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Sartre, Les Mots, « Au jardin du Luxembourg ». Il y avait une autre vérité. Sur les terrasses du Luxembourg,...

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« Sartre, Les Mots, « Au jardin du Luxembourg ». Il y avait une autre vérité.

Sur les terrasses du Luxembourg, des enfants jouaient, je m'approchais d'eux, ils me frôlaient sans me voir, je les regardais avec des yeux de pauvre: comme ils étaient forts et rapides ! comme ils étaient beaux! Devant ces héros de chair et d'os, je perdais mon intelligence prodigieuse, mon savoir universel, ma musculature athlétique, mon adresse spadassine; je m'accotais à un arbre, j'attendais.

Sur un mot du chef de la bande, brutalement jeté: « Avance, Pardaillan, c'est toi qui feras le prisonnier », j'aurais abandonné mes privilèges.

Même un rôle muet m'eût comblé; j'aurais accepté dans l'enthousiasme de faire un blessé sur une civière, un mort.

L'occasion ne m'en fut pas donnée: j'avais rencontré mes vrais juges, mes contemporains, mes pairs, et leur indifférence me condamnait.

Je n'en revenais pas de me découvrir par eux: ni merveille ni méduse, un gringalet qui n'intéressait personne.

Ma mère cachait mal son indignation: cette grande et bel le femme s'arrangeait fort bien de ma courte taille, elle n'y voyait rien que de naturel: les Schweitzer sont grands et les Sartre petits, je tenais de mon père, voilà tout.

Elle aimait que je fusse, à huit ans, resté portatif et d'un maniement aisé: mon format réduit passait à ses yeux pour un premier âge prolongé.

Mais, voyant que nul ne m'invitait à jouer, elle poussait l'amour jusqu'à deviner que je risquais de me prendre pour un nain - ce que je ne suis pas tout à fait - et d'en souffrir.

Pour me sauver du désespoir elle feignait l'impatience: « Qu'est-ce que tu attends, gros benêt? Demande-leur s'ils veulent jouer avec toi.

» Je secouais la tête: j'aurais accepté les besognes les plus basses» je mettais mon orgueil à ne pas les solliciter.

Elle désignait des dames qui tricotaient sur des fauteuils de fer: « Veux-tu que je parle à leurs mamans? » Je la suppliais de n'en rien faire; elle prenait ma main, nous repartions, nous allions d'arbre en arbre et de groupe en groupe, toujours implorants, toujours exclus.

Au crépuscule, je retrouvais mon perchoir, les hauts lieux où soufflait l'esprit, mes songes: je me vengeais de mes déconvenues par six mots d'enfant et le massacre de cent reîtres.

N'importe: ça ne tournait pas rond. *** Jean-Paul Sartre (Paris, 21 juin 1905 - Paris, 15 avril 1980) : philosophe et écrivain français, dont la vie d'intellectuel engagé a suscité polémiques et réticences.

Intransigeant et fidèle à lui-même et à ses idées, il a toujours rejeté les honneurs, notamment en 1964 le prix Nobel de littérature, qui lui avait été décerné par l’Académie suédoise. Personnage prolifique et hyperactif, il est autant connu pour son œuvre, notamment ses paradigmes philosophiques que l'on regroupe sous le nom d'existentialisme, que pour son engagement politique, de gauche radicale.

Sartre est connu aussi comme le compagnon de Simone de Beauvoir. Les Mots : Autobiographie de Jean-Paul Sartre, publiée en 1964, dont le récit couvre l’enfance de l’auteur, de ses 4 à 12 ans.

Les Mots se divisent en deux parties : « Lire » et « Écrire » − selon Philippe Lejeune, ces deux parties ne sont qu'une façade et ne révèlent pas la progression chronologique de l'œuvre. Extrait étudié : moments passés avec sa mère > l’enfant se heurte à la réalité, au monde qui ne l’attend pas… I- Évocations de l’enfance A- Une autobiographie • Extrait d’une autobiographie.

Il y a identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage principal, Sartre enfant. NB : les lieux et les personnages sont réels, ont bien existé.

Cf.

« Ma mère » ; « les Schweitzer » ; « les Sartre »… • Récit centré sur le « je » de l’auteur, du narrateur, du personnage principal => multiplication des marques de 1e personne du singulier. Cf.

16 « je » ; 5 « j’ » ; 7 « mon » ; 6 « mes » ; 4 « ma ». • Récit que fait l’auteur âgé de son enfance.

Utilise les temps du passé. Cf.

l’importance de l’imparfait dans l’extrait > évoque le passé. Cf.

le conditionnel et le conditionnel passé > concordance des temps. - Les dialogues sont aux temps du discours. • Différence entre le narrateur enfant (discours au passé) et l’auteur adulte. Cf.

« ce que je ne suis pas tout à fait » : remarque faite au présent d’énonciation par l’auteur adulte, par Sartre. B- Récit du passé Restitution du passé. • L’auteur a recours au discours direct > laisse entendre les enfants.

Effet de réalisme.

Cf. « « Qu'est-ce que tu attends, gros benêt ? Demande-leur s'ils veulent jouer avec toi.

» ». • Discours indirect libre.

Ex : « comme ils étaient forts et rapides ! comme ils étaient beaux ! » > Mélange de discours direct (cf.

les exclamations) et de discours indirect (cf. l’imparfait). • L’auteur évoque le Luxembourg > lieu réel.

Jardin public parisien.

Cf.

les « fauteuils de fer » qui existaient et qui existent toujours.

Cf.

« Sur les terrasses du Luxembourg »… • Il ne raconte pas un seul jour passé au Luxembourg, il ne s’agit pas du récit d’une aprèsmidi => Verbes à l’imparfait : répétition. Imparfait d’habitude. Ex : « nous repartions, nous allions d'arbre en arbre et de groupe en groupe » ; « Ma mère cachait »… > actions qui ont eu lieu fréquemment. => Habitude de l’auteur de se rendre au Luxembourg avec sa mère. C- Évocation de la mère • Mère de Sartre qui semble être une mère poule »: elle accepte avec joie que son enfant grandisse lentement. • L’enfant petit est pour elle un plaisir : il est maniable, ce qui le.... »

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