il a parcouru le pays, multiplié les rencontres, élaboré des stratégies de recomposition géopolitique.

Aux ouvriers et fonctionnaires, il a promis que les retards de salaires seraient rattrapés, aux personnes âgées, qu'une compensation financière pour l'effritement de leur épargne due à l'inflation des cinq dernières années serait accordée. Le 15 mars 1996, la Douma a déclaré caduc le texte scellant en 1991 la fin de l'URSS, provoquant l'inquiétude au sein du pouvoir, mais aussi en Occident et dans les ex-pays du pacte de Varsovie.

Le fragile équilibre établi depuis cinq ans allait-il être remis en cause? La nostalgie de l'empire devenait en tout cas un argument électoral incontournable.

B.

Eltsine a repris l'initiative, concluant avec la Biélorussie, le Kirghizstan et le Kazakhstan un accord de rapprochement pouvant aller, à terme, jusqu'à la constitution d'une banque centrale commune et l'abolition des frontières. Quelle issue au conflit en Tchétchénie? Durant cette période, le président a également fait une "affaire personnelle" du règlement du conflit en Tchétchénie, république qui avait autoproclamé son indépendance en novembre 1991 et que Moscou a décidé de mettre au pas par un décret présidentiel permettant le recours à la force, le 9 décembre 1994.

Le chef du Kremlin a proposé, le 31 mars 1996, un plan de résolution politique de la guerre: arrêt des actions militaires, retrait partiel des troupes et proposition de pourparlers indirects.

Mais cette politique de la main tendue, abondamment reprise par la propagande, est restée lettre morte.

Des négociations rapprochant les deux parties ont été menées sous l'égide de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

La stratégie des combattants tchétchènes, dans cette impasse, est demeurée identique: placer le conflit sur la scène internationale et mobiliser l'opinion russe.

Le 14 juin 1995, un commando tchétchène a pris en otages 2 000 personnes à Boudennovsk (Russie); l'opération a été renouvelée en janvier 1996 au Daghestan, à Kizliar et Pervomaïskaïa (le village a été rasé), les combats entraînant la mort de quatre-vingts otages.

Quelques jours avant la tenue du G7 + 1, le 19 avril 1996, une colonne blindée russe est tombée dans une embuscade faisant près d'une centaine de morts.

Au cours du sommet international, le président Eltsine a, contre toute évidence, affirmé au président américain Bill Clinton qu'il n'y avait plus aucune opération militaire en Tchétchénie et que 19 sur 22 districts avaient déjà signé des accords de paix.

L'Occident, une fois de plus, s'est retranché derrière le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures de l'État russe. Sur le terrain, la situation était d'autant plus confuse que des villages ayant signé des accords de paix étaient quand même bombardés.

Par ailleurs, les combattants tchétchènes multipliaient les attentats contre les principaux chefs de guerre russes: Oleg Lobov, représentant du président en Tchétchénie; Anatoli Romanov, responsable des forces armées grièvement blessé; Dokou Zavgaïev, responsable du gouvernement tchét-chène prorusse.

Le 23 avril 1996, le pouvoir annonçait la mort du président tchétchène Djokar Doudaïev, tué officiellement par un missile sol-air alors qu'il utilisait son téléphone satellitaire. Quelques jours plus tard, on déclarait la disparition de son successeur Zelimkhan Iandarbiev, une nouvelle rapidement démentie.

Quoi qu'il en soit, l'opposition tchétchène se reconstituait inexorablement, se livrant début janvier 1996, par exemple, à un sit-in devant ce qui restait du palais présidentiel de Grozny. Sans la paix en Tchétchénie, le président Eltsine se disait conscient de compromettre sa réélection.

Par l'entremise de l'OSCE, une rencontre était organisée au Kremlin, trois semaines avant les élections, entre B.

Eltsine et le leader indépendantiste Z.

Iandarbiev.

L'entrevue fut tumultueuse, mais les deux parties ont trouvé un accord sur le principe d'un.... »

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