Russie (2000-2001): Une opposition introuvable Un an après l'élection de Vladimir Poutine à la présidence, en mars 2001, 70 %...
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Russie (2000-2001): Une opposition introuvable
Un an après l'élection de Vladimir Poutine à la présidence, en mars 2001, 70 %
de la population disait lui faire toujours confiance.
La chute de popularité
qu'avaient occasionnée le tragique naufrage du sous-marin nucléaire Koursk en
août 2000 et l'attitude des autorités pendant ces événements n'avait donc été
que ponctuelle.
La Russie persistait à associer majoritairement son nouveau
président à une époque nouvelle, espoir qu'il ne fit que raviver en ponctuant
d'un remaniement ministériel, en mars 2001, l'anniversaire de son accession au
pouvoir.
Le remplacement de quelques personnalités marquées comme étant des
proches de son prédécesseur Boris Eltsine par des fidèles du nouveau président,
qui plus est à des postes clés (Sergueï Ivanov, vieil ami, issu comme lui du FSB
[Service fédéral de sécurité, successeur du KGB], à la tête des armées et Boris
Gryzlov, leader du groupe Unité qui avait œuvré pour sa victoire, à la direction
du ministère de l'Intérieur), a été commenté dans la presse russe comme la
preuve d'une véritable prise en main de l'équipe gouvernementale.
L'optimisme
suscité par ces nominations, supposées signaler le vrai commencement de l'"ère
Poutine", a assourdi d'autres commentaires qui soulignaient quant à eux que
cette année de présidence nouvelle n'avait pas vraiment représenté un bond en
avant.
Qu'est-il donc advenu en un an des thèmes qui avaient porté V.
Poutine au
pouvoir ? Le problème tchétchène n'a pas été résolu.
La nouvelle guerre,
commencée à l'automne 1999 après une vague d'attentats meurtriers attribués aux
"bandits" (rebelles) tchétchènes, s'est poursuivie à huis clos, s'enlisant à la
manière de la première (celle de 1994-1996) et le mois de mars 2001 a encore été
marqué par de nouveaux attentats.
Les opérations armées restaient la règle alors
que la solution négociée avait désormais la faveur de la population, selon les
instituts de sondage.
La "verticale du pouvoir", autrement dit la reprise en main des régions par le
centre, et la lutte contre la corruption ont bien connu quelques mises en
application.
Mais les modalités du recours au droit dans la mise au pas des
"fautifs" ont pu faire penser à des règlements de comptes.
Qu'il s'agisse
d'écarter de la course au renouvellement de son mandat de gouverneur de la
région de Koursk l'impétueux Alexandre Routskoï (qui avait fait partie des
leaders politiques refusant la dissolution du Parlement en 1993 et en avait
occupé le bâtiment), moins de 24 heures avant le scrutin, au nom d'infractions à
la législation électorale.
Ou qu'il s'agisse, à la faveur d'un imbroglio
juridico-financier, de faire passer sous la tutelle de Gazprom, institution
éminemment proche de l'État, la chaîne de télévision NTV, obstinée à porter un
regard critique sur les agissements du pouvoir, et de profiter de l'occasion
pour en changer le personnel de direction.
Ces différents événements n'ont pourtant pas suscité de mobilisation de masse.
Les victimes de ce qui ressemble à une justice sélective n'ont pas été
transformées en icônes de la démocratie.
Et même la mise au pas des médias n'est
pas apparue comme une attaque fondamentale à une liberté de parole, déjà bien
entamée depuis la prise de contrôle de la presse par les grands groupes
financiers.
Vraie ou fausse rupture ?
De façon générale, on n'a pas vu se constituer d'opposition forte à la politique
de V.
Poutine.
Un pacte social avec la population a été scellé : les retards de
paiement aux retraités et agents de l'État ont quasiment disparu, le niveau de
vie moyen a arrêté de se dégrader.
La fronde qu'avait occasionnée la lutte
contre les barons régionaux s'est éteinte.
Les sept super-préfets nommés en mai
2000 pour rappeler aux dirigeants locaux les règles fédérales n'ont pas
fondamentalement changé le paysage politique local : un équilibre semble avoir
été atteint, caractéristique de la stabilité politique instaurée.
