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SCIENCES ET CIVILISATION Progrès technique et bonheur · ,101 ••• François-René de CHATEAUBRIAND 1768 - 1848 Mémoires d'outre-tombe (1848-1850) On...

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« SCIENCES ET CIVILISATION Progrès technique et bonheur · ,101 ••• François-René de CHATEAUBRIAND 1768 - 1848 Mémoires d'outre-tombe (1848-1850) On affirme que dans cette civilisation à naître l'espèce s'agrandira; je l'ai moi-même avancé: cependant n'est-il pas à craindre que l'indi­ vidu ne diminue? Nous pourrons être de laborieuses abeilles occupées en commun de notre miel.

Dans le monde matériel les hommes s'asso5 cient pour le travail, une multitude arrive plus vite et par différentes routes à la chose qu'elle cherche; des masses d'individus élèveront les Pyramides; en étudiant chacun de son côté, ces individus rencontre­ ront des découvertes dans les sciences, exploreront tous les coins de la création physique.

Mais dans le monde moral en est-il de la sorte? 10 Mille cerveaux auront beau se coaliser, ils ne composeront jamais le chef-d'œuvre qui sort de la tête d'un Homère. On a dit 1 qu'une cité dont les membres auront une égale réparti­ tion de bien et d'éducation présentera aux regards de la Divinité un spectacle au-dessus du spectacle de la cité de nos pères.

La folie du 15 moment est d'arriver à l'unité des peuples et de ne faire qu'un seul homme de l'espèce entière, soit; mais en acquérant des facultés géné­ rales, toute une série de sentiments privés ne périra+elle pas? Adieu les douceurs du foyer; adieu les charmes de la famille; parmi tous ces êtres blancs, jaunes, noirs, réputés vos compatriotes, vous ne pourriez 20 ·vous jeter au cou d'un frère.

N'y avait-il rien dans la vie d'autrefois, rien dans cet espace borné que vous aperceviez de votre fenêtre enca­ drée de lierre? Au-delà de votre horizon vous soupçonniez des pays inconnus dont vous parlait à peine l'oiseau de passage, seul voyageur que vous aviez vu à l'automne.

C'était bonheur de songer que les col25 lines qui vous environnaient ne disparaîtraient pas à vos yeux; qu'elles renfermeraient vos amitiés et vos amours; que le gémissement de la nuit autour de votre asile serait le seul bruit auquel vous vous endor­ miriez; que jamais la solitude de votre âme ne serait troublée, que vous y rencontreriez toujours les pensées qui vous y attendent pour 30 reprendre avec vous leur entretien familier.

Vous saviez où vous étiez né, vous saviez où serait votre tombe; en pénétrant dans la forêt vous pouviez dire: 168 SCIENCES ET CIVILISATION / Beaux arbres qui m'avez vu naître,.... »

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