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Russie (2001-2002): Les ambiguités du «phénomène Poutine» Deux ans après l'accession au pouvoir du successeur de Boris Eltsine, le «phénomène...

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« Russie (2001-2002): Les ambiguités du «phénomène Poutine» Deux ans après l'accession au pouvoir du successeur de Boris Eltsine, le «phénomène Poutine» persistait, 70 % des Russes interrogés déclarant leur intention d'accorder au président en exercice leur suffrage lors des prochaines élections.

Si Vladimir Poutine n'avait pas opéré de miracles, il n'engendrait pas non plus de crises majeures, et ses actions, en dépit de leur caractère parfois contradictoire, introduisaient une clarté que la population appréciait après les années de transition convulsives.

Certaines ambiguïtés n'en demeuraient pas moins. Une démocratie maîtrisée ou dirigée ? La transformation du paysage politique s'est poursuivie.

Les proches du président, issus du «groupe de Saint-Pétersbourg» ou des services spéciaux, ont continué de remplacer des personnalités associées au «clan Eltsine», que ce soit à des fonctions ministérielles (Sergueï Ivanov à la Défense, mars 2001), à des postes de contrôle (Mikhaïl Fradkov à la police fiscale, mars 2001), ou à des missions économiques (Alekseï Miller à la tête du conglomérat Gazprom). La «verticale du pouvoir» (autrement dit la reprise en main des régions par le Centre) réaffirmée en 2000 a fait son chemin.

La fronde des gouverneurs a été mise en sourdine, même si l'harmonisation des législations régionales et centrales n'était pas achevée ; et, si certains d'entre eux ont arraché l'autorisation de briguer un troisième mandat, ils ont perdu leur principale tribune, le Conseil de la Fédération, passé sous la direction d'un proche du chef de l'État, Sergueï Mironov (décembre 2001). Les autorités régionales n'y siègent plus en personne, mais désignent des représentants dont le profil (hauts fonctionnaires ou émissaires de grands groupes financiers et industriels) confirme que la Chambre haute a pour vocation de remplir des fonctions de lobbying, le débat politique n'étant décidément pas à l'ordre du jour.

La docilité est devenue également le lot de la Douma (Parlement) qui adopte, plus ou moins rapidement, tous les projets de loi gouvernementaux.

L'alliance des anciens rivaux de la campagne électorale de 1999 assure une majorité présidentielle (238 sièges sur 450), avec la fusion des partis Edinstvo («Unité», dirigé par Sergueï Choïgou, ministre des Situations d'urgence) et Patrie-Toute la Russie (avec notamment le maire de Moscou, Iouri Loujkov) en un groupe, Russie unitaire, qui a pu être qualifié de «parti du pouvoir».

L'échiquier politique a été clarifié avec, en théorie, une coalition centriste, une aile gauche constituée par le Parti communiste, et une aile droite représentée par l'Union des forces de droite.

En pratique, le parti Iabloko, qui joua longtemps le rôle d'une opposition libérale soucieuse d'équité sociale, a été marginalisé, la base de l'Union des forces de droite s'est effritée et les transfuges de ces deux partis, traversés par de nombreuses scissions, ne sont pas arrivés à constituer un vrai groupe d'opposition.

Quant au Parti communiste, il a vu en mars 2002 ses positions fragilisées par la perte de ses présidences de commissions à la Douma, tandis que le refus du président (communiste) de l'Assemblée, Guennadi Seleznev, de démissionner de son poste comme le lui demandait le chef de son parti, Guennadi Ziouganov (ce qui lui a valu d'être exclu du parti) soulignait les dissensions le parcourant.

En fait, le pays entrait déjà, avec un an et demi d'avance, en campagne électorale, à cette nuance près que les partis semblaient plus briguer les suffrages du Kremlin que ceux de l'électorat.