L'adoption
d'un "nouvel" hymne en décembre 2000, outre qu'elle a symbolisé la volonté de
faire entrer la Russie dans le nouveau millénaire avec une identité étatique
retrouvée, a incarné l'art du compromis semblant le plus souvent primer.
L'hymne
emprunte en effet à l'héritage de l'URSS (Union des républiques socialistes
soviétiques) sa mélodie (un temps évincée par le nouvel hymne éphémère de
l'époque Eltsine), Sergueï Mikhalkov, déjà parolier de l'hymne soviétique, ayant
offert aux temps nouveaux des paroles nouvelles.
Cette adoption a été le fait du
Conseil d'État, institution créée pour offrir une scène politique nationale aux
élites régionales évincées du Conseil de la Fédération.
Les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif se sont eux aussi
pacifiés.
Le budget 2001, en équilibre, a été adopté dans les temps, ce qui
n'avait pas eu lieu depuis de longues années.
Le chantier des lois en devenir a
régulièrement progressé : après le nouveau Code fiscal, on attendait la
discussion du nouveau Code agraire (qui, à défaut de résoudre le problème de la
crise profonde de l'agriculture russe, rendrait plus claires les règles de la
cession de terrains et de terres), un nouveau Code du travail (dont la
discussion a été plusieurs fois reportée, étant donné la résistance suscitée par
le caractère très libéral du projet gouvernemental, faisant une part plus grande
aux exigences de flexibilité qu'à celles de protection du travail) et surtout la
réforme judiciaire.
L'adoption d'une loi sur les partis était aussi à l'ordre du jour.
Le projet
gouvernemental a retenu le principe du financement des partis sur le budget de
l'État, en fonction du résultat des élections.
Cette proposition a été critiquée
pour figer le rapport de force existant et instaurer une dépendance par rapport
au pouvoir central, susceptible d'alimenter la méfiance déjà grande de
l'électorat.
Ce projet implique également une réduction du nombre de partis,
ceux-ci devant remplir certaines contraintes quantitatives pour pouvoir être
enregistrés (nombre d'adhérents, implantation dans plus de la moitié des "sujets
de la Fédération", à savoir les régions et républiques).
Le parti labloko, qui
représentait l'association des idées libérales et des préoccupations sociales, a
semblé d'emblée menacé par la clarification du champ politique.
Son image
d'"éternel opposant" n'est plus apparue "dans l'air du temps", comme l'avait
déjà attesté sa contre-performance des élections de décembre 1999.
Et des
désaccords au sein de son groupe dirigeant ont semblé vouer à l'échec une
tentative de fusion avec l'Union des forces de droite, bloc constitué en 1999 en
vue de ces mêmes élections et qui, au printemps 2001, tentait de se transformer
en parti.
L'image du Parti communiste de Russie comme "opposition loyale" s'est
quant à elle confirmée.
La motion de censure du gouvernement, déposée (sans
effet) à son initiative en mars, visait le Premier ministre Mikhail Kassianov et
son équipe, V.
Poutine quant à lui étant tenu à l'écart des reproches émis.
L'évolution semblait dessiner un système ternaire, avec un parti du pouvoir
(rôle jusqu'alors tenu par Unité, et fonction renforcée par la nomination au
poste de ministre de l'Intérieur du leader de ce groupe à la Douma), une aile
gauche (le Parti communiste) et une aile droite (l'Union des forces de droite).
Un choix libéral à confirmer
Le volet économique est apparu comme secondaire dans cette première année de la
présidence Poutine et ne dépassant guère les déclarations d'intention du chef de
l'État.
Ce dernier, notamment dans son "Adresse à la Douma" en mars 2001, a
réaffirmé son attachement aux idées libérales.
La mise à distance des oligarques, tant attendue, a été sélective.
Pour
certains, ce fut l'expatriation.
Pour d'autres, l'exil à la périphérie du pays
est passé par une promotion certaine : ce fut le cas de Roman Abramovitch,
"géant" du pétrole, devenu gouverneur de la Tchoukotka, en Extrême-Orient.
En
revanche, Boris Berezovski et Vladimir Goussinski ont....
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