Russie (1997-1998): Crise financière et crise politique Avant que n'éclate la très grave crise financière de l'été 1998 - à...
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Russie (1997-1998): Crise financière et crise politique
Avant que n'éclate la très grave crise financière de l'été 1998 - à laquelle
s'est ajoutée une crise politique -, l'année 1997-1998 avait été marquée par les
incertitudes liées à la santé du président Boris Eltsine, la perspective de
l'élection présidentielle de l'an 2000, la lutte entre différents groupes
politico-financiers et les vaines tentatives de construction d'une identité
nationale.
La vie politique était restée rythmée par l'opposition entre les pouvoirs
exécutif et législatif autour de questions essentielles comme le budget, le code
fiscal, le code foncier, l'abolition de la peine de mort et certains aspects de
politique extérieure.
Une Constitution très favorable au pouvoir exécutif et les
craintes d'une dissolution de la Douma (Parlement) avaient néanmoins jusqu'alors
joué en faveur du président, même si des terrains d'entente avaient été trouvés
avec le Parlement - dont le " speaker " Guennadi Seleznev, un représentant de la
fraction communiste, n'avait cessé de gagner en importance dans le jeu
politique.
Le 22 octobre 1997, la Douma avait retiré une motion de censure
contre le gouvernement, alors que B.
Eltsine promettait de créer des instances
de négociation avec les fractions parlementaires.
Moscou et les " régions "
Le régime, " désidéologisé " et composite, laisse une large place à des
alliances mouvantes et des pratiques informelles de réseaux.
Au gré des
circonstances, B.
Eltsine, sans projet politique clairement défini, a intégré à
son équipe des membres de l'opposition choisis pour leur personnalité : la
promotion au poste de ministre des Finances de Mikhail Zadornov, membre du parti
réformiste labloko, en novembre 1997, a procédé de cette logique.
Les régions
ont continué d'affirmer leur autonomie, et les plus riches de jouer, à travers
leurs élites, un rôle important dans l'élaboration de la politique fédérale.
Le
général Alexandre Lebed a été élu à la fonction de gouverneur de Krasnoïarsk, le
17 mai 1998, contre l'ancien gouverneur soutenu par louri Loujkov, le maire de
Moscou.
Cette victoire de celui qui avait contribué à la réélection de B.
Eltsine à la Présidence en 1996 et qui, nommé secrétaire du Conseil de sécurité
en août 1996, avait joué un rôle clé dans la résolution du conflit
russo-tchétchène est apparue comme un tremplin possible vers une candidature à
l'élection présidentielle de l'an 2000.
De son côté, et pour la dernière fois en
mai 1998, le pouvoir fédéral a promulgué un oukase présidentiel pour tenter de
stabiliser les flux de ses subventions, tout en forçant les " régions " (sujets
de la Fédération) à la rigueur financière.
Dans le cas particulier de la
Tchétchénie, malgré la normalisation de façade entre le pouvoir local élu et
Moscou (intervenue après deux années de guerre), l'intérêt économique
stratégique du Nord-Caucase a continué de nourrir une forte instabilité, marquée
en particulier par la recrudescence des prises d'otages et qui pourrait gagner
toute la région, comme l'ont montré diverses opérations au Daghestan.
Et il
n'était pas certain que la création par le Conseil de sécurité, le 25 mai 1998,
d'un organe gouvernemental chargé du dossier ait été plus qu'une annonce de
bonnes intentions.
Contrôler les privatisations
Les privatisations, pilier des transformations socio-économiques en Russie, sont
demeurées au cœur de la vie politique.
La présence fluctuante autour du pouvoir
de grands groupes financiers - se partageant le monde des médias - explique la
plupart des mouvements de personnel politique.
Pourtant, le discours étant en
Russie une part importante de l'action publique, B.
Eltsine n'a pas cessé au
cours de l'année écoulée d'affirmer la nécessité de contrôler les privatisations
et de lutter contre l'arbitraire d'une oligarchie financière.
Une nouvelle
loi-cadre sur " la privatisation des biens d'État et la privatisation des biens
municipaux dans la Fédération de Russie " a été adoptée le 28 juillet 1997,
tentant de redéfinir les règles du jeu de façon plus claire.
Si plus de 80 % des entreprises n'appartiennent plus à l'État, la collusion
entre le pouvoir et les intérêts économiques, et le maintien des habitudes
économiques anciennes ont continué de considérablement freiner les changements
structurels : les investissements restant faibles, les mises en faillite
d'entreprises non productives étant peu nombreuses, le maintien d'une
main-d'œuvre inactive et impayée étant préféré aux licenciements.
Ces pesanteurs
expliquent en grande partie la fragilité de l'économie russe.
Les efforts accomplis de manière constante depuis 1995 en vue d'atteindre à la
stabilité monétaire interne et externe semblaient pourtant avoir porté des
fruits : l'inflation paraissait désormais sous contrôle (11,0 % en 1997) et la
politique de stabilité du change était perçue comme ayant acquis une réelle
crédibilité.
La redénomination du rouble (1 000 anciens roubles devenant 1
nouveau rouble), le 1er janvier 1998, s'était déroulée très correctement, malgré
les précédents fâcheux de 1991 et 1993.
Sur ce terrain en apparence stabilisé,
on avait observé en 1997, pour la première fois depuis le début des réformes,
une croissance, encore très timide, du PIB (0,4 %).
Les évolutions sectorielles
et régionales restaient cependant contrastées, la capitale et les industries
d'extraction et de première transformation ayant seules fait preuve de
dynamisme.
La situation financière extérieure n'apparaissait en outre pas
assurée : la baisse des prix du pétrole était de nature à provoquer un déficit
des transactions courantes en 1998.
Elle a conduit les autorités à affirmer leur
souci de coopérer avec l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole).
Crise monétaire et marasme financier
Surtout, la Russie était confrontée à une profonde crise des finances publiques.
Le déficit budgétaire a été contenu en 1997 à 6,1 % du PIB, au prix de gel de
crédits très importants qui ont alimenté la crise des impayés et l'accumulation
des arrières des salaires.
En effet, la collecte fiscale est restée extrêmement
faible, les ressources fédérales se limitant à 9 % du PIB, et le projet de
nouveau code fiscal est resté bloqué par la Douma.
Dans ces conditions, les
autorités ont recouru dans des proportions toujours croissantes à l'endettement,
tant interne qu'externe, dans des formes qui n'ont été soutenables que grâce à
la forte détente des taux d'intérêt et à l'engouement certain pour les titres
russes sur les marchés internationaux.
Or, cette conjoncture s'est retournée à l'automne 1997, et plus encore au
printemps 1998.
Malgré les signaux positifs que constituaient le compromis
acquis le 4 mars sur le budget 1998 et le nouvel élan donné à la réforme de
l'administration fiscale, les marchés ont mal réagi à l'échec, au mois de mai,
de la privatisation de la société pétrolière Rosneft, qui a encore souligné le
risque d'une contagion de la crise asiatique, et la Banque centrale a dû, pour
défendre le rouble, accepter une remontée spectaculaire de ses taux d'intérêt.
Si le FMI s'apprêtait à relancer son programme de prêts de 1995, bloqué en
raison des faibles résultats des réformes de structure, les pays du G-7, réunis
du 15 au 17 mai à Birmingham, révélaient le souci de n'a pas s'engager
immédiatement dans un soutien massif à l'économie russe.
Dans ce contexte économique difficile, se traduisant en particulier par la
carence des systèmes de protection sociale, alors que s'observait une réelle
défiance à l'égard des institutions politiques - alimentée par les affaires de
corruption -, une partie de la société russe a manifesté son....
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