Savoir à quoi s'en tenir sur les sujets de dissertation philosophique Les sujets et le programme En principe, les sujets...
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«
Savoir à quoi s'en tenir
sur les sujets de
dissertation
philosophique
Les sujets et le programme
En principe, les sujets doivent être en rapport avec les programmes.
De fait, ils
le sont presque tous : l'exception confirme la règle.
Sujet sans rapport mani
feste avec le programme : « Qu'est-ce qu'être malade?».
Beau sujet, ultra
philosophique dans son libellé.
Mais à quelles parties du programme le
rattacher?
Il ne faut cependant pas conclure trop vite de la non-évidence à l'absence du
rapport entre certains sujets et le programme
1.Dans chaque série (voir p.
3), ·celui-ci est assez vaste et les notions capitales
assez «englobantes» pour qu'un lien puisse être établi entre le sujet et une (ou plusieurs)
notion(s) du programme.
Soit un sujet_ sur le désir: la notion de désir
n'est pas à votre programme, mais il faut bien en passer par l'étude du désir
pour traiter des passions qui sont au programme.
2.Il n'est pas philosophique de reprocher à un sujet de philosophie d'être hors·
programme.
Tout ce qui intéresse la pensée humaine est, sous une forme ou
sous une autre, « au programme».
Les différences entre les programmes des dif
férentes séries ne sont pas tant de nature que d'extension et d'approfondisse
ment.
On p _eut très bien concevoir qu'un sujet soit destiné à approfondir une
partie ou une sous-partie du programme qui n'a pas fait l'objet d'un développe
ment systématique dans l'année.
Un sujet tel que celui-ci: «Être reconnu, est
ce donc si important pour moi?» vous invite même à critiquer ou dépasser ce
qui, dans votre cours sur la conscience ou sur autrui, a pu (et dû) être posé
comme un moment constitutif de la conscience de soi : la reconnaissance par
une autre conscience de soi.
3.Les sujets, bien qu'ils ne les mentionnent pas toujours explicitement, posent
néanmoins toujours un problème philosophique précis à propos des notions du
programme.
Trouver ce problème, c'est faire apparaître le rapport, inapparent à
la première lecture, du sujet avec le programme.
Ce qui exige attention et
concentration : nous en reparlerons dans les chapitres de méthode.
Les sujets de philosophie ne sont jamais des énigmes mais ils semblent parfois
des devinettes : comme ces images qu'il faut scruter, .tourner et retourner en
tous sens pour y découvrir la forme cachée d'un objet ou d'un personnage, cer
taines questions demandent de trouver quelque chose qui ne se voit pas au pre
mier coup d'œil.
Il faut parfois tourner et retourner le sujet « dans sa tête>) pour
en dégager le problème implicite et déceler les contours du (ou des) concept(s)
qu'il met en jeu.
Et comme souvent, quand il s'agit de devinette, une fois qu'on
a trouvé on a l'impression que c'était facile : un jeu.
◊ Exemple: « Un monde humain sans affrontement est-il pensable? » 1
Affrontement-+ notion de violence (conflits, guerres, luttes).
Monde humain-+ notion de société (monde des relations entre les hommes).
Ramenée au problème : « Une société sans violence est-elle pensable':.'», la
question proposée met en jeu 2 notions au programme.
Allons plus loin : pensable -+ 2 sens :
a.
sens strict: qui peut être pensé - imaginé/représenté ou bien rationnellement
conçu (possibilité intellectuelle ou théorique) ;
b.
sens large : qui peut être réalisé - ou qui est envisageable, concrètement/his
toriquement possible, par opposition à ce qui est impensable (impossibilité
réelle ou pratique).
Le problème se dédouble
■
« Une société sans violence est-elle concevable?» = une telle société cor
respond-elle à une idée cohérente? Toute société n'est-elle pas conflictuelle?
_L'affrontement n'est-il pas une donnée de la nature humaine? ...
