Russie (1999-2000): Un nouvel autoritarisme ? Boris Eltsine aura donné à sa sortie de la vie politique une qualité théâtrale...
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Russie (1999-2000): Un nouvel autoritarisme ?
Boris Eltsine aura donné à sa sortie de la vie politique une qualité théâtrale
aussi remarquée que celle de son entrée, juché sur un char et s'opposant à la
tentative de putsch d'août 1991.
Il a choisi le 31 décembre 1999 pour annoncer
sa démission des fonctions de président, se déclarant désireux de voir la Russie
entrer dans le nouveau millénaire avec un homme nouveau, son dauphin désigné,
Vladimir Poutine, et demandant pardon à la population pour ses espoirs déçus.
Par ces paroles solennelles, il a clôturé, dans un climat de relative sérénité,
une année politique qui aura été marquée par la valse des Premiers ministres
(trois en un an), les scandales éclaboussant ceux que l'on désigna sous le terme
de "Famille" (le clan familial intégrant les grands "argentiers" proches du
pouvoir), et couronnée par une campagne électorale (législatives) qu'on a pu
qualifier comme étant "la plus sale" qu'ait connue la Russie démocratique.
Poutine, l'incarnation d'une nouvelle identité nationale ?
Le nouvel homme fort de la Russie, V.
Poutine, aura été à la fois inattendu
(ceux qui ont renversé la statue de Félix Djerzinski, père de la police
politique soviétique, n'auraient alors jamais imaginé leur pays gouverné dix ans
plus tard par un ancien officier du KGB) et attendu (l'idée que seule une "main
de fer" peut assurer la transition vers la "vraie" démocratie ralliait de plus
en plus d'adeptes depuis quelque temps).
La mobilisation autour de V.
Poutine
est-elle une étape vers un nouvel autoritarisme ?
Surgi de l'ombre dans les circonstances dramatiques et troubles d'une nouvelle
guerre en Tchétchénie, précipitée par des attentats "terroristes" meurtriers à
Moscou et en province au mois de septembre 1999, V.
Poutine a incarné, dès sa
nomination aux fonctions de Premier ministre, au mois d'août, l'ordre et la
fermeté sans que ce discours, pas plus que l'irruption sur la scène politique
d'un nouveau successeur désigné de B.
Eltsine ne rencontrent grande résistance.
Il bénéficie d'abord d'une cote de popularité en hausse constante.
Le parti,
"Unité", créé sous son égide à trois mois des élections législatives et crédité
initialement de 4 % des intentions de vote, recueillera finalement 23 % des
suffrages exprimés le 19 décembre (talonnant le Parti communiste qui en
obtiendra 24 %).
Vladimir Poutine est finalement élu le 26 mars dès le premier
tour, avec 52,9 % des voix, devançant largement le candidat communiste Guenadi
Ziouganov (qui recueille 29,2 % des suffrages).
Cette ascension ne s'explique pas par la seule "désinformation", facilitée par
la mise au pas, durant cette période, des médias.
Le choix des électeurs a
exprimé des tendances à l'œuvre dans la société russe depuis quelque temps.
Il y
avait eu au printemps 1999 le "traumatisme" de l'intervention occidentale au
Kosovo (avec ses bombardements sur un pays slave traditionnellement allié de la
Russie et, qui plus est, orthodoxe, la Serbie), venant quelques mois à peine
après une autre blessure, celle de la crise financière d'août 1998.
Ces deux
événements, soulignant à quel point la Russie avait perdu son statut de grande
puissance, ont exacerbé les sensibilités nationalistes et réactivé le thème du
complot des puissances occidentales s'efforçant de mettre la Russie à genoux.
Sous cet angle, on comprend mieux le soutien de la population russe à
l'intervention militaire en Tchétchénie (à la différence de ce qui s'était passé
lors de la précédente guerre en 1994-1996) : résister à la condamnation de
l'opinion publique occidentale, c'est tenir tête à l'Occident (notamment lors du
sommet de l'OSCE - Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe - à
Istanbul en novembre 1999), c'est restaurer une dignité nationale mise, ces
dernières années, à rude épreuve.
