S É V I G N É marquise de [Marie de RABUTIN-CHANTAL] 1626-1696 Épistolière, née à Paris. Bourguignonne d'origine -...
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S É V I G N É
marquise de
[Marie de RABUTIN-CHANTAL]
1626-1696
Épistolière, née à Paris.
Bourguignonne d'origine - comme Colette-,
orpheline à l'âge de sept ans, la petite Marie est élevée par son oncle,
l'abbé Christophe de Coulanges, et mariée dès sa dix-huitième année au
marquis de Sévigné, qui la néglige fort et meurt à la suite d'un duel, la
laissant veuve à vingt-six ans (1651).
Dès lors, elle délaisse un peu la
cour et fait des « retraites» de plus en plus fréquentes en son château
des Rochers, près de Vitré, non sans se permettre quelques réap
paritions (dès 1654) à l'hôtel de Rambouillet.
Car la Marquise est une
« précieuse » ; c'est du moins ce qu'affirme Guy de Pourtalès (dans
l'ouvrage collectif Tableau de la littérature française).
Ajoutons que le
même Pourtalès la traite ailleurs de « bourgeoise »; et, un peu plus
loin, de « paysanne ».
Au total on ne peut mieux dire.
Outre que pas
un de ces qualificatifs n'est pour elle infamant, il faut la louer de laisser
cohabiter dans son âme, et par suite dans son style, trois vertus aussi
incompatibles en apparence.
Tout crève ici de blé, écrit-elle à la belle
Madelonne, sa fille; et voilà qui n'est pas d'un style trop précieux.
Aussi
bien le mariage de cette fille tendrement chérie (1669) avec M.
de Gri
gnan, qu'elle devra suivre en son gouvernement de Provence, va-t-il
donner à la marquise de Sévigné sa« plus grande chance» : désormais,
et jusqu'à sa mort à l'âge de soixante-dix ans, elle assurera la liaison du
monde jusqu'à sa fille.
Et elle trouvera par là le meilleur prétexte pour
ne pas se couper du monde elle-même.
Mais d'abord, qu'est-ce que ce« monde» dont la fille et la mère sem-
blent également friandes? C'est la cour, et c'est aussi la ville.
Donc deux
mondes à vrai dire : naguère encore réunis à Paris, par une vague conti
guïté, voilà qu'ils se séparent (en ces années 70 et 80, précisément), de
façon de plus en plus surprenante et flagrante aux yeux de l'Europe
entière.
Car Louis XIV vient d'entraîner à sa suite, dans sa capitale arti
ficielle de Versailles, la cour tout d'abord, puis bientôt (mai 1682) les
ministres et l'ensemble des services administratifs de l'État, laissant la
ville, avec ses robins de parlement tout autant que ses intellectuels de
salons, frustrés dans leur rôle traditionnel de diffuseurs de l'« esprit
français».
Ce divorce pour incompatibilité d'humeur, dont l'interminable pro
cédure donnera lieu, pour commencer, à une effective séparation de
corps, les lettres de Mme de Sévigné vont pouvoir nous en rendre un
compte exact.
Invitée et adulée à la cour, où son amie Mme de La
Fayette est de toutes les fêtes, où la reine des précieuses, M11e de Scu
déry, prend à ses côtés des croquis et des notes en vue de ses« romans à
clés», la Marquise sauvegarde néanmoins son indépendance, et, à la
ville, en son hôtel particulier (l'actuel Musée Carnavalet), reste l'amie
ou la commensale de tels grands bourgeois, grands écrivains ou grands
seigneurs en disgrâce (comme Retz, La Rochefoucauld; ou encoré
Bussy-Rabutin, son cousin« très mal en cour», à qui elle restera pourtant fidèle).
Ainsi, dans cette guerre de position que mènent Paris et Versailles,
de l'une à l'autre des lignes ennemies, notre vaillante épistolière va assu
rer d'incessants relais; véritable estafette comme disait son siècle (ou,
comme dirait le nôtre: « motocycliste aux armées»), ce n'est pas sans
mélancolie, par exemple, qu'elle rapporte à sa fille qu'elle vient de voir,
dans les allées du jardin royal, les orangers en caisses et les termes de
Poussin, volés à son très tendre ami Fouquet.
Elle s'indigne de voir que
les jardins de Vaux sont non seulement copiés mais dépecés sans ver
gogne, au profit de ce domaine de Versailles (fav01i sans mérite, comme
elle le nommera longtemps).
Certains critiques du XIXe siècle ont pu lui reprocher comme un
manque de caractère cette politique trop habile, qui lui permettait de
prendre part sans prendre parti; d'aller « en Bourdaloue» l'après-midi
côte à côte avec les vertueux robins de la ville et de se débaucher le soir
même à l'opéra Cadmus et Hermione joué en plein air à Versailles; de se
faire embaucher par le roi pour un reportage publicitaire dans les jar
dins (la reprise du « divertissement royal», « grande fête galante»),
tandis que le soir même, elle repartait dîner à Paris, chez quelque liber
tin; sinon chez quel que « ancien» de la Fronde.
On lui a reproché de
ne pas avoir voulu dire, entre la cour et la ville, où allait son cœur.
Or
elle l'a dit.
Elle les renvoyait dos à dos et préférait les « champs » : ses
biens et ses gens de Livry, près Paris; ou des Rochers près Vitré, en Bre
tagne, où elle s'enterre durant des mois, se colletant joyeusement avec la
dure réalité, veillant à faire rentrer (sans pitié) l'argent que lui doivent
les fermiers d'alentour.
Vie monotone, aride, et cruelle sans doute, maIS
où elle aime à se retremper, affamée de jeûne et de silence.
(Devant cette
magistrale formule de la Marquise on évoque de nouveau Colette, .et
ses « cures de désintoxication».) Invitée à paraître aux États de Bour
gogne, prétexte à de longues enfilades de fêtes où l'on mange et boit
plus que de raison, elle s'ennuie davantage encore qu'à la cour.
Elle
a hâte de revenir méditer aux Rochers (J'y suis revenue ce matin, toute
seule)
., Car tel est le lot des nobles·de province, en ce siècle où s'achève la
trop célèbre« centralisation du pouvoir».
Alors que la plus grande par
tie de....
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