La faible cote de popularité de «Russie unitaire» justifiait en effet les tentatives de création d'autres partis «pro-présidentiels», tel le Parti de la vie, initié par Sergueï Mironov, président du Conseil de la Fédération. Dans le même temps, la mise au pas des médias s'est poursuivie.

La presse écrite a été en butte à de nombreux procès pour diffamation.

TV6, où avaient trouvé refuge les grandes figures de NTV (la chaîne de Vladimir Gussinski, passée aux mains de Gazprom au printemps 2001), est tombée à son tour sous le prétexte de son bilan commercial négatif.

Si l'équipe de son présentateur vedette, Evgueni Kisselev, est revenue à l'écran (avec le sigle TVC), c'est sous la houlette d'un consortium consacrant une alliance entre des entrepreneurs proches du Kremlin et les représentants des anciennes élites économiques tels qu'Arkadi Volski (chef de l'Union des industriels et des entrepreneurs) et Evgueni Primakov (ex-Premier ministre, devenu président de la Chambre de commerce et d'industrie russe). Cet épisode a consacré la fin - dans une indifférence certaine - d'une télévision frondeuse, certes écoutée, mais réprouvée pour ses liens avec les oligarques.

L'opinion publique a semblé s'accommoder de ces divers «arrangements» avec les principes démocratiques qui, au prix d'un affaiblissement des contre-pouvoirs, assurent la stabilité politique, fût-elle très liée à la personne du président.

Selon certains analystes, ce nouvel avatar de la «modernisation par en haut» conviendrait à une société devenue politiquement léthargique, épuisée d'avoir couru après le mirage démocratique. À défaut donc d'un vrai partenariat avec la société, Vladimir Poutine a multiplié les opérations de communication, que ce soit en dialoguant avec les internautes ou en réunissant une centaine d'ONG (organisations non gouvernementales) russes au sein d'un «forum civil» (novembre 2001).

Le président a proclamé son souci de la santé morale et physique de ses compatriotes : il a lancé un programme pour résoudre le problème des enfants abandonnés, affirmé son désir de revaloriser les activités sportives (les stades, devenus marchés de plein air, devant être rendus à leur vocation première), pris la tête d'un «comité pour la science» ayant pour mission de sauver ce fleuron de l'héritage soviétique, convoqué une réunion gouvernementale sur les manuels d'histoire, rappelé la nécessité de l'«éducation patriotique» des jeunes...

Ce paternalisme énergique a sans doute alimenté la comparaison de Vladimir Poutine avec le tsar réformateur Alexandre II, les évolutions autoritaires étant acceptées au nom d'hypothétiques vraies réformes. «Normalisation» ou stagnation ? Le travail législatif a en effet poursuivi son cours, facilité par la fin des escarmouches entre la Douma et le pouvoir exécutif.

Les cadres réglementaires de l'activité économique ont été mis en place.

Le nouveau Code foncier, objet de débats passionnés, a été finalement adopté (légalisant successivement la pratique, déjà largement répandue, des ventes de terrains - septembre 2001 -, puis des terres agricoles - juin 2002), et le nouveau Code du travail l'a été en février 2002.

La seconde partie du Code fiscal, avec notamment la réduction à 24 % du taux de l'impôt sur les bénéfices (au lieu de 35 %), a été signée par Vladimir Poutine en août 2001. La débureaucratisation de l'économie devrait être le prochain grand chantier. L'importance accordée par le ministre du Développement économique Guerman Gref à cette dérégulation (avec notamment la diminution sensible du nombre d'activités soumises à licence) ne doit pas faire oublier que le principal problème demeurait le respect des règles par les opérateurs économiques.

Les activités qui devraient alimenter le tissu, toujours très faible, des PMI (petites et moyennes industries) demeurent massivement dans l'illégalité (un train de mesures incitatives, notamment fiscales, annoncé en mars 2002, devait contribuer à les faire sortir de l'ombre).

L'État, en dépit du discours officiel, n'a pas encore réussi.... »

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