C'est une revanche à l'humiliation, vécue au
quotidien par une population dont les conditions de vie se sont dégradées encore
plus avec la crise d'août 1998, vue par certains comme un effet de mécanismes
pervers venus de l'Occident, par d'autres comme un abandon, une aide
insuffisante de la part de ce même Occident.
Le sursaut national est allé de
pair avec une certaine nostalgie du consensus.
Et ce n'est pas un hasard si le
nom et la mascotte choisis pour le "parti du pouvoir" fait sur mesure pour V.
Poutine ont été respectivement "Unité" et l'Ours, figure emblématique nationale.
Mais cette poussée nationaliste se veut surtout patriotique et s'accompagne
d'ailleurs du déclin du parti ultranationaliste de Vladimir Jirinovski.
Son
impact sur la politique étrangère est apparu ambigu : certes, le discours
antiaméricain s'est fait de plus en plus virulent et la nouvelle doctrine
militaire rendue publique en octobre 1999, plus agressive, mais la Russie a
continué à participer activement aux négociations internationales stratégiques,
et Bill Clinton a pu s'exprimer devant la Douma en juin 2000.
"La dictature de la loi" et "la verticale du pouvoir"
Enfin, le soutien à V.
Poutine a été assurément un vote pour l'ordre.
Non pas un
vote contre les libertés (qui restent précieuses aux yeux de l'opinion
publique), mais un vote contre le chaos, politique ou économique : "la dictature
de la loi" est devenu un slogan fédérateur.
Les opérations militaires en Tchétchénie, auxquelles on n'a pas donné le nom de
guerre, se sont inscrites dans cette logique, et cela distingue ce conflit du
précédent, qui se disait réponse à une sécession.
L'adversaire a été qualifié de
"bandit" et la prise de la capitale, Grozny, comparée à celle de Berlin.
Dès
lors, la solution politique aux hostilités était exclue car il n'y a pas de
négociation possible avec des hors-la-loi.
Et les champs de ruine, les cortèges
de réfugiés et les "camps de filtration" n'étaient plus que les attributs
inévitables de la lutte pour une cause juste, où les soldats russes meurent non
plus victimes des erreurs militaires de leurs officiers, comme en 1994-1996,
mais du fait de guet-apens ou d'attentats suicides, qui non seulement témoignent
de la "perfidie ennemie", mais également expliquent que perdure ce qui devait
être une opération de police expéditive.
Dans quelle mesure l'arrivée au pouvoir de V.
Poutine en marque-t-elle
l'avènement ? Les premières mesures adoptées par le nouveau président, dès sa
prise de fonction en mai, témoignent effectivement d'une volonté de restaurer
l'ordre fédéral.
Il s'agit pour le pouvoir central de réaffirmer sa primauté sur
des pouvoirs régionaux qui se sont montrés au fil des ans de plus en plus
indépendants et dont le poids a été particulièrement sensible lors de la
campagne des élections à la Douma.
Le bloc électoral né de l'association entre
le maire de Moscou Iouri Loujkov et l'ancien Premier ministre Evgueni Primakov,
"Patrie-Toute la Russie", soutenu par un bon nombre de gouverneurs, l'emporta
lontemps dans les sondages mais ne remporta finalement que 13 % des suffrages et
c'est sans doute ce qui a suscité la création du parti poutinien "Unité" qui a
dû, lui aussi, courtiser les gouverneurs de région.
Néanmoins, V.
Poutine a affirmé son intention de faire respecter "la verticale
du pouvoir", selon l'expression qui s'est imposée en Russie, notamment en créant
sept super-régions (districts fédéraux) dirigées par des représentants du
président, nommés par lui, chapeautant les 89 entités régionales de la
Fédération et veillant à ce que celles-ci n'adoptent pas de réglementations
contraires à la loi fédérale.
Le choix de ces représentants (cinq sur sept étant
issus de l'armée....
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