■
« Une société sans violence est-elle réalisable?» À supposer que l'affronte
ment ne soit pas dans la nature humaine, l'histoire peut-elle engendrer autre
chose que la violence? La paix universelle du genre humain n'est-elle pas
qu'une utopie, une vue de l'esprit, une idée de la raison? ...
De nouvelles notions apparaissent : nature humaine, histoire, etc.
Toujours le
programme.
Allons encore plus loin : affrontement-+ concurrence ou compétition paci
fique (sportive, par exemple), émulation qui rend meilleurs ou plus forts (tech
niquement! psychologiquement, moralement) les adversaires en les amenant à
1.
Introduction et problématique rédigées de ce sujet son données au chapitre 9, p.
141.
se dépasser, ce qu'ils n'auraient pas fait en dehors de la lutte et sans la perspec
tive du prix, symbolique ou non, qui s'attache à la victoire.
Le progrès humain
ne suppose-t-il pas, justement, l'affrontement entre les hommes, au plan indivi
duel comme au plan collectif? L'affirmation de soi comme sujet passe, chez
l'enfant, par le conflit avec autrui (parents, maîtres).
La question devient: «Un
monde humain sans affrontement est-il vraiment souhaitable?» (fin de
l'histoire - des guerres, des révolutions == mort de l'homme?).
Même en conser
vant au mot «affrontement» son sens négatif (violence), on peut philosophique
ment se demander si l'affrontement entre les hommes ne présente pas le
caractère de ce que Hegel appelle le «travail du négatif».
Les guerres, tragiques
en elles-mêmes, se soldent, nous apprennent les historiens, par des révolutions
techno-économiques positives.
Ce sujet pose le problème de savoir si ce qui est
moralement inacceptable n'est pas historiquement nécessaire et si ce qui est
moralement souhaitable n'est pas historiquement impossible, irrationnel et,
même, indésirable.
Bref, l'enjeu n'est autre que de savoir ce qui est véritable
ment humain: un monde où les hommes ne s'affronteraient plus du tout ni sur
aucun plan mériterait-il eJ?.core le qualificatif d'humaîn?
Voilà un sujet qui, interrogé, concentre sur lui un pan entier du programme.
Vous
voyez du même coup que le vrai problème de la dissertation philosophique sera
de choisir et d'organiser les connaissances une fois le sujet compris.
Proposition d'exercice
Cherchez dans les annales d'autres sujets qui ne mentionnent pas explicitement
une rubrique du programme, et essayez de faire le travail de «reconnaissance»
que nous venons de faire.
Le jour de l'épreuve, quand vous lirez les sujets, ne vous dites pas : «On n'a pas
vu ça dans l'année! » Ne vous jetez pas sur le commentaire de texte parce que
les sujets de dissertation vous auront paru trop éloignés du programme.
Dites
vous au contraire qu'un sujet dont le lien avec le programme n'est pas évident
peut vous être favorable.
Pourquoi ?
■
Parce qu'il vous obligera à chercher en vous-même et par vous-même argu
ments et idées, donc à faire l'effort de réflexion personnelle demandé, à faire
travailler votre raison.
■
Parce que, s'il ne renvoie pas directement au cours, il en appelle peut-être
d'abord à une expérience que vous avez de la réalité qu'il questionne.
Le sujet
relevé page 29 «Qu'est-ce qu'être malade?», avant de renvoyer au cours
(corps/conscience, normal/pathologique), s'adresse ici à l'individu qui a fait
l'expérience de la maladie et qui peut penser le «vécu» de l'être malade.
Une
dissertation philosophique ne doit pas raconter naïvement une expérience particulière; elle se fonde sur ce qu'il y a d'universel dans l'expérience humaine.
REMARQUE GÉNÉRALE SUR «L'AIR DU TEMPS»
Bien qu'il ne faille pas les exagérer ni en tirer de conclusions hâtives, il existe
des phénomènes conjoncturels dont il n'est pas mauvais d'avoir quelque idée.
Un problème philosophique est un problème de toujours, même si sa formula
tion change d'une époque à l'autre.
