Russie (1996-1997): Second souffle pour Boris Eltsine? L'année 1996 devait être marquée, en Russie, par l'élection présidentielle au suffrage universel....
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Russie (1996-1997): Second souffle pour Boris Eltsine?
L'année 1996 devait être marquée, en Russie, par l'élection présidentielle au
suffrage universel.
Le renouvellement de la Douma (Parlement), le 17 décembre
1995 avait représenté un test riche d'enseignements.
Il avait vu un net
tassement des "démocrates" et des "libéraux", un fort score pour le Parti
communiste de Guennadi Ziouganov (22,3 % des voix et plus d'un tiers des sièges)
et une poussée générale du discours nationaliste et conservateur, porté par de
nombreux candidats et formations.
Pour le "pouvoir", la nébuleuse complexe gravitant autour de Boris N.
Eltsine,
la perspective d'une défaite face au candidat communiste à l'élection de
juin-juillet était devenue un danger très tangible.
Tout allait être mis en
oeuvre pour l'éviter.
Après avoir refusé l'option d'un report du scrutin
défendue par certains de ses proches, notamment Alexandre Korjakov, chef de la
Garde présidentielle - sorte d'armée prétorienne -, B.
Eltsine annonça sa
candidature à sa propre succession le 15 février, depuis son fief de Sverdlovsk.
La popularité du chef de l'État était alors au plus bas, affectée notamment par
les effets d'une transition économique très dure à supporter par la masse d'une
population assistant à l'enrichissement ostentatoire et souvent sans scrupule
d'une petite minorité.
Le pessimisme de l'opinion se nourrissait également du
sentiment de déclassement d'un pays ayant perdu brutalement son rang de
superpuissance, son empire et ses marches d'Europe centrale et orientale.
Enfin,
B.
Eltsine avait à subir l'impopularité de l'intervention des troupes de Moscou
dans le bourbier tchétchène.
La "guerre totale" décidée en décembre 1994 avait
tourné au désavantage de troupes mal équipées, mal encadrées et démoralisées
face à des combattants indépendantistes soutenus par la population.
Le "syndrome
afghan" était dans tous les esprits.
Outre l'état de l'opinion, deux facteurs majeurs semblaient pouvoir faire
obstacle à la réélection du chef de l'État.
D'une part, les rivalités et les
divisions continuaient de marquer son entourage, les cercles du pouvoir
bruissant d'intrigues, et les coups de théâtre se multipliant.
D'autre part,
hospitalisé à plusieurs reprises pour des troubles cardiaques, victime de crises
éthyliques répétées, B.
Eltsine pourrait-il supporter physiquement et
nerveusement une campagne éprouvante? Comme par miracle, il sut, pendant les
quelques mois que dura celle-ci, mobiliser une énergie considérable qui lui
permit de parcourir l'immensité du pays.
Il fit flèche de tout bois pour tenter
de retourner l'opinion et se présenter comme rempart au retour au passé,
n'hésitant pas à dramatiser la situation et à multiplier les promesses, parfois
fort démagogiques.
Il s'agissait pour lui de tenter de répondre aux
revendications et aux aspirations de catégories clés de l'électorat telles que
les retraités âgés ou les militaires et leurs familles - afin de concurrencer le
candidat communiste sur un terrain qui lui était favorable; lui qui jouait sur
la nostalgie de grandeur et de puissance et sur le thème du partage plus
équitable des richesses.
B.
Eltsine savait par ailleurs pouvoir compter sur l'appui des grands pays
industriels, lesquels se montraient soucieux d'une stabilisation politique de la
Russie et de la poursuite de ses réformes.
Ainsi, un prêt de 10,2 milliards de
dollars fut accordé à Moscou par le FMI (Fonds monétaire international) le 22
février 1996 et le G-7 (Groupe des sept pays les plus industrialisés) apporta un
soutien explicite au candidat Eltsine le 20 avril tandis que le club de Paris
réunissant les créanciers acceptait un rééchelonnement de la dette russe sur
vingt-cinq ans.
Restait la question du conflit en Tchétchénie.
Les indépendantistes avaient mené
en juin 1995 (à Boudennovsk), puis en janvier 1996 (à Pervomaïskaia, au
Daghestan), deux spectaculaires prises d'otages destinées à attirer l'attention
de l'opinion internationale sur cette guerre caucasienne.
Soucieux de redorer
son image avant l'élection, B.
Eltsine acceptait, par un accord signé à Moscou
le 27 mai, le principe d'un cessez-le-feu devant intervenir le 1er juin et la
libération de tous les prisonniers.
Le 10 juin, six jours avant le scrutin, un
autre accord était signé à Nazran (Ingouchie), prévoyant le désengagement des
troupes russes avant la fin août.
Au premier tour de l'élection présidentielle, le 16 juin, B.
Eltsine obtint 35,3
% des voix, talonné par le terne communiste G.
Ziouganov (32 %), le général
Alexandre Lebed venant au troisième rang avec 14,5 % des suffrages.
Ce dernier,
qui s'était fait connaître en dirigeant la 14e armée russe stationnée en
Transdniestrie (tentative de sécession russophile en Moldavie) aime à présenter
un profil de centurion soucieux de remettre la Russie en ordre.
Il est devenu
l'arbitre du second tour.
Le 18 juin, B.
Eltsine lui proposait le poste de
secrétaire du Conseil de sécurité et affirmait reprendre à son compte son
programme en matière de sécurité intérieure.
Il semblait en quelque sorte le
charger de le mettre en oeuvre à ses côtés, sans toutefois préciser la nature
exacte des pouvoirs qu'il lui confiait.
Le rôle d'Alexandre Lebed et l'avenir de la Tchétchénie
Le coeur du pouvoir russe connut de nouveaux coups de théâtre.
Le ministre de la
Défense (en charge de la guerre en Tchétchénie) était écarté ainsi que trois
personnalités clés "étatistes", réputées peu favorables aux réformes économiques
libérales: l'éminence grise Alexandre Korjakov, le chef des services fédéraux de
sécurité Mikhaïl Barsoukov et le vice-Premier ministre Oleg Soskovets.
Le second tour marqua la victoire sans surprise de B.
Eltsine avec 53,7 % des
voix contre 40,4 % au candidat communiste.
Aussitôt, le Premier ministre sortant
Viktor Tchernomyrdine était reconduit dans ses fonctions.
Dès le 9 juillet, les
troupes de Moscou reprenaient leurs bombardements en Tchétchénie, en violation
des accords de Nazran.
Elles subissaient cependant bientôt l'humiliation de voir
les indépendantistes reconquérir une partie de leur capitale, Grozni.
Alexandre
Lebed était nommé représentant personnel de B.
Eltsine en Tchétchénie et chargé
de renouer les négociations de paix.
Le 31 août, il signait à Khassaviourt, avec le chef indépendantiste Aslan
Maskhadov, une déclaration commune et un accord bilatéral portant sur les
fondements des relations futures entre Russie et Tchétchénie, le statut de
celle-ci devant être défini sous cinq....
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