Mais la philosophie, heureusement,
exprime les préoccupations de son temps.
Si elle ne suit pas les fluctuations de
la mode, elle vit sur terre.
Cela dit, ne travaillez jamais en fonction des idées qui courent dans l'air du
temps.
Parce qu'il est contingent, un phénomène conjoncturel a précisément cet
inconvénient qu'il peut disparaître comme il est venu.
Les problèmes philoso
phiques, eux, restent.
D'ailleurs, si l'on retrouve au bac des sujets ou des pro
blèmes tombés en désuétude (ou plutôt « minorisés» par rapport à d'autres),
c'est qu'ils n'attendaient que l'occasion de se poser de nouveau.
Rappelez-vous qu'une question philosophique, même réactualisée par l'événe
ment, remise à l'ordre - ou au goût - du jour, ne doit jamais être traitée comme
une question d'actualité mais comme un sujet fondamental de réflexion.
Les différents types de sujets
■ La quasi-totalité des sujets donnés au bac le sont sous forme de questions ou
d'énoncés (expressions, citations, etc.) accompagnés de questions.
Quelques-uns,
en voie de disparition, comportent une directive de travail (par exemple : « Dis
cutez cette affirmation d'un philosophe: ...
») qui équivaut à une question.
« D'une façon générale, précisent les circulaires, on préférera à tout autre le
libellé du sujet en forme de question directe et ouverte.»
■ Les sujets sans question ni directive de travail sont plus que rares.
L'exception confirme la règle.
Encore s'agit-il souvent, dans ce cas, de particu
larisme académique.
Ainsi, par exemple, sur les quatre sujets de cette nature en
1983, trois avaient été donnés dans la seule académie de Limoges, dont deux
dans les séries scientifiques : « Certitude, mauvaise marque de vérité» et
«Mieux vaut se perdre dans la passion qu'avoir perdu toute passion».
S'agissait-il à l'époque d'une innovation pédagogique expérimentale?
Du reste, comme le montrent les deux sujets limougeauds que nous venons de
citer, ces types de sujets ne sont pas nécessairement difficiles à aborder sous
forme de problèmes.
Un sujet tel que : « Croire et savoir» est anachronique.
Il n'y a plus au bac de
sujets-notions(type« La mort» ou « Nature et histoire») comme il en existe à
certains concours.
Et les textes officiels proscrivent les sujets réduits à un seul
terme.
Autant dire, une fois encore, que les sujets de bac ne sont pas des ques
tions de cours.
8 Les sujets-questions
■ Les questions proposées sont plus ou moins directes, plus ou moins ouvertes.
Exemples:
■ « L'art est-il inutile?» : énoncé bref, question directe et ouverte.
Les sujets
des séries technologiques sont souvent ainsi(mais pas toujours).
■ « Pouvons-nous
dire que la vraie servitude est celle dont on n'a pas
conscience, qu'on nous fait subir à notre insu et qu'on nous fait prendre
pour la liberté?» : énoncé long, relativement fermé puisque trois paramètres
précis conditionnent la question et orientent la réflexion.
Sujet qui a l'avantage
de présenter des données, de proposer des thèses à examiner.
■ « Par quoi une approche scientifique de la réalité diffère-t-elle d'une
approche philosophique?» : question ouverte mais précise, appelant une
réflexion analytique sur les caractères propres de deux choses posées au départ
comme distinctes(-+ plan comparatif à bâtir autour de l'objet, de la méthode et
des buts respectifs de la science et de la philosophie).
■ « Ai-je un corps ou suis-je mon corps?» : par une alternative, la question
ferme le domaine de la réflexion, ce qui n'interdit pas, à la fin du devoir, de
dépasser l'alternative initiale.
Autres exemples : « La liberté : intuition ou savoir?»; « La beauté est-elle
dans le regard ou dans l'objet regardé?» ; « Le travail est-il une obligation,
une contrainte ou une nécessité?».
■ Parfois même, les étapes du développement sont suggérées ou esquissées
dans le sujet lui-même, celui-ci devenant presque une introduction à son propre
traitement.
Exemple : « Les luttes et les guerres : effet de la nature des
hommes, étape nécessaire de leur devenir historique, effet du hasard...?»
Tous ces sujets sont intéressants pour vous, car ils vous donnent un fil conduc
teur et vous aident à rester« dans le sujet».
Mais attention: ce n'est pas parce qu'ils proposent des repères qu'il faut les
traiter comme des questions de cours.
Le dernier problème cité se termine par
des points de suspension qui vous invitent à penser d'autres solutions ou hypo
thèses que celles qui ouvrent la voie.
■ La forme des questions est très variée.
On peut cependant les regrouper en
quatre classes principales
1.
Les questions qu'on peut ramener à la forme « Est-ce que?» (bien qu'elles
puissent être libellées autrement).
Ce sont les plus nombreuses: environ les trois quarts.
Exemples :'«L'histoire
a-t-elle un sens?»; « Pense-t-on jamais par soi-même?»; « Y a-t-ill une
beauté naturelle ? », etc.
Parmi les sujets de cette catégorie, il faut relever ceux qui commencent par
«Peut-on?» également : « Peut-on dire que ? » (ou « Peut-on penser
que?») - et par «Faut-il?» également : « Faut-il dire que?» (ou « Faut-il
penser que?»).
Ces sujets sont très classiques en philosophie.
Et relativement
nombreux.
Exemples : ,< Peut-on ne pas vouloir rechercher la vérité ? » ;
« Peut-on dire que les passions sont toutes bonnes?»; « Faut-il redouti�r les
machines?»; « Faut-il se demander si l'homme est bon ou méchant par
nature?», etc.
NOTA BENE
■ Tout sujet de philosophie de la forme interrogative directe « Est-ce que ? »
peut être ramené à la forme indirecte: «Peut-on dire que?» ou : «Faut-il pen
ser que?».
Exemple : Se poser la question « L'histoire a-t-elle un sens?»
revient à se demander si l'on dit quelque chose de vrai ou de faux, si l'on a rai
son de dire ce qu'on dit quand on dit que l'histoire a un sens.
La question de
style direct a l'avantage d' «attaquer» l'objet lui-même (ici, le devenir histo
rique) et non pas le discours sur cet objet (la compréhension du devenir histo
rique).
Mais, fondamentalement, cela revient au même.
Nous verrons plus loin que, du point de vue de l'organisation interne de la
dissertation (problématique/plan de développement), les sujets en «Peut-on?»
et «Faut-il?» ne sont pas les plus difficiles à négocier.
Reportez-vous au cha
pitre 8 : p.
126 et suivantes.
■
2.
Les questions du type «Qu'est-ce que?»
■ Bien qu'elles soient très philosophiques dans leur principe (la question
«Qu'en est-il de?» est la question «grecque» par excellence), les questions
appelant une définition ne sont pas nombreuses.
Est-ce parce qu'elles sont diffi
ciles? Exemples: «Qu'est-ce qu'une évidence?»; «Qu'est-ce que s'expri
_mer?»; «Qu'est-ce qu'un pauvre?».
Cependant, d'autres formulations peuvent proposer des sujets-définitions.
Exemples : « En quoi consiste l'objectivité scientifique?» ; « Comment ,com
prendre la notion de vie intérieure?»; « Que faut-il entendre par « vérité
■
objective»?».
Ces sujets exigent une démarche spécifique sur laquelle nous
reviendrons.
3.
Les questions du type «Pourquoi?» (ou « Pour quelles raisons?»/« Sur
quelles raisons pouvons-nous nous appuyer pour affirmer que?», etc.).
Exemples : « Pourquoi des artistes?» ; « Pour quelles raisons préférer le
juste à l'utile?»; «Pourquoi veut-on changer le monde?», etc.
D'autres for
mulations peuvent entrer dans cette catégorie.
Exemple : « Qu'est-ce qui
pousse l'homme à travailler?».
Le libellé appelle une réflexion sur les causes
et les raisons (buts)....
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